CONTRIBUTION (SIWEL) – Les attaques que vient d’essuyer, une fois encore, la Kabylie de la part des maquisards de la 25 ème heure, et le dénigrement à outrance à l’encontre de nos libérateurs, ne sont que la suite logique d’une guerre anti-kabyle. Une guerre, qui dure depuis que notre peuple a perdu la maîtrise de son destin en 1857.
De nombreux politiques kabyles ont consacré toute leur vie à essayer de convaincre et de divulguer aux Algériens, par des écrits, des conférences, discours, livres… que les révolutionnaires kabyles de la guerre anticoloniale ont tous été liquidés par l’Armée des Frontières. Force est de constater que le résultat escompté est loin d’être atteint !
Maintenant que les héritiers des assassins de ABANE se sont exprimés, en termes clairs, sur la liquidation de ce dernier, quelle démarche adéquate nous reste-t-il à entreprendre? Réagir par des écrits rhétoriques interposés ? Ou encore se lancer dans la rédaction interminable de doléances à l’encontre d’une administration coloniale et assassine? Espérer la solidarité compassionnelle d’Algériens qui, visiblement ne sont pas choqués des déclarations de l’énergumène Malgache?
D’ailleurs, pourquoi les Algériens ne réagissent-ils pas ? Persister à rester sourd à l’appel de l’union des Kabyles, dans un ultime espoir que les Algériens investissent un peu de sentiment à notre égard ? Doit-on convaincre les Algériens que nous ne sommes pas Kabyles et qu’en l’occurrence notre seul désir, serait qu’ils nous acceptent comme Algériens de second rang?
Tant de questions qui ne sont, en fait, que des réponses à un malheur qui nous a coûté énormément de temps et de nombreuses vies.
Le temps que l’on perde et les vies fauchées sont le résultat de 2 maux : une politique raciste et coloniale d’une part, mais également et surtout une union entre Kabyles qui tarde à se constituer, d’autre part. Désormais, la responsabilité du second point nous incombe.
Aucun de nous aujourd’hui ne peut dire avec certitude, quelle aurait été l’Algérie de ABANE. Aurait-elle été démocratique, laïque, Amazighe ?
Que l’on me comprenne bien, loin de moi l’idée de mettre en doute l’honnêteté intellectuelle de ABANE Ramdane, ni sa vision et sa capacité à organiser le combat anticolonial dans ce grand territoire qui s’appelle "l’Algérie".
Je veux juste dire par ces questionnements, que l’édifice d’un État démocratique ne dépend pas seulement de la bonne volonté d’une seule personne, quand bien même elle porterait en elle toutes les valeurs universelles sur lesquelles sont fondés les Etats démocratiques actuellement.
Connaissant les grands conflits de l’époque et la haine de l’Armée des Frontières à l’égard de tout ce qui est Kabyle, j’ai du mal à imaginer l’Algérie de ABANE.
Tout ce que nous disions concernant le projet d’un État algérien démocratique futur qu’aurait souhaité ABANE, repose exclusivement sur des données fluctuantes et surtout sur des hypothèses qui sont liées directement à une période qui avait comme urgence la décolonisation.
Pour pousser la réflexion d’une manière audacieuse et rester dans des hypothèses liées aux données de l’époque, je dirais que, peut-être, que la majorité des Algériens aurait refusé de cautionner la création d’un État démocratique et laïc proposé par "ABANE le kabyle" ?
En l’espèce, l’implantation exclusive en territoire Kabyle du FFS et du RCD, deux structures algériennes pour leurs fondateurs, et kabyles pour les électeurs en est un exemple édifiant. Et, peut-être même, pour ne pas dire qu’il est certain, que les Kabyles auraient préféré l’Algérie de BENAÏ OUALI et de Mbarek AIT MENGUELLET ?
En revanche, ce qui est certain et que personne ne peut nier, c’est la raison pour laquelle on a assassiné ABANE, Amirouche, Krim, Matoub, Ameziane et les 128 jeunes Kabyles. C’est leur appartenance au peuple kabyle, plus que les idées qu’ils véhiculaient.
À force de se justifier et de s’obstiner à vouloir mettre les pendules de l’Algérie à l’heure, c’est le temps de notre existence qui nous est compté, et c’est surtout notre rendez-vous avec l’histoire, notre histoire qui serait compromise à jamais.
À mon sens, l’acte libérateur premier, c’est de voir en l’assassinat et l’atteinte à la mémoire de nos héros, une issue de sortie et non une spirale de justificatifs. Notre espoir, aujourd’hui, consiste à relever le défi de nous assumer en tant que nation Kabyle et rien d’autre.
Au demeurant, la Kabylie du XXIe siècle, n’est pas celle de la période de la colonisation française, ni celle affaiblie militairement et politiquement après sa défaite de 1963.
La Kabylie dont l’ennemi est l’Algérie arabo-islamique est indéniablement forte de son parcours révolutionnaire, et détient l’atout d’une jeunesse politisée, dépositaire de son histoire et consciente de sa singularité. C’est pourquoi elle doit relever le défi d’aller dans le sens de la liberté perdue.
Yacine CHERAIOU,
SIWEL 101804 NOV 15