ALGÉRIE (SIWEL) — À l’occasion du 80e anniversaire du président algérien, Abdelaziz Bouteflika, Radio-Canada dresse un portrait implacable du parcours d’un homme sans aucun état d’âme et d’une Algérie morose, glauque. Bouteflika et l’Algérie ont été abordés sur les ondes d’Ici Radio-Canada Première à l’émission Midi info présentée par Michel C. Auger le jeudi 2 mars 2017 à l’heure du carnet international de François Brousseau, journaliste québécois qui est chroniqueur-analyste de Radio-Canada pour les affaires internationales.
C’est aujourd’hui le 80e anniversaire du président Abdelaziz Bouteflika. On devrait dire l’invisible président Bouteflika, s’interroge Michel C Auger, journaliste et chroniqueur politique québécois à Radio-Canada.
Bouteflika est invisible, inaudible avec ou sans micro, réplique François Brousseau. Oui, depuis plusieurs années, l’Algérie est gouvernée par un fantôme, un zombie. Invisible, qui ne parle plus publiquement, que l’on cache, qui avait été réélu en 2014 sans faire compagne parce qu’il n’était pas dans un état pour faire compagne.
Après son accident vasculaire cérébral (AVC) de 2013, il est allé à Paris pendant des mois, disparu complètement et là, il y a quelques jours Djamel Ould Abbès, le secrétaire général du FLN (le quasi-parti unique qui dirige l’Algérie depuis le début des années 60, depuis plus d’un demi-siècle sans discontinuité) a déclaré que monsieur Bouteflika va très bien dans une pure langue de bois qui est devenue vraiment celle du pouvoir là-bas.
Alors, Boutef, comme on l’appelle là-bas, est au pouvoir depuis 1999. C’est un vétéran de la guerre de l’indépendance, c’est encore cette génération qui est au pouvoir et qui depuis quelque temps, une dizaine d’années. Boutef est confronté à des ennuis de santé à répétition qui l’ont contré à de longues périodes d’hospitalisation à l’étranger et au silence.
Les spéculations ont été relancées de plus belle parce que malgré le fait qu’il était malade, malgré le fait qu’on le cache, il recevait encore des gens. Il paraît aussi qu’il peut faire des signes de tête pour dire oui, non, j’ai compris ce que vous avez dit et des choses comme ça. Et là, les spéculations sont relancées encore avec l’annulation, ces derniers jours, de la visite prévue le 20 février à Alger de la chancelière allemande Angela Merkel.
Michel C Auger questionne son collègue François Brousseau pour savoir quand est-ce que monsieur Bouteflika a parlé pour la dernière fois en public ?
J’ai fait la recherche ! Ça fait cinq ans, pas tout à fait, c’était le 8 mai 2012 à Sétif lors d’un discours dans lequel il laissait entendre qu’il allait renoncer au pouvoir au terme de son troisième mandat de 2014, a répondu François Brousseau.
Il s’est représenté, en tout cas, et des gens autour de lui ont dit qu’il va être représenté par des assistants et des ministres qui durant la compagne 2014 défilaient les uns après les autres pour répéter que le président, le guide, le magnifique Bouteflika était en forme, qu’il était si fort et que la confiance des Algériens était telle qu’il n’avait même pas besoin de parler au peuple pour être réélu.
Alors, selon les chiffres officiels, il a eu 82 % des voix en avril 2014 contre l’opposant Ali Benflis, un ancien du régime qui avait fait d’ailleurs dissidence, qui avait eu lui 12 % des voix. Donc, il y a vacance du pouvoir en Algérie. C’est manifeste.
Des clans se disputent dans les coulisses pour contrôler le vieux monsieur impotent mais qui est apparemment, comme je l’ai dit, conscient et qu’il peut répondre par des signes de tête dans les officiels qu’on voit à la télévision de l’État. Une télévision complètement contrôlée par le régime. En Algérie, il y a quand même une presse indépendante qui critique par exemple Le Quotidien d’Oran, le journal Liberté…vous avez quelques titres quand même qui sont libres.
Et bah ! Les officiels disent qu’il est maintenant possible que monsieur Bouteflika se représente à nouveau pour un cinquième mandant en 2019/2020.
Est-cela veut dire quelque part qu’il n’y a pas de personnalités qui se dégagent pour reprendre les règnes ? Se demande Michel C Auger.
C’est ça ! On voit apparaître des gens, on se querelle et on se neutralise en coulisse, répond François Brousseau, faisant référence aux luttes des clans au sein de l’armée et du pouvoir algérien.
En 2015, donc un an et demi après, on avait écarté le patron de l’antiterrorisme le général Hassan et puis quelques mois après, je crois que c’est à l’automne 2015, c’est Toufik le Tout-puissant patron des services secrets, de son vrai nom Mohamed Mediène, qui était là depuis 25 ans, donc, il purge peut-être pour empêcher des têtes trop dépassées et essaye de prendre de l’ascendant par rapport aux groupes de politiciens qui dominent, mais dans l’ombre. Donc, on maintient une espèce de direction collective anonyme et dont les rivalités restent mystérieuses.
Sur le plan économique, ça va comment en Algérie ? Michel C Auger.
Ça allait bien, au temps où le prix du pétrole était très haut, il y avait une redistribution de la rente pétrolière pour tenir le peuple tranquille. Une tactique pas trop mauvaise en tout cas avec ce pétrole qui permettait de garder le peuple en laisse et avec cette redistribution et les subventions très fortes des produits, par exemple le pain qui est subventionné et toutes sortes d’aliments de première nécessité. Mais là, il y a crise économique due à la chute des cours des matières premières et puis il y a pleins de pays touchés. À ce niveau, on le sait, la gouverne s’en ressente et l’Algérie est l’un de ces pays où cette crise a un effet direct sur le plan économique mais aussi politique.
Donc, longtemps achetée au prix de toutes ces subventions, la paix sociale est remise en cause. En somme, l’Algérie est un cocktail alarmant entre une crise social, économique et politique et un régime poussiéreux, ossifié, qui n’ose plus bouger et qui en 2011 avait résisté au vent du changement mais peut-être que ce vent va revenir, a conclu François Brousseau.
Michel C Auger et François Brousseau, deux journalistes chevronnés, par surcroît, n’ont pas cité aucun des journalistes assassinés par le pouvoir algérien ou par les islamistes. Ces deux chroniqueurs n’ont pas abordé les horribles crimes perpétrés par le régime algérien et les terroristes islamistes qui bénéficient surtout d’une immunité absolue. Ils n’ont pas parlé non plus des prisonniers politiques, des militants des droits humains condamnés arbitrairement par la justice algérienne qui fonctionne à deux vitesses et qui ne sert que les intérêts des gouvernants de ce pays. La Kabylie a été évitée aussi, lors de cette émission.
Toutefois, ils ont montré que toutes les vérités entre elles sont d’accord et la vérité ne saurait être dissimulée longtemps.
Boualem Afir.
SIWEL 032000 Mar 17