CHRONIQUE (SIWEL) — Tout un chacun a le droit d’épouser la religion de son choix ou de n’en avoir aucune, voilà le principe qui régit les sociétés avancées.
En Algérie, il ne faut pas plus dans la poche qu’un simple DVD relatant la vie de Jésus pour se retrouver dans un commissariat reconverti pour l’occasion en une unité de pasdarans et la foire des humiliations est enclenchée. Passage à tabacs, internements et menaces sur l’ensemble de la famille. Ainsi, porter une bible c’est risquer des chefs d’inculpations différents, selon la logique du juge instructeur, prosélytisme, pratique d’un culte non-musulman, injures envers le prophète, atteinte à la religion musulmane. Les peines requises pour le « délit de chrétienté » changent aussi selon le degré d’aversion du procureur et également selon l’origine géographique du prévenu. C’est trois ans de prison pour Habiba Kouider, arrêtée en possession de bibles à Tiaret, 3 ans de prison pour le journaliste Mohamed Chergui originaire d’Oran et cinq ans ferme pour le Kabyle Slimane Bouhafs.
Si Slimane Bouhafs purge jusqu’à nos jours une peine de trois ans de prison retenues par le tribunal, il est clair que le syndrome kabyle a joué à sa charge. Les deux autres ont bénéficié d’un sursis, cela va sans dire qui nous nous réjouissons pour eux. Dans la vision arabo-islamiste, un arabe qui change de religion est une victime des manipulateurs étrangers, un égaré qu’il faut remettre dans le droit chemin par la menace s’il s’en faut. En revanche, un kabyle qui se refuse à l’arabe et à la religion est automatiquement identifié comme un suppôt d’Israël à éradiquer. Le blogueur kabyle, Touati Marzoug, incarcéré à la prison d’El Khemis le 17 janvier 2017 pour un entretien skype avec une personne présentée comme diplomate israélien, risque 20 ans de prison.
Mais, pour suppliciant que soit un climat politico-culturel odieux où tout un État a été inféodé à une religion, pour horrible que soit la nature de cet État bougrement sectaire et bigrement réducteur de la raison qui oblige les mères à enfanter d’abord des arabes et des musulmans afin de leur faire mériter un semblant de citoyenneté, ce n’est pas le pire que l’on constate. L’insupportable, c’est cette nuée de militants démocrates qui s’étonnent du silence des autorités quand l’islamiste Hamadache se lance dans des appels au meurtre. Les appels au meurtre ont débuté au nom de la république algérienne, sous le régime du fasciste Boumediene quand Mohamed Ben Ahmed Abdelghani, avant de devenir premier ministre, clamait de son trône de président du tribunal d’Oran une Fatwa ordonnant à tout algérien l’assassinat de Krim Belkacem. Ce qui a été fait. Pour de l’argent nos chiens dansent. Rappelons-nous le prêche télévisé du sinistre ministre Sassi Lamouri qui exhortait les terroristes de ne plus tuer les policiers, les gendarmes et les commis de l’État, non pas par la volonté d’objecter le crime, mais tout bonnement parce que ceux-ci n’étaient ni laïcs ni communistes. Ne perdons pas de vue que ces deux étiquettes sont accolées au kabyle.
Ne soyons pas dupes, nous voyons, certes, apparaître le couteau islamiste dans la voix de Hamadache mais le maitre à penser reste l’État algérien lui-même. N’est-ce pas Ahmed Ouyahia, grand vizir devant l’Éternel, qui déclarait le mois dernier devant des caméras « l’Algérie n’est pas un pays perdu, ce n’est pas quiconque qui va venir planter son poison ici et là. Nous, le RND, soutenons de toute force et conviction toute les précautions et les interventions qu’a pris l’Etat et nous demandons plus que ça« . Il crut bon de surenchérir « Il est obligatoire à l’État de faire son travail, et elle l’a déjà fait, et IL N’Y A NI DROITS DE L’HOMME NI LIBERTÉ DE CULTE. Nous, les algériens, sommes musulmans depuis 14 siècles ».
Peu savent que ce traitre en chef parmi ses pairs, probable candidat de l’armée pour les présidentielles après le Highlander Bouteflika, avait, au temps où il était puissant premier ministre, écrit au proviseur du lycée français Descartes lui demandant de dispenser son cancre de fils de suivre les cours de langue arabe. Dans le même temps, il s’acharnait à faire adopter par son gouvernement un décret augmentant abusivement le coefficient de la langue arabe sur toutes les autres matières. De deux choses l’une : ou il n’aime pas son fils, ou il veut du mal aux enfants algériens dont il se dit dévoué suprême ?
Le 27 février dernier, un jeune écrivain a été arrêté et sommé de s’expliquer sur le titre de son roman par la Police judiciaire de Tipaza. Il écrit dans sa page facebook avoir été accusé « d’atteinte à l’entité divine et à la religion ».
Depuis la déclaration du chef du RND, Ahmed Ouyahia, la chasse aux non musulmans redouble de férocité. Le drame c’est que chaque commissariat dispose aujourd’hui d’un peloton d’indicateurs chargés de repérer les chrétiens. C’est ainsi, qu’à Oran, le jeune Karim Siaghi avait été arrêté sur dénonciation. Ibouène, travaillant pour une multinationale à Tindouf a été arrêté suite à une dénonciation par l’un de ses collègues qui l’avait accusé d’avoir essayé de le convertir au christianisme. À Alger, dans le quartier Bordj El Kiffan, Fadila O.Y, une maman de deux enfants a été dénoncée et trainée dans la boue dans un commissariat de Police. Depuis, elle vit dans l’angoisse et la crainte d’une expédition punitive. Sa famille est désormais en danger car à la « faute » d’avoir changé de religion s’ajoute le fait que son mari est connu pour sa sympathie à Ferhat Mehenni, le président du gouvernement provisoire Kabyle. Envers sa famille, la police a usé d’une stratégie démoniaque, elle l’a tout simplement signalée à ses voisins comme une kabyle impie qui se nourrit du non halal et qui ne respecte pas le ramadan.
Dans des quartiers où fourmillent des adeptes du Daesh, le sort des kabyles signalés non musulmans est scellé. Et hier, de Tamanrasset, Ahmed Ouyahia appelle les algérien à aimer le salafisme, car dit-il, le salafisme est en eux et dans leur citoyenneté !
Djaffar Benmesbah
SIWEL 111640 Mar 17