CHRONIQUE (SIWEL) — Rentrée sociale, rentrée scolaire, rentrée parlementaire, l’Algérie rentre aussi de plain pieds dans la crise économique et politique.
Fini le déni et les tergiversations, cette crise est là et est aussi multidimensionnelle. Elle ne frappe plus à la porte, elle est en la demeure. Oui le péril est là.
La Kabylie occupée, volontairement incendiée cet été de tous les dangers se trouve, sans maîtrise de son destin, entraînée à son corps défendant dans cet abîme.
Hormis les indemnisations octroyées par le MAK-Anavad qui s’est fait un devoir et un honneur d’indemniser les victimes, le pouvoir colonial algérien n’a pas déboursé un seul centime.
Une rentrée sur du charbon ardent pour ce pays où les chiffres de l’économie ne sont plus dans le rouge mais dans le noir comme celui de l’abîme dans lequel il est tombé.
Sellal, le premier ministre, a été limogé, lui qui a nié cette crise économique à ses débuts pour ensuite créer en décembre 2015 une « Taske Force » composée du professeur Raouf Boucekkine, du Pr Chemssedine Chitour, du Pr Abdelhak Lamiri, du Pr Rafik Bouklia-Hassan et de bien d’autres, en tout six experts, chacun dans un domaine spécifique de l’économie pour trouver au moins un début de solution. Cette TF a disparu des radars, a-t-elle émis des propositions ou plutôt a-t-elle été écoutée?
Les chiffres sont là, têtus. Le chômage a grimpé, pour le premier semestre 2017, le taux officiel a augmenté passant de 10,5 % en 2016 à 12,3 % en 2017. La croissance économique passe en dessous de la barre des 1,5 % alors qu’elle était au dessus des 3 %. L’année n’est pas encore terminée et les chiffres sont déjà inquiétants.
Le dinar, la monnaie algérienne, baisse face à l’euro. Le taux de change est de 1€ = 131,85 Dzd (officiel) et de 190,5 Dzd sur le marché parallèle. Une baisse qui dépasse les 20 %.
Le couffin de la ménagère est difficile à remplir. Les fruits et légumes sont hors de prix. Les prix de la viande sont exorbitants. Des centaines de milliers de familles se contentent le plus souvent d’un bol de lait chaud sucré.
Les chiffres officiels, sur le chômage particulièrement, ne reflètent pas la réalité, tant des centaines de milliers de travailleurs algériens non déclarés ne sont pas comptabilisés.
Dans le scolaire la situation est aussi catastrophique. Le quotidien « El Watan » du 06/09 de ce mois rapporte, rien que « Dans la wilaya (préfecture) de Boumerdès, au moins 90 projets d’établissements scolaires, dont 60 écoles primaires, 19 CEM et 11 lycées, ont été annulés dans le cadre des mesures d’austérité prises par le gouvernement après le chute des prix du pétrole ».
Qu’en est-il des autres préfectures de la Kabylie et de l’ensemble du pays ?
Une rentrée scolaire avec des classes surchargées de pas moins de 45 élèves par classe. Des photos circulant sur les réseaux sociaux montrent des élèves du primaire assis à même le sol ou dans la cour de l’école en train de faire des…prières musulmanes. Que peut faire un enseignant avec des classes surchargées quand la norme est de 15 élèves par classe au maximum. Dans les pays développés du nord de l’Europe ce chiffre baisse à… sept élève par classe.
À la crise économique et sociale, s’ajoute la sempiternelle guerre des clans. Un premier ministre (Tebboune), nommé au mois de mai en remplacement de Sellal limogé, se voit à son tour mis à la porte trois mois après sa nomination suite à une passe d’armes sulfureuse entre son gouvernement et les oligarques qui se sont sentis visés par les nouvelles mesures concernant la séparation de l’argent du politique.
Dans la foulée de son remplacement, le nouveau-ancien premier ministre Ouyahya a décidé Ipso facto d’annuler les deux décrets, objets du litige entre les oligarques, particulièrement les pontes de l’import et l’exécutif, sur les licences d’importations.
La guerre des clans actuelle de l’Algérie dépasse les frontières du pays. Les pays occidentaux sont sur le qui vive quant à cette donne qui prend des proportions inquiétantes tant la peur d’un chaos dans ce bled ranime la peur d’un déferlement de « boats peoples algériens » sur les cotes du sud de l’Europe. Ajouté au risque d’affrontements en France, particulièrement entre partisans des différents clans de ces familles au pouvoir.
Le risque islamiste est aussi pris en compte ainsi que les approvisionnements en pétrole et en gaz pour l’Europe.
Un Think Tank Français « l’Institut Montaigne », dans un rapport sur l’Algérie, émet deux scénarii quant à l’issue de cette guerre des clans au sein du pouvoir colonial « algérien ».
D’après le quotidien Liberté du 06/09 qui résume ce rapport, il y a un scénario que nous appellerons « Hard » où les rédacteurs craignent, dans le pire des cas, des “affrontements entre les différents pôles de pouvoir” et dans le cas « soft », ils anticipent, un “non-événement”.
Soulignons que le mot « pôles » désigne ici en langage diplomatique les clans arabo islamiques au pouvoir.
Dans les deux cas, la situation est intenable pour le pays colonisateur.
Des voix et non des moindres s’élèvent en son sein même pour dénoncer le maelström dans lequel se trouve ce pays.
Un ancien ministre du commerce de ce système réclame à tue-tête l’application de l’article 102 de la « constitution » de ces clans qui dispose que « lorsque le président de la République, pour cause de maladie grave et durable, se trouve dans l’impossibilité totale d’exercer ses fonctions, le Conseil constitutionnel se réunit de plein droit, et après avoir vérifié la réalité de cet empêchement par tous moyens appropriés, propose, à l’unanimité, au Parlement de déclarer l’état d’empêchement (…) ».
Soulignons toutefois que le président de ce conseil constitutionnel est un ami du président qui l’a nommé et qui traine lui aussi d’immenses casseroles dans l’affaire Kahlifa. Il sera plus facile de déplacer une montagne que de déclencher la mise en application de cet article 102.
Des intellectuels « algériens » se mettent aussi de la partie pour exiger l’application de ce fameux article 102 qui était l’article 88 dans la constitution d’avant avril 2016.
Ce pays appelé « algérie » est aujourd’hui dans l’abime pour ne pas dire la mort, mais qu’en sera-t-il de la Kabylie dans le cas où ces clans décident de régler leurs comptes par la violence comme ce fut le cas dans les années 90 où ces clans se sont donnés la guerre par islamistes interposés?
Aujourd’hui, en plus du déni identitaire, du sabotage économique, culturel et ainsi que de la crise multidimensionnelle, la Kabylie vit une situation des plus critiques.
Cassier De Farnèse
SIWEL 102058 Sep 17 UTC