ANALYSE (SIWEL) — Je réfute ce terme péjoratif donné par les Grecs pour désigner tous ceux qui n’étaient pas eux, donc des Barbares. Lorsqu’ils nous ont colonisés, nous étions pour eux des barbares devenus au cours du temps Berbères.
Il est plus que temps de rejeter ce mot infamant, le bannir. Nous devons cesser de l’écrire pour faire plaisir à nos anciens bourreaux. Si nous ne le faisons pas, c’est que nous sommes incurables et atteints du syndrome de Stockholm.
Ce terme met hors de lui, l’autodidacte que je suis.
Argumentons en étant le plus clairs possible principalement pour la période récente :
1) Les protagonistes des événements de 1949 étaient tous Kabyles, mais l’on a retenu cette crise comme étant berbériste.
2) Durant la guerre de libération, la plupart des grands acteurs entrés dans la lutte étaient Kabyles. Une bonne partie d’entre eux a été éliminée par les Messalistes ou par leurs propres frères parce qu’ils étaient considérés Berbéristes…
3) À Paris en 1967 a été créée une Académie par des Kabyles et ils l’ont nommée Académie berbère !
4) En 1980, après l’interdiction d’une conférence sur les poèmes anciens où le conférencier Mouloud Mammeri était un écrivain kabyle, la ville et l’Université de Tizi Ouzou, kabyle, ses étudiants aussi, on nomma les événements : Printemps berbère.
5) En 2001, on n’a rien trouvé de mieux que de parler de Printemps noir…
Cela donne la nausée, car tout ce que j’ai cité est kabyle. Les Printemps doivent donc s’appeler Printemps kabyles.
Une autre raison devrait définitivement convaincre :
6) Depuis 1962, une chape de plomb recouvrait la dictature sanguinaire de Houari Boumediene et consorts. Une arabisation sauvage s’est alors abattue sur le pays alors que la révolution agraire battait son plein.
Avec l’aide du président égyptien Gamal Abdel Nasser, l’Algérie est devenue arabo-baasiste. La chanson orientale et les films à l’eau de rose, imposés par le pouvoir dictatorial et assassin ont gavé l’esprit des Algériens du matin au soir.
La chanson kabyle a ronronné dans son coin avec toujours la même rengaine. La langue était interdite d’expression dans la rue surtout dans les grandes villes.
Le décor a été planté dans un pays arabo-soviétique. Les artistes sont devenus des fonctionnaires et gare à celui qui aurait osé dire un seul mot pour critiquer le système mis en place.
Un exemple : pour obtenir des cordes de guitare, chose précieuse à l’époque, il fallait les faire commander par des amis résidant à Paris !
4 octobre 1973 premier Festival de musique algérienne
7) Salle El Mougar à 20h30, le spectacle du premier Festival de musique algérienne est diffusé sur l’unique chaîne d’État en noir et blanc.
Surgit à l’écran le groupe Les Abanis… composé de quatre musiciens. Tenue de soie, maquillage, pantalons patte d’éléphant, barbe et cheveux longs.
Chabane Samir batterie, Madi Mehdi guitare électrique, Karim Abdenour guitare basse et chant, Shamy Lvaz clavier.
Stupeur chez les Officiels, étonnement des spectateurs et téléspectateurs bluffés qui se demandent d’où sortent ces extra-terrestres probablement Américains, Anglais ou Français.
Le rideau se lève, les solos de guitare s’harmonisent avec ceux de la basse et de la batterie suivis des accords d’orgue, puis la voix du chanteur s’élève… aucun doute c’est un groupe kabyle !
Les Algériens étaient partagés en deux catégories ; ceux qui comprenaient étaient aux anges, les autres se disaient : ce sont des Anglais.
Des bagarres éclatèrent ici ou là. Plus tard, le chanteur Idir me racontera s’être battu pour nous à la caserne où il faisait son service militaire !
Du côté des hommes du pouvoir, la mine était grise. Qu’importe, c’était trop tard…
Le système arabo-oriental volait en éclats, la langue kabyle que l’on voulait faire disparaître revenait au premier plan.
L’avènement de la chanson kabyle moderne
L’année suivante, ce fut le tour de Djamel Allam de faire son apparition avec un bendir, deux guitares sèches, genre baba cool, cheveux longs et barbe. Il fut le premier artiste à écrire les textes de son disque 33 Tours en tifina.
Pour le pouvoir, le plus dur sera à venir en la personne d’un grand bonhomme, guitare en bandoulière : Ferhat Imazighene Imula qui se mit à chanter à tue-tête des chansons engagées contre le pouvoir. Courage pour les uns, inconscience pour les autres, toujours est-il qu’il a brisé le tabou de l’interdit.
C’est à cette période que Kateb Yacine le surnomma le maquisard de la chanson kabyle.
Par la suite, presque tous ceux qui sont devenus responsables politiques d’opposition kabyle de sa génération le doivent à Ferhat, à son influence, y compris beaucoup plus tard Matoub Lounès.
Un jeune homme aux airs de Bob Dylan, Idir, apparut et créa un tube planétaire A vava inou va. Nouredine Chenoud fut le cinquième artiste majeur.
Ce phénomène se passa en trois ans et la chanson moderne kabyle fut au zénith vingt années durant, faisant la pluie et le beau temps.
La chanson traditionnelle était délaissée, seul Aït Menguellet put continuer son chemin avec brio grâce à sa poésie, sa voix chaude et aller de succès en succès durant cinquante ans.
Toutes ces chansons furent produites à Paris dans le quartier Barbès par les artistes eux-mêmes et par des amoureux de la musique qui exercèrent le métier de producteur sans aucune notion musicale !
Le seul moment où la Kabylie eut ses titres de noblesse, c’est avec la chanson moderne. N’oublions surtout pas la JSK et le site Kabyle.com.
Pour terminer, quelques mots sur cette chanson moderne
Il n’existe pas un peuple qui n’ait son folklore ou sa musique traditionnelle. La musique dite moderne a pris ses racines en 1956 au moment où les instruments se sont électrifiés.
Le premier Eddy Cochrane, inventeur du rock, père fondateur de cette musique moderne nous a révélé ce genre musical. Il a disparu à près de quatre-vingt-dix ans, il n’y a pas si longtemps. Elle fut reprise par Elvis Presley, Otis Redding et plus tard Michaël Jackson.
En Angleterre apparurent les Beatles et Les Rolling Stones, en France, Henri Salvador, Johnny Halliday, Eddy Mitchell et les Chaussettes noires.
Pour l’Afrique du Nord, ce furent Les Abranis.
Les Abranis
Ils eurent la particularité d’être les premiers à oser se donner un nom ancestral Les Branes, à l’époque des peuples Botre et Zénète.
Non seulement ils ont modernisé la chanson kabyle, mais ils ont introduit les rythmes rock funk et reggae. La prouesse est d’avoir réussi à marier avec succès ces rythmes nouveaux avec la chanson kabyle sans nuire à son authenticité. Un apport essentiel, enrichissant, novateur, car jusque-là les autres artistes reprenaient des airs anciens kabyles qu’ils jouaient avec des instruments modernes ce qui n’était pas réellement de la création.
En complément d’information… il y a aussi la musique classique, Mozart, Beethoven, Wagner, etc. et des musiques de danse comme la valse viennoise, le flamenco espagnol, le tango argentin, la rumba chantée et dansée dans les années quarante, interprétée notamment par Zerrouk Allaoua et les artistes de sa génération.
Mohamed Iguerbouchene a fait des musiques de film inspirées de musiques traditionnelles kabyles.
Après le rock apparurent la pop music, le hard rock, le rap, le slam… sans oublier le jazz, le free jazz chanté par les Noirs américains en mélangeant des airs africains avec des instruments modernes. Le plus connu est Duke Ellington.
Ces quelques éléments donnés sur la musique me semblent nécessaires et sont destinés à éviter que ne soient confondus tous les genres musicaux. Il y a de quoi écrire des dizaines de livres ; il y en a d’excellents sur le sujet.
En conclusion, nous devons une fois pour toutes nommer notre Printemps et notre Nouvel An : kabyles et non berbères…
Le 28/06/2017
Shamy Chemini
Co-fondateur du groupe Les Abranis
Écrivain, réalisateur
SIWEL 291932 Jun 17 UTC