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Sab At Maksen à AnfasPress : « Le peuple kabyle a démontré au régime algérien que sa volonté d’indépendance est irrépressible »

REVUE DE PRESSE (SIWEL) – Siwel reproduit ci-dessous la retranscription en français de l’interview accordée par Sab At Maksen, conseiller politique du président du MAK et de l’Anavad, au média marocain arabophone « AnfasPress » :

En introduction, je profite de la tribune que m’offre votre journal pour saluer chaleureusement le peuple frère marocain, à qui j’adresse tout mon respect. J’espère de tout cœur que les relations entre nos deux peuples, ainsi qu’entre le gouvernement kabyle et les autorités marocaines, continueront à se développer de manière positive et constructive.

Je crois sincèrement que le temps est venu pour une relation fondée sur la maturité, la compréhension mutuelle et la coopération.

Merci du fond du cœur.

Q1 : L’Algérie a récemment adopté la loi sur la mobilisation. Des observateurs y voient une étape vers l’état d’urgence ou la guerre. Quelle est votre lecture de cette décision ?

Cela montre, une fois de plus, que ce régime s’enfonce dans une fuite en avant sans issue. Sur le plan des faits, personne ne menace réellement l’Algérie, c’est au contraire elle qui, par ses choix politiques et militaires, et son soutien assumé au terrorisme, déstabilise toute la région, notamment dans les pays du Sahel, et surtout à travers sa relation toxique avec le Maroc, injustement désigné comme ennemi viscéral et bouc émissaire de tous les échecs internes.

Depuis la pseudo-indépendance de 1962, la Kabylie est considérée par le régime comme l’ennemi intérieur par excellence. Cette hostilité n’a fait que s’aggraver, malgré les nombreuses tentatives des Kabyles de s’intégrer dans une Algérie qu’ils ont pourtant en grande partie libérée, mais qui a rapidement été détournée de ses idéaux par ceux qui ont pris le pouvoir par la force. L’anti-kabylisme est une constante de ce système. La tragédie du Printemps Noir de 2001, où plus de 130 jeunes kabyles ont été assassinés par la gendarmerie algérienne, des milliers blessés, dont beaucoup laissés handicapés à vie, et où aucune justice n’a jamais été rendue, demeure une preuve accablante. L’impunité et l’indifférence restent intactes.

À partir de là, la Kabylie a tiré toutes les leçons nécessaires et a choisi de revendiquer, pacifiquement et légitimement, son droit à l’autodétermination. Ce combat est désormais porté à l’international par l’Anavad, notre Gouvernement provisoire en exil, et par le MAK, le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie. Il est donc difficile de ne pas voir dans cette loi sur la mobilisation une manœuvre visant directement la Kabylie, dont la lutte pacifique dérange profondément un régime militaire qui ne tolère ni la différence, ni la pluralité, encore moins une quelconque émancipation.

Ce régime illégitime, né du coup d’État militaire de l’armée des frontières, s’est construit sur l’élimination des véritables chefs révolutionnaires, avec Ben Bella et Boumediene, mais aussi sur le mensonge et l’injustice. Il n’a jamais cessé de mener une double guerre, contre la Kabylie, qui a pourtant payé le plus lourd tribut durant la guerre de libération, et contre le Maroc, qui a joué un rôle décisif dans le soutien actif à cette même guerre. Ce pouvoir a besoin d’ennemis, extérieurs et intérieurs, pour justifier sa répression et maintenir l’illusion d’une légitimité mobilisatrice au service de sa propre survie.

En tout état de cause, si demain ce régime choisit d’entrer en guerre contre ses voisins, notamment contre le Maroc, ce sera sans la Kabylie. Nous ne referons pas l’erreur tragique de 1963. Comme l’a rappelé notre président Ferhat Mehenni à plusieurs reprises, les Kabyles ne doivent en aucun cas se mobiliser pour des aventures guerrières et délirantes de l’Algérie. La seule mobilisation légitime est celle en faveur de notre propre patrie kabyle, et toujours dans un cadre pacifique.

Q2 : Vous avez organisé une marche le 20 avril à Montréal, que le MAK considère comme un succès malgré la répression continue. Vous êtes aujourd’hui victimes de campagnes de diabolisation, de violences, voire d’assassinats ciblés. Pourquoi ne pas aller jusqu’à demander la désignation de l’Algérie comme État sponsor du terrorisme ?

La marche du 20 avril à Montréal, organisée par notre coordination d’Amérique du Nord, a été un véritable succès. Elle s’est tenue dans la province du Québec, elle-même en quête de souveraineté, ce qui confère à l’événement une forte dimension symbolique. La diaspora kabyle, largement francophone et politiquement engagée, s’y est mobilisée massivement et sans hésitation, malgré les pressions du régime mafieux algérien. D’autres rassemblements ont eu lieu aux États-Unis et à Londres, où notre coordination MAK UK a également organisé une mobilisation très réussie, sans oublier la grande marche de Paris, orchestrée par notre coordination Paris Île-de-France, remarquable tant par l’ampleur de la participation que par la rigueur de son organisation.

Ces mobilisations internationales sont la preuve éclatante de l’échec de la politique de répression du régime colonial algérien contre le peuple kabyle. Elles traduisent aussi la volonté irrépressible des Kabyles, partout dans le monde, de faire entendre leur voix et de défendre leur droit à l’autodétermination.

Je tiens également à saluer nos frères marocains qui ont, en toute fraternité, commémoré les deux Printemps kabyles Amazigh, celui de 1980/81 et celui de 2001 — sur leur propre sol. Un hommage interdit en Kabylie, occupée militairement et transformée en prison à ciel ouvert. En revanche, il est à noter que les Algériens, dans leur ensemble, ne participent ni à nos marches ni à nos commémorations. Leur solidarité semble s’adresser à d’autres causes, rarement, pour ne pas dire jamais, à celle du peuple kabyle. Chacun en tirera ses conclusions.

Quant aux violences que nous subissons, arrestations arbitraires, campagnes de diabolisation, exils forcés, détentions pour délit d’opinion, tortures, assassinats ciblés, elles relèvent clairement d’une politique d’État. Ce n’est pas nouveau, cette culture de la répression est inscrite dans l’ADN du régime algérien depuis sa naissance. Ce pseudo-État s’est construit sur le mensonge, l’injustice et le crime.

Face à cela, il devient légitime et urgent de poser la question de la reconnaissance de l’Algérie comme un État pratiquant ou soutenant le terrorisme d’État. C’est une voie que nous étudions sérieusement, en lien avec nos structures diplomatiques et juridiques à l’international. Le monde doit cesser de fermer les yeux sur la nature profondément répressive et criminelle de ce régime que au moins l’arrestation de l’écrivain franco algérien Boualem Sansal a dévoilé. L’impunité doit cesser, et la peur doit changer de camp.

Q3 : Les militants kabyles, en Algérie comme à l’étranger, subissent harcèlement, surveillance et poursuites. Disposez-vous de chiffres ou de témoignages récents ? Pourquoi ne pas renforcer votre présence institutionnelle en diaspora, notamment en Allemagne et aux États-Unis, où la communauté kabyle est importante ?

La répression en Kabylie atteint aujourd’hui une intensité sans précédent. Elle est alarmante, et pourtant nous craignons que le pire soit encore à venir. Le régime algérien, à la fois fragile et autoritaire, agit comme une bête blessée, il frappe aveuglément, sans retenue ni stratégie. La violence est devenue son seul mode d’action pour empêcher toute opposition ou juste une simple opinion divergente, afin de tenter de se maintenir au pouvoir.

La Kabylie vit sous occupation. Aucun espace de liberté n’y est toléré. L’armée et les services de sécurité y imposent un climat de terreur généralisée. Même sous la colonisation française, la situation n’était pas, selon beaucoup, aussi gravissime et étouffante. Désormais, cette répression s’exporte, la diaspora kabyle est elle aussi visée par des persécutions, des intimidations et des ingérences illégales.

Radio-Canada a d’ailleurs diffusé un reportage sur les menaces subies par la diaspora kabyle. En France, France 2 a révélé que des consulats algériens que nous avons réussis à piéger et filmer de l’intérieur, sont entre les mains des services de renseignement, qui y mènent des opérations de surveillance, de chantage ou de recrutement. Les 20 consulats algériens en France sont devenus, pour beaucoup, des annexes des services secrets. Ceux qui refusent de collaborer sont fichés, harcelés ou menacés. Même la justice française, pourtant indépendante, fait l’objet de tentatives d’instrumentalisation via des mandats d’arrêt internationaux fondés sur des dossiers mensongers et montés de toutes pièces.

Le cas d’Aksel Bellabbaci, cadre éminent du MAK, plusieurs mandats d’arrêt ont été émis contre lui, et une demande d’extradition formulée par l’Algérie. Le verdict sera rendu le 14 mai 2025 à 13h00 au Palais de justice de Paris. Ce procès illustre jusqu’où le régime algérien est prêt à aller pour étendre sa politique répressive au-delà de ses frontières.

L’opacité du régime empêche l’obtention de chiffres officiels, mais selon nos estimations, entre 13 000 et 15 000 personnes ont été soumises à des interrogatoires violents ou à des intimidations. Environ 500 détenus d’opinion kabyles sont actuellement incarcérés dont 38 condamnés à mort. Plus de 100 000 personnes, essentiellement des kabyles seraient interdites de sortie ou d’entrée sur le territoire algérien. Et ces chiffres, aussi énormes soient-ils, restent encore en deçà de la réalité.

Face à cela, notre stratégie est claire, continuer à internationaliser notre cause et renforcer nos structures là où vit la diaspora. Nous sommes actifs dans plusieurs pays, Canada, États-Unis, Royaume-Uni, etc… et bien sûr en France, qui reste un point d’ancrage majeur, pour des raisons historiques, démographiques, mais aussi parce qu’elle abrite une communauté franco-kabyle profondément attachée aux valeurs de liberté et de justice. C’est aussi en France que réside notre président Ferhat Mehenni, avec le statut de l’asile politique, figure emblématique de notre combat, mais aussi une référence dans le monde pour tous les peuples qui se battent contre l’injustice et qui aspirent à la liberté

Q4 : Certaines voix affirment que le pouvoir algérien aurait discrètement ouvert des canaux de dialogue avec des représentants kabyles. Qu’en est-il ? Ce dialogue existe-t-il ? Peut-il exister ? Et sur quelles bases ?

Notre position est claire et constante. L’Anavad, le Gouvernement kabyle en exil, est ouvert à toute forme de discussion préalable, bien avant toute idée de négociation. Nous avons d’ailleurs adopté une charte des négociations, avec des principes et des modalités précis, pour encadrer toute éventuelle démarche, dans le but explicite de neutraliser les tentatives de manipulation du régime algérien.

Cela dit, nous ne sommes pas dupes. Un véritable processus de dialogue commence toujours par des discussions informelles, souvent discrètes, destinées à poser des bases claires. Or, à ce jour, aucun échange sérieux ni concret n’a été engagé. Tant que cela reste du niveau de la rumeur ou de la mise en scène, nous n’y prêterons pas attention.

Aucun dialogue officiel n’a été ouvert avec les représentants légitimes du peuple kabyle, à savoir l’Anavad. Les prétendus « canaux de discussion » ne sont en réalité que des manœuvres de diversion, destinées à semer le doute et à donner l’illusion d’ouverture. Pendant ce temps, la répression continue et s’aggrave, notamment avec l’usage massif de l’article 87 bis du code pénal algérien, qui permet de qualifier toute opinion dissidente de terrorisme ou de l’atteinte à la pseudo unité nationale.

Le régime fonctionne avec un logiciel périmé des années 60, manipulation, mise en scène, mensonge. Comme pour ses élections truquées, ses procès politiques décidés d’avance, ou des faux partis d’opposition qui sont à sa solde. Il tente aujourd’hui de créer de faux « représentants kabyles », dociles et sous sa tutelle, pour simuler un dialogue et contourner la véritable résistance.

Ces tentatives sont vouées à l’échec. Le régime peut inventer de faux opposants, faire pression sur des personnalités isolées ou organiser de faux dialogues, continuer a faire semblant, comme il à toujours su le faire, cela ne changera rien à la détermination du peuple kabyle à défendre ses droits fondamentaux et à en finir avec un système de nature coloniale. Tout dialogue qui exclut l’Anavad et le MAK est voué à l’échec. Ce ne serait qu’une tromperie supplémentaire. Les mêmes causes produisent les mêmes effets.

L’heure du dialogue viendra peut-être. Mais si elle vient, ce ne sera ni dans l’ombre ni par des relais fictifs. Ce sera sur des bases saines, transparentes, et avec des interlocuteurs qui respectent le droit du peuple kabyle à choisir librement son avenir, par des voies pacifiques et dans le cadre du droit à l’autodétermination, un droit international reconnu même par la constitution algérienne

Conclusion :

Le peuple kabyle reste debout malgré la répression. Ce que nous portons, c’est un projet de paix, de dignité et de souveraineté. L’histoire nous a appris que la vérité finit toujours par triompher, même face aux plus puissants mensonges d’État.

Nous n’accepterons plus que les massacres de Kabyles par l’Algérie restent impunis. La persécution de nos militants et de nos détenus, qui souffrent dans les geôles algériennes, est inacceptable. Le MAK est un mouvement de résistance face à l’oppression coloniale et terroriste algérienne. Il ne cessera son combat qu’une fois la colonisation derrière nous.

La Kabylie aspire à établir un nouvel État modèle pour le monde, dès qu’elle aura retrouvé la souveraineté qu’elle a perdue en 1857. Elle contribuera à la stabilité régionale et promouvra les libertés humaines universelles.

Sab At Maksen
Conseiller du président Ferhat Mehenni
SIWEL 171425 MAI 25

KAB68191 1 G 2460 20250517 13:40 UTC+1 FRA/SIWEL-RC2631

Source : https://anfaspress.com/alwatan/pdf-view/387-2025-05-13-07-34-53#dflip-df_book_full/15/
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