Pour la deuxième fois consécutive, la justice française a reporté sa décision dans l’affaire d’extradition d’Aksel Bellabbaci, réclamé par la junte militaire du régime algérien. Deux audiences avaient été programmées, puis repoussées à chaque fois sans aucune explication cohérente. Ce report prolongé intrigue, surtout quand on sait que la justice française avait déjà pris tout son temps, allant jusqu’à demander à l’Algérie des éléments complémentaires, tant le dossier semblait incompréhensible. En retour, elle n’a reçu qu’un dossier creux, bâclé, truffé d’accusations fantaisistes.
Lors de la dernière audience au tribunal de Paris, les juges ont clairement rejeté un nouveau report demandé par la partie algérienne, qui tentait une fois de plus de gagner du temps en ajoutant des éléments au dossier, au compte-gouttes, on désignant le 30 avril 2025 pour une décision finale. D’ailleurs il règne un malaise manifeste autour de cette affaire, tant elle manque de solidité juridique. Tout laisse à penser qu’il ne s’agit pas d’un dossier judiciaire sérieux, mais bien d’une opération politique déguisée de la part du régime militaire algérien. La justice française, qui suit rigoureusement les procédures, n’est pas dupe.
Sincèrement, comment peut-on réellement croire qu’Aksel Bellabbaci sera extradé ?
L’absurdité des charges, un dossier monté de toutes pièces, et l’innocence manifeste d’un accusé à qui l’on cherche à imputer des faits sans fondement rendent cette affaire complètement grotesque.
C’est une affaire purement politique que le régime algérien cherche à instrumentaliser, ne pouvant pas imposé à l’étranger la répression judiciaire qu’il exerce en Algérie, particulièrement en Kabylie où plusieurs centaines de Kabyles innocents sont emprisonnés et persécutés et même condamnés à mort pour leur militantisme pacifique ou leurs opinions.
L’Algérie, obsédée par les opposants en exil, en particulier les responsables du MAK et notamment le président de l’Anavad (gouvernement kabyle en exil), est déterminée à faire taire les voix dissidentes. Elle utilise les demandes d’extradition comme outil de pression, et agit de façon illégale sur le sol français, comme l’ont montré les agissements de ses consulats et services, sans souci de l’ingérence allant jusqu’à à vouloir kidnapper des opposants même protégés par leur statut de réfugié.
Mais la France est un État de droit. Sa justice, indépendante, ne saurait céder aux caprices d’un régime autoritaire, qui détient toujours, faut-il le rappeler, l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal depuis près de six mois. Peut-être est-ce là que se trouve la véritable clé du dossier, la raison non dite de ces reports répétés. Si la décision, évidemment favorable à Aksel Bellabbaci (et donc au MAK), devait être rendue, le report pourrait être une stratégie pour temporiser, éviter de heurter de plein fouet un régime narcissique et aux abois, pour qui toute perte de face est insupportable notamment quand il s’agit des responsables du mouvement indépendantiste kabyle.
Bien entendu, nous gardons une confiance totale dans la justice française. Ce report peut même être interprété comme un signe positif. S’il y avait eu le moindre doute sur la position de la France, une décision aurait été rendue rapidement, et dans l’autre sens. Retarder l’inévitable, c’est peut-être laisser le temps et la possibilité à Alger de libérer Boualem Sansal, avant que la justice française ne rende par la suite une décision logique sur le cas d’Aksel Bellabbaci. Le silence du comité de soutien à Sansal ces dernières semaines semble confirmer cette hypothèse. Il paraît évident que des consignes ont été données pour éviter toute agitation susceptible et toute mobilisation pour ne pas contrarier un régime dictatorial et imprévisible.
On ne peut pas exclure une libération prochaine, peut-être le 5 juillet, jour de la pseudo-fête de l’indépendance algérienne. Même si rien n’est certain, tant la situation est complexe, cette libération poserait d’autres dilemmes au régime algérien, que nous pourrions développer dans une prochaine chronique.
Mais si, pour une raison quelconque, cette issue tant espérée ne se concrétisait pas, la déception serait immense, sur les plans humain et moral. Car différer une décision évidente pour ménager la subtilité d’un régime dictatorial corrompu revient à parier sur la raison d’un régime instable, autoritaire et sans vision, mais la diplomatie française a fait ce choix ainsi soit-il.
En attendant, restons vigilants mais confiants. La justice française, en reportant sa décision, n’a pas failli. Elle a peut-être choisi une voie subtile, pour ne pas entraver la stratégie diplomatique de l’Élysée vis-à-vis d’Alger. À condition, bien sûr, que ce pari ne se solde pas par un échec.
L’avenir nous dira s’il s’agissait d’une manœuvre habile, ou d’une nouvelle erreur de la politique française face à un régime qui ne comprend, en réalité, que le langage du rapport de force, bien loin de toute démarche diplomatique.
Chronique de Sab At Maksen ( Ammar Khodja)
Source :
SIWEL 301831 AVR 25
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