AT-YANNI (SIWEL) — « Quelque soit le point de la course où le terme m’atteindra , je partirai avec la certitude chevillée que quels que soient les obstacles que l’Histoire lui apportera, c’est dans le sens de sa libération que mon peuple, et à travers lui les autres, ira. L’ignorance, les préjugés, l’inculture, peuvent un instant entraver ce libre mouvement. Mais il est sur que le jour, inévitablement viendra où l’on distinguera la vérité de ses faux semblants.» Mouloud Mammeri
Mouloud Mammeri est un écrivain, poète, anthropologue et linguiste kabyle. Il est né en Kabylie, le 28 décembre 1917 à Taourirt-Mimoun dans la confédération des At-Yanni. Il est décédé le 26 février 1989, à la suite d’un accident de voiture "douteux", à son retour d’un colloque au Maroc (Oujda) sur l’identité amazighe.
Les circonstances de son décès, officiellement du à la chute d’un arbre sur sa route, met le doute dans l’opinion publique kabyle qui reste persuadée que c’est le pouvoir algérien qui l’a fait assassiner pour l’empêcher de continuer l’immense travail qu’il avait entamé pour la reconquête de l’identité amazighe, un travail précurseur qui servira à la société kabyle et amazighe et qui servira de base à des générations entières d’étudiants et de militants kabyles.
Mouloud Mammeri avait aussi et surtout le « désavantage » de recréer les liens, rompus par la colonisation d’abord puis par les Etats Nord-Africains, entres les amazighs des diverses régions de Tamazgha, remettant dangereusement en lien, les Kabyles, les Mozabites, les Chaouias avec les Touaregs d’Algérie comme avec ceux du Mali ou du Niger, de même qu’avec les Chelhas, les Rifains et les amazighs du Maroc puis encore les amazighs de Libye, ce qui n’était pas du gout des régimes arabistes de tous ces nouveaux Etats. Sa mort, survenue en 1989, à un moment propice, laissera beaucoup de monde septique sur le caractère accidentel de sa mort.
Né dans un village de haute montagne, dans la Kabylie du majestueux Djurdjura, Mouloud Mammeri fréquente l’école primaire d’At -Yanni . A onze ans, il part au Maroc, chez son oncle et entre au lycée « Gouraud » de Rabat. Quatre ans plus tard, de retour à Alger, il entre au lycée « Bugeaud » et intègre ensuite le lycée « Louis Le Grand », à Paris.
A l’instar de la plupart de ses congénères, il est mobilisé en 1939 et revient une année après en 1940. Après le débarquement américain, il est à nouveau mobilisé en 1942 et participe aux campagnes d’Italie, de France et d’Allemagne. A son retour, il passe et réussit le concours de professorat de lettres à Paris et rentre en Algérie en 1947où il enseigne à Médéa, puis à Ben Aknoun et publie son premier roman en 1952 : « La Colline oubliée », qui sera immédiatement suivi du sommeil du juste, les deux romans sont étroitement liés au colonialisme et à la guerre d’Algérie.
Le courant arabiste l’accablera pour ses romans qu’il a situé en Kabylie, lui reprochant une « localisation géographique mettant en avant la Kabylie» des romans qui retracent la vie des villageois durant la guerre mondiale, la mobilisation de force et le colonialisme en Kabylie. Il s’en défendra en précisant qu’il ne pouvait raconter que ce qu’il avait vu et vécut et qu’en l’occurrence, il n’y pouvait rien s’il avait vécu tout cela en Kabylie et que ce n’était en aucun cas prémédité. Mais les germes de l’anti berbérisme avaient déjà pris depuis la crise anti-berbère de 1949 où le simple fait de revendiquer une Algérie algérienne, et non exclusivement arabe, relevait du crime de lèse-majesté tandis que, cinq ans plus tard, la guerre d’Algérie se passera quasi exclusivement dans les massifs de Kabylie et des Aurès, en plein pays Berbère.
Ignorant les préjugés et les procès d’intention, quand la guerre d’Algérie éclate en 1954, soit deux années après la publication de la « Colline oubliée » et du « Sommeil du juste », Mouloud Mammeri met sa plume au service de la révolution algérienne et du FLN et signe de véritables réquisitoires sous le pseudonyme de « Brahim Bouakkaz » qu’il publie dans le journal « L’espoir d’Algérie ». Sa superbe plume servira la voix des combattants de la liberté pour l’Algérie à travers les lettres adressées à l’ONU sous le pseudonyme de « Kaddour » où il dénonce les exactions de l’armée coloniale.
En 1957, après avoir écrit le « Le fœhn » à la suite de la bataille d’Alger, sous pressions et menace sur trois membres de sa familles déjà emprisonnés, Mouloud Mammeri quitte l’Algérie et se rend au Maroc. Il y restera jusqu’en 1962 où il reviendra en Algérie pour enseigner l’ethnologie à l’université d’Alger, tout en enseignant en parallèle, de manière officieusement, le berbère. En 1973, avec l’émergence de plus en plus affirmée du Mouvement culturel Berbère (MCB), l’Etat algérien, plus que jamais arabiste, arrêta cet élan berbériste attribué à la valorisation scientifique de la dimension berbère et arrêtera les cours sauvage de berbère définitivement en 1973.
Mouloud Mammeri sera directeur du CRAPE ( Centre de Recherches Anthropologiques, Préhistoriques et Ethnographiques ) de 1969 à 1979 et sera membre de l’Union des Ecrivains Algériens, jusqu’en 1966. Mouloud Mammeri recueille et publie en 1969, les textes du poète kabyle Si Mohand u Mhand. En 1980, c’est l’interdiction de sa conférences àTizi-Ouzou surcette poésie kabyle ancienne qui est sera à l’origine des événements du Printemps berbère de Tizi-Ouzou .
Cette interdiction mettra le feu aux poudre de la contestation identitaire en Kabylie à la suite laquelle il sera la cible privilégiée d’une campagne de dénigrement à laquelle il ne lui sera même pas permis de répondre par voie de presse, notamment à l’article intitulé « Les donneurs de leçons » en date du 20 mars commis du par le rédacteur en chef du journal de l’Etat algérien El moudjahid. Les étudiants et militants berbériste du MCB se feront le relais en tirant des centaines d’exemplaire à la ronéo. La mise au point, sera publiée plus tard dans « Le Matin de Paris » et une revue marocaine du nom de « Amazigh Revue ».
En 1982, avec le soutien de Pierre Bourdieu, il fonde à Paris le Centre d’Études et de Recherches Amazighes (CERAM) ainsi que la revue Awal ( parole). Il animera également des séminaires sur la langue et la littérature amazighes sous forme de conférences complémentaires au sein de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Cet itinéraire scientifique lui permettra de rassembler une somme considérable d’éléments fondamentaux sur la langue et la littérature amazighes qui seront à la base de toute la recherche berbérisante.
En 1988, Mouloud Mammeri reçoit le titre de docteur honoris causa à la Sorbonne. C’est au retour d’un colloque sur l’identité amazighe au Maroc que Mouloud Mammeri meurt, le 26 février 1989, d’un accident de la circulation en percutant…un arbre
« Quelque soit le point de la course où le terme m’atteindra , je partirai avec la certitude chevillée que quels que soient les obstacles que l’Histoire lui apportera, c’est dans le sens de sa libération que mon peuple, et à travers lui les autres, ira. L’ignorance, les préjugés, l’inculture, peuvent un instant entraver ce libre mouvement. Mais il est sur que le jour, inévitablement viendra où l’on distinguera la vérité de ses faux semblants.»
Romans
• La Colline oubliée, Paris, Plon, 1952, 2nde édition, Paris, Union Générale d’Éditions, S.N.E.D., col. 10/18, 1978 (ISBN 2264009071); Paris, Folio Gallimard, 1992 (ISBN 9782070384747).
• Le Sommeil du juste, Paris, Plon, 1952, 2nde édition, Paris, Union Générale d’Éditions, S.N.E.D., col. 10/18, 1978 (ISBN 2264009081).
• L’Opium et le bâton, Paris, Plon, 1965, 2nde édition, Paris, Union Générale d’Éditions, S.N.E.D., col. 10/18, 1978 (ISBN 2264009063), Paris, La Découverte (ISBN 2707120863) et 1992 (ISBN 9782707120861).
• La Traversée, Paris, Plon, 1982, 2nde édition, Alger, Bouchène, 1992.
Nouvelles
• « Ameur des arcades et l’ordre », Paris, 1953, Plon, « La table ronde », n°72.
• « Le Zèbre », Preuves, Paris, N° 76, Juin 1957, PP. 33-67.
• « La Meute », Europe, Paris, N°567-568, Juillet-Août 1976.
• « L’Hibiscus », Montréal, 1985, Dérives N°49, PP. 67-80.
• « Le Désert Atavique », Paris, 1981, quotidien Le Monde du 16 août 1981.
• « Ténéré Atavique », Paris, 1983, Revue Autrement N°05.
• « Escales », Alger, 1985, Révolution africaine; Paris, 1992, La Découverte (ISBN 270712043X).
Théâtre
• « Le Foehn ou la preuve par neuf », Paris, PubliSud, 1982, 2nde édition, Paris, pièce jouée à Alger en 1967.
• « Le Banquet », précédé d’un dossier, « la mort absurde des aztèques », Paris, Librairie académique Perrin, 1973.
• « La Cité du soleil », sortie en trois tableaux, Alger, 1987, Laphomic, M. Mammeri : Entretien avec Tahar Djaout, pp. 62-94.
Traduction et critique littéraire
• « Les Isefra de Si Mohand ou M’hand », texte berbère et traduction, Paris, Maspero, 1969, 1978 (ISBN 046999278) et 1982 (ISBN 0052039X); Paris, La Découverte, 1987 (ISBN 001244140) et 1994 (ISBN 013383388).
• « Poèmes kabyles anciens », textes berbères et français, Paris, Maspero, 1980 (ISBN 2707111503); Paris, La Découverte, 2001 (ISBN 978-2707134264).
• « L ‘Ahellil du Gourara », Paris, M.S.H., 1984 (ISBN 273510107X).
• « Yenna-yas Ccix Muhand », Alger, Laphomic, 1989.
• « Machaho, contes berbères de Kabylie », Paris, Bordas.
• « Tellem chaho, contes berbères de Kabylie », Paris, Bordas, 1980.
Grammaire et linguistique
• « Tajerrumt n tmazigt (tantala taqbaylit) », Paris, Maspero, 1976.
• « Précis de grammaire berbère », Paris, Awal, 1988 (ISBN 001443038).
• « Lexique français-touareg », en collaboration avec J.M. Cortade, Paris, Arts et métiers graphiques, 1967.
• « Amawal Tamazigt-Français et Français-Tamazigt », Imedyazen, Paris, 1980.
• Revue « Awal », cahiers d’études berbères, sous la direction de M. Mammeri, 1985-1989, Paris, Awal
Etudes dans des périodiques
• La société berbère, Rabat, 1938-1939, Aguedal n° 5 et 6 (1938) et n° 1 (1939)
• Evolution de la poésie kabyle, Alger, 1950, Revue Africaine n° 422-423, pp. 125-148.
• Si Ibn Khaldoun revenait parmi nous, Alger, 1963, Révolution Africaine n° 14 du 4 mai 1963.
• Si Mohand ou Mhand, Le Caire, 1968, Œuvres afro-asiatiques, V.1, N° 1, mars 1968.
• Littérature orale : l’Ahellil, Alger, 1973, Libyca, tome XXI.
• Culture savante et culture vécue en Algérie, Alger, 1975, Libyca, tome XXIII, pp.211-219.
• La littérature berbère orale, Paris, 1977, Les Temps Modernes, n° 375 bis, du 06 octobre 1977, pp. 407-718.
• Problèmes de prosodie berbère, Alger, 1978, SNED, Actes du Deuxième Congrès international d’Etudes des cultures de la Méditerranée occidentale, tome II.
• L’Ahellil du Gourara, Alger, 1982, OPU, Actes de la Table Ronde, CRAPE.
• Le berbère à l’Université, rien de nouveau (avec S.Chaker), Tizi-Ouzou, 1983, Tafsut, Etudes et Débats, n° 1.
• Après trois ans, Tizi Ouzou, 1983, Tafsut, Etudes et Débats, n° 1.
• Culture du peuple ou culture pour le peuple, Paris, 1985, Awal, n°1, pp.30-57.
• L’expérience vécue et l’expérience littéraire en Algérie, Montréal, 1985, Revue Dérives, pp.7-24.
• L’imaginaire éclate de Jean Amrouche, Marseille, 1985, Editions du Quai de Marseille, Actes du Colloque Jean Amrouche, l’Eternel Jugurtha, Rencontres méditerranéennes de Provence, 17-19 octobre 1985.
• Les mots, les sens et les rêves ou les avatars de tamurt, Paris, 1986, Awal, n°2.
• Aventures et avatars de la modernité en pays de tiers-monde, Paris, 1986, Table ronde sur modernité et traditions dans les sociétés berbères, CERAM.
• Une expérience de recherche anthropologique en Algérie, Paris, 1989, Awal.
• Faut-il écrire spécifique, Oujda, 1989, Conférence donnée à Oujda, Université Mohammed 1er, février 1989.
• Y a-t-il des caractères spécifiques de l’oralité ? Conférence préparée pour le Colloque international sur l’oralité africaine, CNEH, 12-15 mars 1989, in M.Mammeri,
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