CHRONIQUE (SIWEL) — La marche du 12 janvier 2017 qui coïncide avec Yennayer amazigh, celle grandiose encore du 16 avril 2017 à Paris et sans oublier la plus grande de toutes, celle de Tizi Wezzu le 20 avril 2017 ont prouvé une fois de plus que le peuple kabyle ne se laisse pas faire. En tous cas pas longtemps. Les jeunes, les moins jeunes ayant marché à Paris, Tizi Wezzu et Vgayet ont apporté leur soutien à la cause indépendantiste kabyle. Ils ont montré également que la nation kabyle n’est pas encore enterrée…
Cet appel à l’indépendance de la Kabylie n’est qu’un signe parmi les autres de l’éveil de la nation kabyle. On doit cet éveil en grande partie à l’audace de Ferhat At Said, aselway n Unavad. Il est le premier intellectuel et politicien kabyle à avoir eu le cran d’en parler en public. Depuis, il a théorisé le concept et il a réussi à convaincre les Kabyles de la faisabilité et surtout de la fiabilité de l’indépendance. Référence historique à l’appui, il a démontré que la Kabylie a toujours été indépendante et ce jusqu’en 1857.
Le peuple a répondu par l’affirmative. Le peuple, comme souvent, est prêt à aller plus loin que ce que croient l’élite et les intellectuels.
Le peuple kabyle par-dessus tout est hautement politisé puisqu’il est constamment en lutte politique. Il est en avance et sa jeunesse a vite compris que perdre l’Algérie c’est en fait ne rien perdre du tout. Bien au contraire, c’est s’extraire à ce qui nous fait reculer, ce qui nous empêche de vivre notre plein potentiel et d’avancer comme tous les autres peuples qui avancent. En somme, la nouvelle génération de Kabyles aspirent à vivre sa vie librement et non la rêver en la noyant dans l’impossible rêve algérien.
La conscientisation du peuple kabyle à l’option indépendantiste s’est faite tranquillement et doucement. Elle a été rendue possible grâce à un travail colossal sur le terrain fait par les militants et les cadres successifs à la direction du mouvement depuis 2001, notamment par Mass Ucebbi. Cette conscientisation a fait aujourd’hui effet boule de neige puisqu’elle entraîne avec elle d’autres changements. Celui que nous avons constaté sur le terrain est la plus importante implication des femmes dans le combat pour l’indépendance de la Kabylie. Certaines d’entre elles dépassent de loin le stade de l’implication, elles sont en pleine participation et aux postes de commande et de responsabilités à l’image de Yasmina Ubuzar, Rachida Ider, Sakina At Ahmed ou encore Kamira At Ssid.
Evidemment je conviens que le fait de pouvoir citer les noms de ces femmes est une preuve en soi que leur nombre est encore petit, bien que non négligeable. Par contre, ça démontre que la place est là et elles peuvent la prendre. La culture machiste et la domination du moustachu est réversible car non inhérente à la culture kabyle. Dans l’inconscient de chaque kabyle vit le concept de Laânaya n tmettut. Il est ancré, guide et coordonne certains comportements qui commandent le respect de la femme. Gare à celui qui ne les observent pas dans la société kabyle !
Un autre point non négligeable qu’a entraîné le nationalisme kabyle est l’apparition de nouveaux symboles auxquels on s’identifie. Un nouveau drapeau arboré partout fièrement, un hymne national entonné la main sur le cœur, référence à l’Histoire de la Kabylie et ses personnages historiques en vulgarisant et en diffusant les faits historiques que l’Algérie coloniale a caché pendant trop longtemps. Tous ces éléments font naître chez les Kabyles un nouvel imaginaire, une nouvelle vision du monde et par conséquent de nouvelles aspirations. On se projette différemment dans le futur comme Kabyle que comme Algérien.
Le dernier point capital et le plus important à mes yeux est dans la pratique de la langue kabyle. Tout le monde fait l’effort nécessaire aujourd’hui pour pratiquer le kabyle et lui redonner sa place. Le tout n’est pas encore parfait mais le progrès est significatif. Car une nation ne peut pas connaître de renaissance si elle ignore ce qui la distingue le mieux. Les indépendantistes kabyles ne peuvent pas ignorer le kabyle. Car penser dans une autre langue que la sienne, c’est nécessairement penser en colonisé. Mais les Kabyles cherchent à s’affranchir et non vivre colonisés. Le premier pas politique dans ce sens est d’avoir compris la différence entre Tamazight et Taqvaylit. Taqvaylit, contrairement à Tamazight, est réelle et vivante. Elle est notre phare.
La nation kabyle est donc encore une autre fois en marche. Elle entraîne des changements qui entraînent à leur tour de l’évolution. Son éveil est incontestable et son avenir est prometteur car son indépendance est une certitude. Dites à Dda Lmulud, que nous empruntons le fameux chemin de la libération.
Mack Ait-Aoudia
SIWEL 291744 Apr 17 UTC