Ce texte trace avec force une projection de la Kabylie vers un avenir de liberté, en soulignant que la marche du 20 avril 2025 est un tournant historique et identitaire, une étape décisive dans la lutte pacifique pour l’émancipation de la Kabylie. Il souligne sa puissance symbolique et populaire, la levée du voile sur les réalités d’une oppression niée. La marche a ravivé la mémoire d’une résistance ininterrompue et a interpellé les consciences, elle a brisé les silences et lancé un cri de liberté dans un monde de renoncements. On y trouve la dimension politique, culturelle, psychologique et symbolique de cette quête d’émancipation
1- Les élites silencieuses et les déviations stratégiques
La marche historique du 20 avril 2025 a montré au monde la force du sentiment indépendantiste des Kabyles. Elle a ébranlé le mur de la peur et a rappelé à la catégorie d’intellectuelles muette, que le silence, l’ambiguïté ou la compromission peuvent être perçus comme des formes de trahison envers un peuple en lutte. Elle la rappelle à la célèbre phrase de Jean-Jacques Rousseau : « Quand un peuple ne défend plus ses libertés et ses droits, il devient mûr pour l’esclavage ». Elle lui a également opposé celle de Martin Luther King : » A la fin, nous nous souviendrons non pas des mots de nos ennemis mais des silences de nos amis. »
Malgré la négation institutionnelle, la terreur et les souffrances, les Kabyles portent dans leur culture les moyens de se réinventer. Ce processus s’inscrit dans une longue tradition de résistance, de lucidité, et de respect de la dignité humaine héritée d’un passé riche et profondément enraciné. Il est temps, sinon urgent pour le peuple kabyle de sortir des sentiers battus, de s’émanciper des idéologies mortifères et de reconstruire, patiemment mais résolument, une Kabylie libre et souveraine. La Kabylie recèle de grandes potentialités physiques, humaines et intellectuelles. En dépit de la tyrannie, de l’exil, de la répression aveugle, des militants de toutes les générations, nombreux, ont porté haut l’idéal kabyle. Leur simple présence, rappellent au pouvoir algérien une réalité qu’il cherche à effacer.
La Kabylie, pacifiquement, sereinement, doit se libérer des démons d’un Etat voyou et de ses fondements idéologiques mortifères, et ce, quoi qu'en disent les renégats des hautes sphères de la politique ou des bas-fonds du journalisme algérien, et quoique que fasse la horde de mutants au service du pouvoir.
Cette marche historique a non seulement ébranlé les certitudes des autorités séniles algériennes, tenants d’un nationalisme exécrable et des islamo-baathistes, mais elle a aussi mis à mal la panoplie de gauchistes qui insultent l’humanisme des pères du socialisme et qui réduisent l’homme à son tube digestif, à sa condition d’animale. Elle a dérangé les pseudo-démocrates, soutiens indirectes du régime, qui n’ont jamais rien vu ni entendu de la tragédie kabyle. Elle a fait hurler à la trahison et s’agiter dans tous les sens les fossoyeurs de la vérité, les ennemis de la liberté. Tous vocifèrent la haine du Kabyle, redoublent de férocité pendant que la marche pacifique du peuple kabyle avance sûrement vers la libération du joug colonial, vers la lumière.
La marche du 20 avril 2025 est aussi un dépassement de comportements qui ont nui à la kabylité:
1- La quête identitaire inversée : Les défis internes : identité et stratégie :
Certains Kabyles tentent de redéfinir leur identité à travers ceux qui la rejettent. Ils se disent « algérianistes », et projettent la Kabylie dans une Afrique du Nord mythifiée, adoptant une vision réductrice et homogénéisant du « tout amazigh », ignorant ainsi la diversité des groupes au sein de l’Algérie et de Tamazɣa. Ils agissent, et ils le savent, dans une société qui les nie, dans une langue imposée, dans une histoire falsifiée. Par manque de profondeur intellectuelle, par atavisme politique ou par mégalomanie, ils noient le mouvement d’émancipation du peuple kabyle dans un bourbier composite, au lieu de lui offrir une portée politique nouvelle, où chaque peuple pourrait exprimer sa propre identité et son projet de société. Mais non, il ne fallait pas sortir du cadre mortifère de l’Etat algérien. Il fallait se fondre dans ce marais pour disparaître. Tamazɣa, cette mosaïque d’identités culturelles, ne peut devenir un État unique, mais peut être un espace de libération plurielle, un projet de société fondé sur le respect, l’intelligence et l’autonomie culturelle. Si la racine amaziɣ ne peut être niée, chaque groupe s’approprie une identification propre, un mode de vie, un système symbolique, une histoire, une mémoire. La racine donne le tronc, du tronc jaillissent les branches, des branches naissent les feuilles, les fleurs et les fruits. Voilà une réponse aux mégalomanes.
2- Une continuité historique de résistance
Pourtant, de fuite en avant en déviation stratégique, l’essence même du mouvement historique de la Kabylie continue d’être détourné. Les leçons de l’histoire ont été éclipsées pour se répéter de manière insidieuse et tragique : – l’« Etoile Nord-Africaine », semence de la Kabylie a été récoltée par les messalistes; – la guerre 1954-196262, dominée par la Kabylie, a débouché sur une indépendance confisquée et sur l’élimination de ses véritables artisans ; – le FFS de 1963, ayant fait appel à des responsables militaires d’autres régions, s’est retrouvé seul face à une répression féroce ; – avril 80, le printemps noir 2001, l’été rouge 2021 ; à chaque fois, la terreur s’est abattue sur la Kabylie, les emprisonnements massifs, la violation de laɛnaya n taddart, la tentative manifeste d’effacement de la mémoire kabyle, jusqu’à interdire de se dire simplement « Kabyle ». Toujours seule, la Kabylie a résisté. L’aigle royal, du haut des cimes de la montagne sacrée, veille sur son peuple. Aujourd’hui, des amazigh d’autres pays ont joint leur voix à celle du Kabyle. Des personnalités politiques et intellectuelles de France et d’ailleurs ont soutenu la marche et la juste cause du peuple.
3 –L’estime de soi : la réhabilitation
La marche a redonné au Kabyle une estime de soi longtemps bafouée par l’adoption de symboles, de coutumes, voire de visions du monde étrangères, sans mise en perspective des références culturelles et historiques kabyles. Un mimétisme aveugle, tourné tantôt vers l’Orient, tantôt vers l’Occident, a entraîné une normalisation culturelle, une forme de soumission volontaire, même chez ceux qui se disent attachés à leur kabylité. Or, l’estime de soi se construit au fil de la vie ; elle est influencée par l’environnement social, nos relations, nos expériences personnelles. L’estime de soi interroge notre propre image, elle reflète la valeur que nous nous accordons, notre confiance, notre capacité à nous projeter et à nous ouvrir à l’autre. Le mouvement qui porte la Kabylie a montré qu’il peut servir d’exemple aux autres peuples du sous- continent nord-africain. Mieux encore, ce mouvement de décolonisation, de libération d’un peuple par la voie pacifique devient un exemple pour le monde.
Conclusion : La lumière au bout du chemin
La marche du 20 avril 2025 est bien plus qu’un événement : elle est une promesse. Une promesse de réappropriation, de reconstruction, de renaissance. Après un chaos fécond, dans la tourmente, la Kabylie voit émerger un nouveau visage : plus libre, plus enraciné dans l’héritage ancestral, dans les normes valorisées par la société kabyle, dans un système symbolique porteur de sens et une culture qui associe modernité et tradition, ouverte sur le monde et empreinte d’humanité. Son peuple avance. Il avance vers la lumière, avec sérénité, détermination et dignité.
Raveh Urahmun, exil le 30 avril 2025.
SIWEL 301836 AVR 25
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