CONTRIBUTION (SIWEL) — Afalku Igectulen signe une deuxième analyse pour Siwel. Il parle d’un sujet bien d’actualité : l’affirmation de l’option d’indépendance de la Kabylie par le mouvement souverainiste. Pour lui, on peut y trouver des raisons historiques, politiques et stratégiques toutes aussi légitimes les unes que les autres.

 

En quoi le cap indépendantiste affirmé avec clarté par le président de l’Anavad, Mas Ferhat Mehenni, lors de son intervention du 25 septembre 2016, est-il une vision qui relève de la stratégie politique ?
Autrement dit, le moment était-il opportun et bien choisi ou répond-il simplement à des considérations interne au mouvement ?

Il faut dire qu’il est difficile pour un observateur à l’extérieur du MAK-Anavad de répondre avec exactitude à ces questions ; et c’est bien normal ; car la stratégie politique de n’importe quel mouvement ou parti politique ne s’expose pas ostensiblement sur les réseaux de communication et d’information. D’autant plus, lorsqu’il s’agit d’un mouvement qui milite pour bâtir un état souverain face à un pouvoir colonial et criminel sans foi ni loi.
Le message en stratégie politique est souvent crypté. Par conséquent, il est nécessaire d’analyser l’évolution des discours, les termes consacrés pour comprendre les raisons et les enjeux.

Dans les différentes interventions du président de l’Anavad, il en ressort que l’idée d’affirmer sans détour l’option indépendantiste pour la Kabylie est une réponse à une aspiration du peuple Kabyle qui a manifesté son adhésion lors des grandes marches d’avril 2016, que ce soit en Kabylie ou dans la diaspora. En effet, le projet politique répond d’abord à une volonté partagée par les citoyens et lui offre les conditions idéales pour son aboutissement.

Il fallait donner un prolongement politique clair pour capitaliser sur cette adhésion populaire, mais aussi pour donner une meilleure visibilité à ce combat sur la scène internationale. Il faut savoir que les questions liées uniquement à des revendications de décentralisation du pouvoir ou même d’autonomies relèvent exclusivement d’un problème interne qui ne peut en aucun cas obtenir des soutiens officiels à l’international, car il serait qualifié d’une ingérence.
Pour sortir du huis clos algérien, il était nécessaire de clarifier le projet politique de l’autodétermination en conformité avec le droit international pour ensuite aller chercher des soutiens parmi la communauté internationale.

Le moment était-il opportun pour affirmer avec clarté ce cap ?

Au cours des 15 dernières années et en même temps que se manifestaient avec insistance de nombreuses impatiences en Kabylie pour la revendication indépendantiste -impatience compréhensible et légitime des citoyens kabyles marqués par les événements dramatiques et sanglants du printemps noir en 2001 et qui ont démontré la face colonialiste de l’État algérien- il y avait d’autres kabyles sceptiques même à l’idée d’une autonomie élargie, car le pouvoir algérien a réussi à acheter la paix sociale et politique par la distribution de l’argent de la rente pétrolière via des crédits à une jeunesse désemparée. Qui n’a pas entendu cette objection qui résume à elle toute seul l’état d’esprit de nombreux citoyens kabyles : « Qu’allons nous manger ? Des olives et des figues ? ».

Le MAK-Anavad n’avait pas d’autres choix que de tempérer les impatiences des uns et faire un travail de conscientisation auprès des autres citoyens sceptiques.

La structuration organique du mouvement était à inventer et à mettre en place sur un terrain abandonné depuis longtemps à la clientèle du pouvoir colonial.
Le mouvement des Archs a certes suscité beaucoup d’espoirs mais de grandes désillusions aussi.
En effet, L’horizontalité n’a pas résisté à la manipulation par le pouvoir colonial algérien qui par un tour de passe-passe réglementaire transforma peu à peu les « Tadjmaits » en comités de villages avec des agréments « officiels » pour mieux contrôler et introduire des nuisibles au cœur même de ces organisations traditionnelles. La plupart des organisations villageoises ont été transformées en associations sociales ou en comité de villages sous le contrôle de l’administration qui détient ainsi, les noms et prénoms de tous les membres et qui sous couvert d’octroyer des subventions exige un droit regard sur toutes les activités à organiser.

Tout porte à croire que l’affirmation solennelle de l’option indépendantiste est un choix réfléchi, car elle garantit une internationalisation de la question kabyle en la rendant conforme au droit international qui est celui de l’autodétermination et assure également une protection aux militants sur le terrain en Kabylie, face aux exactions que pourraient commettre à tout moment le pouvoir colonialiste et criminel algérien.

Par ailleurs, l’affaiblissement politique et économique de l’état algérien en relation directe avec la chute vertigineuse de prix du pétrole et les luttes claniques pour préparer la succession d’un chef d’état mort cliniquement depuis plusieurs années, offraient une conjoncture idéale pour le MAK-Anavad de mettre encore plus en panique le pouvoir colonialiste algérien et ses relais clientélistes en Kabylie.
Dans un monde ou les données de la géopolitique et des équilibres mondiaux changent constamment et rapidement, le MAK-Anavad a besoin d’une meilleure réactivité pour la prise de décision sans passer par « un mille-feuille organique ».

Une nouvelle structuration verticale est nécessaire pour délimiter les domaines d’actions et les prérogatives des uns et des autres dans la discipline et le respect des décisions hiérarchiques.
En effet, les décisions descendantes et les informations ascendantes doivent en toute circonstance transiter par le circuit le plus court afin d’éviter la perte de temps et d’efficacité.

La Kabylie ne dispose pas d’un modèle en Kit et d’une recette prête à l’emploi pour aboutir pacifiquement à un referendum d’autodétermination. Elle doit tout inventer avec des risques de commettre des erreurs durant ce parcours d’apprentissage qui servira ultérieurement d’exemple pour les autres peuples amazighs et africain sans État.
Les erreurs sont inévitables pour un peuple qui se réveille de plusieurs siècles de lutte, jalonnés par les échecs des uns et les trahisons des autres, le plus important, c’est de ne pas répéter les mêmes erreurs au risque de tourner en rond et condamner plusieurs générations.

Afalku Igectulen
SIWEL 031241 DEC 16

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