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Manifeste politique et intellectuel : Crise de l’engagement et de la pensée critique

Par Raveh Urahmun

Ce texte est une sorte de manifeste politique et intellectuel qui dénonce avec véhémence un projet du pouvoir étatique algérien qui vise à dissoudre l’identité kabyle dans une matrice arabo-islamique tout en pointant du doigt la passivité, voire la complicité, d’une partie des élites qui soulève la question de la crise de la pensée critique et la problématique de la stérilité intellectuelle et politique dans une société kabyle confrontée à un projet génocidaire. Cependant, aujourd’hui le peuple kabyle revient « à son berceau naturel », appelé par la résilience, la mémoire et l’histoire à se redresser et à construire son avenir.

La Kabylie subit, depuis la naissance de « l’Algérie indépendante », une politique systématique de négation de son identité, de ses valeurs et de son droit à exister en tant qu’entité culturelle et politique autonome. Ce que certains feignent de découvrir aujourd’hui n’est que la continuation logique d’un projet étatique conçu dès les origines.

On feint de s’indigner lorsque le pouvoir algérien tente d’humilier la Kabylie et son peuple. Est-ce un phénomène nouveau ? Absolument pas. Déjà, en 1964, lors du premier congrès du FLN, Ahmed Ben Bella déclarait : « Cette fois-ci, les Kabyles sont humiliés ». Depuis, l’humiliation s’est institutionnalisée.

Chaque geste symbolique ou chaque manipulation médiatique du régime vise à dessiner une image falsifiée de la Kabylie : tantôt zone terroriste, tantôt foyer de racisme ou de dissidence manipulée. On assassine un touriste, un randonneur étranger (Hervé Gourdel), et l’on désigne la Kabylie. On met en scène le meurtre d’un Africain (Albert Ebossé) pour coller au pays kabyle la marque de racisme et de xénophobie. On fait juger un jeune journaliste français (Christophe Gleizes), accusé d’apologie du terrorisme, à Tizi-Ouzou pour suggérer que la Kabylie est complice de l’oppression.  Des personnalités de la société civile et des responsables politiques kabyles s’offusquent contre une intervention grossière du ministre de l’Éducation, qui relègue, par haine du Kabyle, la Kabylie au second rang des réussites au brevet.

On s’indigne de l’imposition du drapeau algérien dans les moindres recoins de la Kabylie et jusque dans les cimetières, les écoles primaires, les veillées funèbres, sous surveillance du policier et du gendarme. Un acte de domination symbolique, un marquage colonial qui nie l’ancestralité et cherche à écraser l’esprit libre du peuple kabyle. On s’interroge lorsque des bus remplis d’étrangers à la Kabylie défilent dans les rues des villes kabyles, ou viennent recevoir dans un déguisement éhonté les autorités pour donner l’illusion d’un accueil populaire.

Quelle stratégie politique ! Un infantilisme récurrent des autorités algériens qui mesurent la portée de leur comportement à la hauteur de leurs noirs désirs.

Plutôt que de réagir avec émotion à chaque provocation, il convient d’analyser et   comprendre les mécanismes profonds qui les sous-tendent. Il ne suffit plus de s’indigner devant les injustices ; il faut comprendre, nommer, dénoncer, et surtout agir. Car l’indignation seule, sans stratégie ni responsabilité, devient une forme d’impuissance. Elle est récupérable et peut être neutralisée. Elle peut même servir à entretenir l’illusion qu’un débat existe, alors qu’il est vidé de toute substance. Trop souvent, l’indignation se fixe sur des actions dérisoires, au lieu de tourner ces tentatives en ridicule, révélant ainsi la petitesse d’esprit de leurs auteurs.

Cette stratégie, digne d’un théâtre de propagande, vise à construire un récit où la Kabylie devient étrangère à elle-même, arrachée à son histoire, défigurée devant l’opinion interne et internationale.
Ce théâtre absurde, mis en scène par un pouvoir en quête de légitimité, est révélateur de sa peur, de sa disgrâce.

Les autorités algériennes et leurs valets s’auto congratulent en montrant une image faussée du peuple kabyle qu’elles croient pouvoir faire rentrer dans le giron de leur projet de transformation de la Kabylie en une « terre arabe ».  Ce qui est à la fois drôle et bête à regarder avec pitié, c’est qu’ils pensent que le monde entier voit les choses à leur bas niveau d’analyse.

Ce projet destructeur prospère grâce à la passivité, voire à la complicité d’une grande majorité des élites algériennes dans un contexte de répression et de déconstruction identitaire dans lequel des acteurs politiques et intellectuels y compris au sein du peuple kabyle sont impliqués en termes de lâcheté et de traîtrise.

Cette inertie face aux menaces existentielles signifie une crise profonde de l’engagement et de la pensée critique. L’absence de résistance intellectuelle produit une stérilité politique qui condamne la Kabylie à l’aliénation. C’est à cela qu’il faut répondre. Cette absence de réaction face à la répression et aux injustices ne se conçoit que comme une trahison des idéaux kabyles, voire une forme de soumission volontaire à un pouvoir génocidaire qui manipule l’histoire et les symboles de manière à effacer les racines profondes de la Kabylie.  Ce phénomène est accompagné par une absence de dialogue constructif, remplacé par des discours réducteurs, des postures creuses et des actions qui, loin de libérer, tendent à enfermer la Kabylie dans une situation d’aliénation et de soumission déguisée en compromis.

Il convient de révéler les ressorts cachés, les causes non naturelles du fait de la lâcheté et de la traîtrise de cette partie des élites kabyles, de déconstruire le discours de ceux qui se posent en tuteur et persécuteurs, en attirant l’attention sur le fait que l’accès à la libération, à la liberté est possible à condition d’en faire un objet concret et de croire à sa réalisation.
Comme le dit Paulo Coelho : « La seule chose qui puisse empêcher un rêve d’aboutir, c’est la peur d’échouer ». Bien avant, la vision philosophique de Kant, nous enseignait que « l’homme ne devient adulte qu’en osant penser par lui-même, en se libérant de la tutelle intellectuelle et morale des autres, en cultivant sa responsabilité, sa réflexion et son autonomie de pensée ».

Pour la Kabylie, le combat est double : préserver une identité ancestrale face à un programme de déconstruction méthodique, et reconquérir une liberté politique, sociale et culturelle. L’éveil des consciences, l’éveil à la liberté et à la responsabilité est un chemin ardu mais indispensable. Il exige du courage: celui de rompre avec la soumission, celui de choisir la dignité.

Le peuple kabyle revient aujourd’hui à son berceau naturel de transmission: « dduh » qui le marque de son indélébile ADN. Porté par l’appel de l’âme, du cœur et de la raison, il aspire, du haut de sa grandeur, à prendre en main son destin, à bâtir son propre État, à fonder sa propre République. Ce parcours inscrit dans un processus historique irréversible, un dépassement du système politique actuel au profil bas, réduit à la lâcheté et à la violence et qui sait désormais que la rupture avec la Kabylie est totale et définitive.

Exil, le 02/07/2025
Raveh Urahmun

SIWEL 032105 JUIL 25
KAB68523 1 G 1266 20250703 21:05 UTC+1 FRA/SIWEL-RC2631

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