CONTRIBUTION (SIWEL) — « Anda ara d-tvaneḍ ay aqerquc deg imi n taγadt ». Le 10 février 2016, le conseil des ministres marocain a pris la décision de revenir à l’enseignement du français dès le premier palier d’apprentissage. Cette résolution salutaire vient à mettre fin à une régression vertigineuse du niveau académique à tous les niveaux et dû à une arabisation qui a duré 30 ans et qui a handicapé deux générations de la jeunesse du pays.
Dans un unanimisme processionnaire, la Kabylie procède à la désarabisation de son environnement transfiguré par des panneaux, écriteaux et frises d’arabesques.
Au Levant, Théodoros Daoud dit : « nous sommes des Byzantins, des Syriaques, des Chaldéens, des Assyriens, des Coptes, nous sommes les descendants d’Ebla et de la Mésopotamie, des Phéniciens, des Pharaons, nous sommes du Levant et son peuple autochtone. Nous ne sommes pas des Arabes, assez de viol, de falsification de l’histoire, de la géographie, de la vérité et la réalité ».
Des musulmanes et musulmans, ligotés depuis leur naissance par une religion que leurs pores rejettent, se révoltent et apostasient allègrement.
Taslima Nasreen la Bengalie distinguée par le prix Ananda Literary Award
Prix Sakharov, Prix des Droits de l’homme de la République française – Liberté – Égalité – Fraternité, Prix Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes, Docteur honoris causa de l’Université Catholique de Louvain dit : « ne m’appelez pas musulmane, je suis athée, athée ».
Malala Yousafzai, la pakistanaise, Prix Nobel de la Paix à l’âge de 17 ans, Prix Sakharov, Prix Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes, Prix national de la Jeunesse pour la Paix, Prix Ambassadeur de la Conscience, Prix des Droits de l’Homme des Nations-Unies a défié la terreur des Talibans pakistanais qui interdisaient tout enseignement aux filles.
Dans cette ambiance de prise de conscience révolutionnaire qui touche le monde entier et l’Afrique du Nord en particulier, il se trouve trois (3) kabyles qui proposent d’écrire tamaziγt en arabe. Ce sont les seuls qui s’alignent pieusement et piteusement derrière un chef de parti islamiste, ennemi irréductible de tamaziγt.
Rappelons tout de suite que ces énergumènes n’ont à aucun moment de leur vie milité pour la cause identitaire.
Le premier Abderazak Dourari est depuis décembre 2004, directeur du Centre National Pédagogique et Linguistique de l’Enseignement de Tamaziγt (ouf) ; un machin dont l’Algérie a le secret de création pour enterrement.
« Je préconise que la future académie de la langue amazighe travaille en collaboration avec l’académie de la langue arabe », voilà ce qu’il conseille comme habillage à tamaziγt. M. Dourari a pourtant conscience que sa proposition de mettre tamaziγt sous tutelle d’une entité arabe quelle qu’elle soit équivaut à donner les clés du Louvre à une équipe de restaurateurs de Daech. N’empêche ! Il a osé.
Le deuxième s’appelle Mohand-Arezki Ferrad. Ancien député du FFS, c’est un affidé très assidu du Haut conseil de la langue arabe et du Haut conseil islamique. Tout comme ses compères, c’est un parfait inconnu dans la sphère de la cause identitaire. Par contre, le maquignonnage qu’il exerce avec l’arabo-islamisme semble lui inculquer l’idée que c’est la clé de sa réussite personnelle. Naturellement, le personnage n’a cure du devenir de tamaziγt.
Le troisième et sans doute le plus impliqué est Hachemi Assad, le secrétaire général du HCA qui, quant à lui a dit : « La lettre utilisée dans l’écriture de cette langue nationale et officielle ne pose pas problème, soit en caractères arabes ou latins ou en tifinagh ».
Voilà ce que pense de tamaziγt celui qui a en charge cette officine censée porter sa promotion.
Pour lui donc tamaziγt est un kit qu’il peut accommoder à n’importe quelle graphie.
Mais qu’attendre de celui qui, lors du colloque sur Apulée à Sous Ahras le 30 mai 2015, a choisi d’ignorer les martyrs du Printemps noir pour rendre hommage à l’un des ordonnateurs du massacre de la jeunesse kabyle ?
Depuis qu’il est à la tête du HCA, il l’a fossilisé et son violon d’Ingres est de discourir en arabe lors d’événements d’apparat que lui organise le pouvoir.
Tous les trois font fi des sacrifices de générations de militants de la cause identitaire qu’ils considèrent comme une simple opportunité à saisir pour leur propre édification matérielle.
À les entendre, on doit se douter que ces messieurs, écuyers de la plume, ont des arguments littéraires à faire valoir ; qu’ils auraient déjà expérimenté l’écriture de tamaziγt en caractères arabes et publié quelque opuscule dans cette graphie. En réalité aucun d’entre eux n’a produit la moindre ligne sous cette forme.
Et donc, on ne peut même pas qualifier leur position de posture pour défendre un point de vue partagé. Leur position est donc seulement une offre de service dans un but inavoué mais pourtant clair.
Ceci dit, qu’en est-il de l’honnêteté intellectuelle ? De toute évidence, c’est une notion qui ne peut pas exister chez des gens qui font comme si tamaziγt venait de naître par la grâce de la dernière révision de la constitution algérienne.
Dédaigner 2 siècles de recherche et de production en tamaziγt à travers le monde entier est une supercherie intellectuelle osée et inédite.
Ils savent pourtant que le courant obscurantiste qui les sous-traite, non content d’avoir superbement ignoré tamaziγt depuis quinze siècles, veut s’arroger aujourd’hui le droit de récuser toutes les œuvres intellectuelles amazighes produites en français, en anglais, en italien, en espagnol, en portugais, en danois, en finnois, en norvégien …
Devrait-on, pour faire plaisir à ces messieurs organiser un immense autodafé des œuvres de MM. A. Basset, L. Galand, G. Camps, R. Galissot, De Foucault, Delheure, Dallet, E. Masqueray, S. Boulifa, M. Mammeri, M. Feraoun, S. Chaker, Muḥend Uyeḥya, Amar Mezdad, R. Aliche, Mennac Achab et de tant d’autres éminents chercheurs et producteurs qui ont inlassablement et passionnément travaillé pour construire les bases scientifiques de tamaziγt ?
– Bien sûr que non. Ur d-iţaweḍ wass-en !
Nous invitons ces messieurs de cesser la croissonnade qu’ils se sont inventée et qu’ils mènent contre notre langue, censée être aussi leur propre langue.
Qu’ils arrêtent de s’échiner à contrarier les chercheurs, l’association des enseignants de tamaziγt et le peuple kabyle unanime, tous décidés depuis très longtemps d’arrimer leur langue à la modernité pour favoriser son plein et rapide épanouissement.
Ouvrez donc les yeux ! L’Algérie que vous servez obséquieusement a imposé un ostracisme absolu à notre langue qui a duré 62 ans. Aujourd’hui que grâce à la lutte de générations de militants, elle entrevoit une petite éclaircie, vous vous entremêlez pour la réinhumer. Car et vous le savez, affubler tamaziγt de caractères arabes, c’est la mettre sous la botte de ses ennemis les plus déterminés à l’occire définitivement.
Ces messieurs ont peut-être des qualités à faire valoir par ailleurs. Mais pour ce qui est de tamaziγt, ils sont loin du compte et nous les invitons aimablement à cesser de créer, animer et polluer un débat qu’eux seuls trouvent légitime.
Mais si seule la vénalité est le carburant de leurs agissements, nous leur conseillons de s’incorporer à la section algérienne de l’académie de la langue arabe.
Il y a à boire et à manger un peu. Pour le moment …