AGADIR (SIWEL) — Si un seul mot devait être retenu des travaux de la 7è session du Congrès Mondial Amazigh qui s’est déroulée du 24 au 26 juillet à Agadir, c’est incontestablement le mot « Ex-Algérie » qui le serait. En effet, le statut des peuples Amazighs qui composent « l’ex-Algérie » a fait l’objet d’âpres débats avant que la vice-présidence « Algérie » ne soit définitivement « enterrée » au profit des peuples et des pays catégorisés dans cette désormais « défunte » appellation.
Il est à noter également que durant tous les travaux de cette 7è session du Congrès Mondial Amazigh, en plus du drapeau fédéral Amazigh, siégeaient à la plénière les drapeaux kabyle, Chaoui, azawadien et canarien. Le seul drapeau qui manquait était le drapeau rifain.
Parmi les vice-présidences qui ont fait leur apparition au sein du CMA, on note celle du pays de l’Azawad,celle des îles Canaries et celle de l’oasis de Siwa. Les autres régions et peuples Amazighs sont restés dans les vice-présidences de leurs Etats respectifs, notamment la vice-présidence du Niger, la vice-présidence de la Libye et la vice-présidence du Maroc. Néanmoins, le séisme provoqué par la délégation des kabyles a suscité des débats houleux et a suscité des velléités similaires, y compris parmi les Amazighs du Maroc.
Concernant les Amazighs de Libye, il n’a pas été possible de juger de la réalité des aspirations des Amazighs de Libye, les 23 délégués qui devaient les représenter ont reçu une fin de non recevoir à leur demande de visa pour le Maroc, de sorte que finalement la Libye a été représenté uniquement par Fathi N Khlifa qui n’a pas pu consulter et débattre avec ces concitoyens Amazighs de Libye.
SIWEL qui a rencontré le tout nouveau vice-président pour le pays Kabyle au sein du CMA, M. Hocine Azem, vous livre ci-dessous quelques-uns des propos que notre rédaction a échangé avec lui.
SIWEL: Bonjour M. le vice-président du CMA pour le pays kabyle. Pouvez-vous nous dire en quelques mots en quoi ont consistés les travaux de cette 7èsession du CMA et ses conclusions?
Hocine AZEM: Bonjour. Oui bien sûr. Au cours de nos travaux, nous avons essentiellement procédés à la modification des statuts du CMA par rapport au conseil fédéral, notamment en ce qui concerne la vice-présidence dénommée anciennement "Algérie". A la suite de nos échanges et de nos débats, nous avons abouti aux changements des statuts du CMA: on ne parle plus d’Algérie mai on parle désormais de Pays Kabyle, Pays Mozabite, Pays Chaoui, Pays de l’Ahaggar. Le changement des statuts du CMA a rencontré quelques difficultés peut-être parce que nous n’avons pas été compris. Certains de nos partenaires Amazighs n’avaient pas compris nos propositions et nous avons longuement argumenté. Nous avons expliqué nos propositions d’amendement des statuts du CMA à la faveur des bouleversements géopolitiques qui ont touché l’Afrique du Nord, Tamazgha. Mais certains amazighs, notamment du Maroc, n’ont pas pu nous comprendre mais à la fin des travaux nous avons quand même réussi à nous entendre sur un certain nombre d’évolutions notamment l’inscription des luttes pour l’autodétermination des peuples de la région et la représentativité par pays au sein du CMA pour les peuples Amazigh qui étaient englobés dans l’ex Algérie.
SIWEL: Donc depuis ce 26 juillet, le CMA soutien officiellement l’autodétermination des peuples Amazighs en Afrique du Nord, dont la Kabylie et tous les peules Amazighs qui s’inscrivent dans cette lutte ?
Hocine AZEM : Oui tout à fait, c’est cela, le CMA s’est adapté à la dynamique du mouvement de l’Histoire. Il soutient le droit à l’autodétermination des peuples Amazighs et soutien le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. La plus grande victoire de cette 7 session du CMA c’est ce soutien à l’autodétermination des peuples Amazighs ainsi que la reconfiguration des conseils fédéraux du CMA à la faveur de certains pays Amazighs qui sont occultés par les Etats postcoloniaux, dont la Kabylie, le Mzab, le Pays Chaoui, l’Ahaggar mais aussi l’Azawad.,. La vice-présidence de l’ex Algérie, qui désormais n’existe plus, s’est transformée en plusieurs vice-présidences des pays Amazighs, notamment une vice-présidence pour le pays Kabyle, une vice-présidence pour le pays Chaoui, une vice-présidence pour le pays Mzab, une vice-présidence pour l’Ahaggar. L’Oasis de Siwa, les Iles Canaries et l’Azawad ont suivi la même logique et disposent eux aussi de vice-présidence par pays naturels et non par Etat. L’Egypte, le Mali et l’Espagne ne sont plus mentionnés.
SIWEL: Et pour le Maroc, comment ça se passe ? La représentativité des peuples Amazighs qui le composent est restée en l’état. Le Maroc dispose d’une vice-présidence englobant l’ensemble des Peuples Amazighs. Qu’en pensez-vous ?
Hocine AZEM: Ils ont souhaité en rester là, c’est leur choix, nous le respectons mais nous nous sommes battus pour que nos choix soient aussi respectés. Pour ce qui nous concerne, il n’y a plus de vice-présidence "Algérie" parce que nous ne nous y reconnaissons pas. Il y a maintenant une vice-présidence des pays naturels et historiques qui ont été occultés pendant des siècles par un Etat artificiellement préfabriqué ; ceci est la première victoire de ce Congrès. La deuxième victoire, et nous en sommes profondément convaincus, c’est que la question de la représentativité par peuples et/ou régions du Maroc a fait l’objet d’un âpre débat, les questions du Rif du Souss, du Sud-ouest, du Moyen Atlas etc., ont été soulevées avec passion. Et finalement, chassez le naturel il revient le galop car avec l’éclatement du conseil fédéral Algérie en représentativité par pays des peuples englobés dans l’Ex Algérie, ce sont toutes les régions/ pays Amazighs du Maroc qui s’ignoraient jusque-là qui se sont mis à réclamer leur droit de siéger en tant que tel avec leurs représentants Soussi, Chelhi, Amazigh (M-A) même si le conseil fédéral a été obligé d’intervenir pour intégrer le Rif au niveau des sièges à pourvoir pour la vice-présidence Maroc. Le processus de maturation de cette question de pays naturels dans le territoire Amazigh du Maroc n’a pas encore abouti mais il est en cours, il avait juste besoin d’un détonateur et la Kabylie a été ce détonateur.
SIWEL : La délégation Mozabite qui devait prendre part aux travaux de cette 7è session a été emprisonnée par l’Etat algérien dans le cadre de la guerre qui est actuellement menée contre le peuple Mozabite. Un seul Mozabite a pu franchir la frontière et arriver à Agadir. Qu’est-ce que le CMA a décidé de faire pour le Mzab.
Hocine AZEM : Au cours de cette 7è session, à la clôture de ses travaux, le CMA a adopté trois(3) motions en particulier une de soutien au peuple mozabite, une au peuple de l’Azawad et la troisième motion est un appel solennel aux mozabites pour que ceux-ci cessent la grève de la faim car l’Etat auquel ils ont font face n’est pas un pouvoir épris de justice, ni encore moins des valeurs de l’humanité pour qu’il puisse rendre justice et prêter attention à ses revendications, bien au contraire. Bien entendu le CMA usera de toutes les voies de recours possibles au niveau des instances internationales pour faire entendre la voix des Mozabites mais dans l’immédiat, il est urgent que la mobilisation des Amazighs se poursuive et s’intensifie autour des Mozabites et les détenus politiques Mozabites doivent cessez la grève de la faim car ils font face à un régime criminel. Le Mzab a besoin de ses porte-voix vivants pas morts.
SIWEL : Pour la première fois, le CMA a élu une femme à sa tête. C’est la militante kabyle de longue date Kamira Nait Sid qui a été élue présidente du CMA. Qu’en pensez-vous ?
Hocine AZEM : Le CMA a élu une femme à sa présidence, c’est une belle revanche sur l’Histoire. Depuis la Kahina qui avait été à la tête de la lutte amazighe contre l’invasion arabe, c’est la première fois depuis que nous avons une femme qui est à la tête de la plus haute instance des peuples Amazighs. L’élection d’une femme au sommet des peuples amazighs est une belle victoire et une revanche sur l’Histoire. Nous en sommes très fiers et cela prouve encore une fois que la Kabylie a toujours été et reste encore la locomotive du combat des peuples Amazighs. D’ailleurs, malgré les difficultés initiales qui étaient liées à des oppositions ou plutôt à des craintes, à la lumière du changement des statuts du CMA au moment de l’annonce de la vice-présidence de la Kabylie à la fin des travaux du Congrès, c’est toute la plénière qui a approuvé et longuement applaudi.
SIWEL : Concernant les Touaregs, comment le CMA a-t-il réglé la question des vice-présidences, ces derniers ayant été fragmentés par le tracé colonial français ?
Hocine AZEM : . La représentativité des Touaregs a été répartie sur quatre vice-présidences dont deux au titre de pays pour l’Azawad et l’Ahaggar. Les Touaregs de l’Azawagh (Niger) sont restés sous la représentativité de la vice-présidence Niger et une nouvelle entité a été créé pour les Touaregs de la Mauritanie et du Burkina Faso qui disposent de vice-présidences respectives.
Siwel : En conclusion des travaux de ce Congrès, que diriez-vous ?
Hocine AZEM : En conclusion je dirais que finalement, ce qu’il faut retenir de cette7è session du CMA c’est qu’elle aura été marquée par une réémergence féminine à la tête de la plus haute instance des peuples Amazighs depuis Dihya et ce n’est pas rien, par un soutien officiel du CMA à l’autodétermination des peuples Amazighs et à leur droit à disposer d’eux-mêmes et bien sûr par l’enterrement symbolique de l’Algérie en tant qu’Etat anciennement « représentatif » d’un certain nombre de peuples Amazighs. L’Etat algérien s’est construit sur la négation des peuples et des pays qui composent ce territoire dit "Algérie". Maintenant au niveau du CMA l’Algérie n’existe pas. il y a des pays réels, naturels, historiques, avec leurs propres éponymes et c’est ça aussi le droit à l’autodétermination des peuples, c’est aussi le recouvrement de leur propre dénomination et leur reconnaissance en tant que peuples et pays. Le CMA a évolué en fonction des changements sociopolitiques actuels en Afrique du Nord et c’est une grande victoire.
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SIWEL 272331 JUIL 15