L’armée de l’ombre : instrumentalisation des enfants et déshumanisation en Algérie
SIWEL) —Le pouvoir autoritaire algérien exploite la vulnérabilité humaine pour garantir sa pérennité. En manipulant délibérément les enfants, l’État en fait des instruments de domination, incarnant ainsi les traits d’un système politique profondément déshumanisant. Environ 5 000 enfants naissent anonymement chaque année en Algérie, un phénomène préoccupant qui prend de l’ampleur, soulignant l’urgence d’une réflexion.
La fabrication d’une « Armée de l’Ombre » Sociale (AOS) :
Ce processus va bien au-delà d’une simple adoption étatique ; il s’inscrit dans une ingénierie sociale destructrice. L’objectif n’est pas de protéger les enfants, mais de forger une caste résolument loyale au régime algérien. En se présentant comme la seule entité salvatrice, l’État remplace la famille et la communauté, créant ainsi un lien de dépendance totale. Transformés en orphelins institutionnels, ces enfants voient leur loyauté orientée non vers la nation ou le peuple, mais vers l’appareil répressif lui-même. Ils deviennent à la fois les victimes et les gardiens d’un système dont ils subissent la cruauté, une ironie tragique qui scelle leur aliénation. Mobilisés pour commettre des actes horrifiants – des violences et des viols à l’université de Tizi-Ouzou en 1980, aux massacres le 22 septembre 1997 déguisés en terroristes islamistes, jusqu’à tirer sur des manifestants pacifiques kabyles en 2001 – ils illustrent la manipulation des plus vulnérables par un régime sans scrupules.
La distorsion des valeurs morales et éducatives :
L’endoctrinement opère en inversant les valeurs fondamentales de la société. La dignité humaine est éclipsée par une loyauté inconditionnelle ; l’esprit critique est étouffé au profit de l’obéissance aveugle. L’éducation, autrefois outil d’émancipation, se transforme en arme de formatage. Ces enfants ne sont pas éduqués pour penser, mais pour servir, façonnés non pas en contributeurs au bien commun, mais en défenseurs des intérêts d’une élite au pouvoir. Cette perversion du rôle de l’État, censé être un protecteur, en une machine à créer des serviteurs, est un indicateur clair d’une tyrannie rampante.
La destruction du lien social et de la résilience communautaire :
Une telle politique ne se contente pas de produire des serviteurs ; elle vise aussi à annihiler le tissu social potentiellement menaçant pour le régime. En forgeant une armée de partisans qui rejettent la société qu’ils sont censés contrôler, le pouvoir garantit que toute velléité de révolte sera réprimée d’une brutalité redoublée, nourrie par un désir de vengeance personnelle. Ce cycle auto-entretient la violence et la méfiance, empêchant l’émergence d’une solidarité horizontale et rendant la société impuissante face à la machine étatique.
La question de la résistance et de la prise de conscience :
Dans un système aussi verrouillé, la résistance peut sembler impossible. Cependant, l’histoire révèle que même les régimes d’endoctrinement les plus rigides possèdent des failles. La prise de conscience individuelle, le maintien de la mémoire collective et le contact, même minime, avec des réalités alternatives peuvent semer le doute. La défection d’un seul membre de cette « armée » peut déclencher une crise de légitimité beaucoup plus profonde qu’une révolte populaire, atteignant le cœur même du système de sécurité du régime.
Il est impératif de se poser une question fondamentale : comment contrer une telle stratégie ? La réponse pourrait résider dans la défense résolue d’espaces de socialisation indépendants du pouvoir – la famille, les associations et les communautés locales – capables de fournir des récits alternatifs à ceux propagés par l’État, tout en préservant la notion de dignité humaine inaliénable.
La protection de l’enfance, loin d’être un simple instrument du pouvoir, se doit d’être un impératif moral transcendant la politique, devenant ainsi un acte de résistance en soi. Pour la Kabylie, l’indépendance et la souveraineté demeurent l’ultime moyen et la seule solution.
Boualem Afir.
SIWEL 182017 OCT 25
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