PARIS (SIWEL) — Idir revient sur son passage au forum de Liberté, « sur ce qui n’allait pas », au titre qui a failli lui être imposé et s’exprime à nouveau sur Ferhat Mehenni, tant sur l’homme que son parcours, son combat. Idir nous apprend qu’il fait un duo avec Ferhat Mehenni et nous donne sa perception des nouvelles chansons du militant, du poète et du politique qu’à toujours été Ferhat Mehenni, sans jamais dévier de sa trajectoire. L’entretien est en Kabyle. En voici ci-dessous la traduction littérale.

 

A propos de Ferhat Mehenni, Idir dit: " le regard porté sur lui est multiple. d’abord, il y a l’individu, son parcours, le chemin qu’il a emprunté, ce qu’il a subi, ce qu’il a fait, ce qu’il a apporté à la "taqvaylit".C’est un artiste qui a été profondément blessé parce qu’il a dit des choses à une époque où il était difficile de les dires. Il a été réprimé, il a été emprisonné pour ce qu’il a dit. Ce n’est pas quelque chose qu’on peut lui enlever: "ayen yellan yella". Donc déjà cela mérite le respect.

Ajouté à cela, il est resté fidèle à ses engagements en faveur des droits, de la liberté, du respect de l’humain. Ensuite, il est maintenant dans une période où il parle d’indépendance de la Kabylie parce qu’il y croit. Ce débat doit être posé sur la table, on doit en discuter, et surtout, il doit être écouté pour que chacun puisse donner son avis sur cette question. Donc, comme j’ai senti que Ferhat a été écarté, isolé, surtout par le pouvoir; Et nous, nous devons lui donner la possibilité de parler."

Sure le forum de Liberté: "Là, je vais donner un scoop, de ce qui s’est passé là bas. Quand nous en avions fini avec le forum de Liberté, on nous a invité à un diner. Nous sommes allé diner et je les ai trouvé dans un engouement, avec un "hamas" comme disent les arabes, le zèle et tout ça. Ils ont dit : " ah ca y est, on a trouvé le titre", il est très bien!" , C’est à dire c’est bon, tout a été ficelé, c’est fini il ne faut pas revenir là-dessus. je leur ai dis, "c’est quoi ce titre que vous avez trouvé". Ils ont dit, "comme on t’avais dit, quand on va montrer ton passeport et ta carte d’identité, on va mettre (en titre) " Je veux être un algérien comme les autres "…

Eh bien… je me suis dit "alors cà …" J’étais avec Mohamed Sadi, je me suis retourné vers lui pour voir s’il avait perçu qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas. Il m’a regardé, j’ai vu qu’il avait compris. Puis j’ai dit (NDLR: à ceux qui proposaient le titre de l’article de Liberté), "attendez maintenant, il va falloir que l’on s’explique. Si vous voulez me mettre un titre comme çà, " je veux absolument être un algérien comme les autres", c’est comme si je demandait la charité! "s’il vous plait, accordez-moi l’agérianité", alors que l’algérianité si elle est en moi, elle est en moi, mais je ne vais pas la quémander.

Le problème c’est que quand ils parlent de l’unité algérienne; nous, nous avons fait ce que nous devions faire. Nous avons fait notre devoir. Je suis issu de la Kabylie, beaucoup de sang a coulé, beaucoup sont mort pour elle ( NDLR: l’Algérie). ensuite, pour ce qui me concerne, j’ai passé mon service national. On n’a même fait des rallonges quand ils nous ont pris 3 mois supplémentaires en plein soleil et je me demande à ce jour si ce n’était pas disciplinaire parce que nous étions kabyles; parce que comme par hasard, il n’y avait que des kabyles…mais passons, on va dire que nous avons fait notre devoir. Dans mes chansons, j’ai toujours essayé de donner une image aussi positive que possible, en tous cas de notre côté Voilà…Et moi, j’ai eu droit à quoi, qu’ai-je eu en retour ?

Eh puis, il arrivera un moment, surtout parmi ces jeunes qui émergent, ils vont se dire, "eh bien puisque vous ne voulez pas de nous, que voulez-vous que l’on fasse avec vous ?" Nous sommes arrivé à une logique où nous allons donc nous écarter, nous isoler ou… et j’augure des drames épouvantables! Je n’aime pas la mort, je n’aime pas la guerre, je n’aime pas que le sang coule mais des fois comme a dit Mammeri " Quand il y a buche sur buche, on essaye de faire une sorte de grosse montagne de bois, il ya de quoi provoquer dans le ciel de Dieu le plus le plus immense des incendies".

Nous n’avons jamais été avec de mauvaises pensées. Nous n’avons jamais été belliqueux ni fait de chantage en disant vous nous accorderez ce que nous voulons ou sinon ça ne va pas. Depuis le début nous avons toujours tenté la conciliation, la parole, la raison, le calme. Mais après, tu te rend compte que les gens en face de qui tu es, ce ne sont pas des gens qui ont la même conception que toi, ils ne comprennent pas les choses de la même façon que toi…Donc, il arrivera un moment…si ça continue comme çà…les jours qui nous attendent seront terribles.

A propos du duo avec Ferhat Mehenni : Puis enfin, pour arriver à ta question, concernant la chanson, ce que j’ai remarqué dans cls chansons que j’ai écouté, d’abord l’orchestration, c’est quelque chose de très propre, de très puissant. Au niveau des paroles, je pense que c’est essentiellement des mots militants, c’est à dire qui suivent un discours. La définition orchestrale correspond à ce qu’il a dit (NDLR: Ferhat Mehenni) et ce qu’il a dit, c’était surtout emprunt de poésie. C’est quelque chose qui nous fait voyager à travers des idées et qui nous ouvre des fenêtres…parce que les gens en ont besoin. Ils ont besoin de quelqu’un qui les encourage, ils ont besoin que quelqu’un leur montre le chemin, ils ont besoin que quelqu’un les éclaire et dans certains texte de Ferhat j’ai vu ces choses là.

Pour ce qui me concerne, je suis venu (NDLR:chanter avec Ferhat) d’abord parce que j’ai beaucoup de respect pour la personne. Il y a beaucoup de choses qui nous rassemble et puis il n’y a pas de raison à ce que je ne participe pas dans la mesure où j’ai fait des duos avec différents artistes internationaux ou nationaux. J’ai chanté avec Ait-Menguellet, avec Matoub paix à son âme et aussi avec des arabes; j’ai fait des duos, avec Cheb Khaled et comment il s’appelle…Cheb Mami; et aussi Jean-Jacques Goldman, Akenaton, Manu Ciao et je ne vois pas à quel titre je ne ferais pas un duo avec quelqu’un qui m’est encore plus proche dans les idées que les autres, donc c’est la moindre des choses que de venir partager quelque choses avec lui.

Entretien réalisé par GI

SIWEL 062216 DEC 13

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