ALGER (SIWEL) — Dans une contribution à Siwel, Amnay Ait Ifilkou traite des dernières élections locales tenues en Algérie. Il revient dans cette contribution sur le rôle prépondérant de l’Armée dans la prise de décisions politiques en Algérie. Il souligne, par ailleurs, que l’Armée algérienne dont la naissance fut une déviation politique, avec la force, faut-il le préciser, de la Guerre de libération, ne peut, en aucun cas, être un simple clan au sein du sérail, mais elle représente le régime lui-même.
L’armée algérienne, la gardienne du régime
Comme il fallait s’y attendre, c’est le FLN qui est plébiscité comme première force politique nationale. Parti unique malgré la présence d’autres formations pour légitimer le viol de la volonté citoyenne, le FLN constitue, et ce depuis la fin des années 50, le socle de pouvoir sur lequel se bâtit l’hégémonie du clan d’Oujda. Avec 220 sièges arrachés, par l’intrigue, la manipulation et le hold-up électoral lors des dernières législatives, le pouvoir s’est offert tout le luxe, au mépris de la démocratie, de rétablir l’ordre de la voix unique à travers l’implication de l’institution militaire qui s’est illustrée, encore une fois, par de viles et dangereuses immixtions dans un champ qui n’est pourtant pas le sien. Lors des législatives, le vent de colère qui soufflait sur les pays nord africains expliquait cette « volonté » du régime à reproduire les mêmes représentants des peuples afin de s’assurer une stabilité même relative. Etant dans l’incapacité de gérer, à travers ses laboratoires, toute l’armada de partis qu’il agréé, il met tout l’espoir de son maintien dans un FLN dont la place au musée attend sa reconversion d’un violeur récidiviste en un objet d’antiquité.
Le rôle important de l’armée
D’aucun essayeront de présenter, au risque de se ridiculiser, l’armée algérienne comme une institution républicaine qui a pris ses distances de l’arène politique, pourtant ! Il ne va pas sans rappeler que même durant la période la plus sombre de l’Algérie, l’institution militaire s’est montrée inapte à gérer une situation qu’elle avait provoquée. L’arrêt du processus électoral, même s’il demeure l’une des solutions les plus adéquates à opposer aux barbares islamistes de l’ex-FIS, mais il n’en demeure pas moins que cette même institution ne s’est pas donnée comme objectif de sauver une République dont les fondements commençaient à peine à se former. Ces jalons ont été posés par une Kabylie engagée depuis 1926 dans le combat démocratique. Les deux décades du terrorisme ont vu la naissance de tant de prédateurs drapés dans la tenue verte kaki. Dépassements en tout genre, dilapidation de deniers publics, détournements, corruption, abus d’autorités et probablement assassinats, l’armée algérien tient jalousement la tête de peloton des armées les plus corrompues et les plus fragiles dans tout le bassin méditerranéen. Il suffisait qu’une plainte contre un ancien chef d’Etat major en Suisse ait été déposée pour que les langues se délient pour dire ce que l’Algérie avait perdue dans son cheminement vers une démocratie qu’on croyait l’unique occupation des anciens officiers de l’armée coloniale.
Dés lors que la classe politique algérien, si elle en est une, est le fruit de manipulation et de tests dans les laboratoires du régime, le crash attendu aura l’effet d’un tsunami sur une ville en argile. Les éprouvettes présentées comme remède à la maladie algérienne, n’auront même pas l’effet d’un ersatz lorsque les peuples algériens, et à leur tête celui de Kabylie, accueilleront le Printemps.
Un acte de naissance politique
L’Armée algérienne n’a jamais été une institution issue des peuples. Les éléments qui l’a compose ont pris goût à s’accaparer la rente et au luxe du pouvoir dés lors que la guerre de libération n’a jamais eu lieu à Oujda ou en Tunisie. Les seuls combattants sincères se trouvaient alors dans les maquis des Aurès-Nememcha, de Kabylie et de quelques villes de l’intérieur du pays. La prise de pouvoir par la force durant l’été 1962 et la crise qui s’en est suivie était l’acte de naissance d’une armée aux prises avec les politiques du moment. C’était justement après la prise du pouvoir par l’Armée des frontières guidée par le tandem Ben Bella-Boumediene que la dérive génétique de l’ANP fut inscrite en lettre de sang dans les annales de l’histoire post-indépendance de l’Algérie. Le massacre des opposants aux disciples de Boumediene en 1963 en Kabylie est l’acte de décès de la République dont le ver a été introduit dans le fruit depuis quelques années déjà.
Une armée disciple du KGB
Il serait opportun de revoir l’historiographie de l’armée algérienne depuis l’accession du pays à une mini-indépendance en 1962, mais se référer à sa gestion politique de la vie nationale serait beaucoup plus opportun vu la nécessité de démontrer que l’armée algérienne est suffisamment coupable de dérives génocidaires contre les peuples qu’elle devait défendre pour se résigner à la défendre avec hargne.
Dés le semblant d’ouverture dite démocratique, l’armée algérienne s’est illustrée par de graves tentatives de contenir la colère des Algériens. Ce fut le cas en avril 1980, lors du Printemps amazigh où cette même armée était mobilisée, même avec ses élites héliportées ont été sur le qui-vive pour intervenir en Kabylie. Depuis les militants kabyles sont constamment mis à l’index et par le président, colonel de l’armée, et les services secrets, la SM à l’époque, bras caché de cette même armée. En tout, la vie nationale était du ressort des casernes. Un militaire, même étant simple soldat, avait plus d’estime et de considération qu’un ingénieur ou un médecin, vu la culture de violence, d’abus de pouvoir, inculquée à l’Algérien par cette même armée.
La majorité des officiers de l’armée sont issus des rangs de l’armée française. Une armée coloniale qu’ils quittèrent que durant les deux dernières années de la guerre. Rompus aux techniques de liquidation physique, d’exactions et de torture, ils feront la suite de leur « cursus » à l’ex-URSS. Dignes fils de la redoutable KGB, ils imposèrent le même « climat » en Algérie depuis 50 ans déjà.
Une armée impliquée dans la prise de pouvoir ne peut en aucun cas s’en départir. Elle défendra « sa croûte » tant que la rente assure le rafistolage des façades auxquelles adhèrent sans scrupules la classe politique.
Ceux qui dénoncent cet état de fait réclament, au fait, une part de soutien de cette même armée. Ni le FFS avec son changement spectaculaire de positions depuis mai écoulé, ni le RCD qui s’est fait un malin plaisir d’être la béquille des Tagarins durant deux décades, ni « les islamistes maison » n’iront au fond des choses pour dire qu’aucune démocratie ne peut se reposer sur un Soldat dans sa gestion. Reste à préciser que seule le MAK et le GPK indiquent, dans leurs littératures, que seul un Etat civil peut garantir un sursaut démocratique.
La leçon des deux élections tenues cette année, confirment que l’Armée n’est pas uniquement un clan au sein du régime, mais elle est bel et bien la détentrice des règnes, de la domination et tout simplement du pouvoir absolu qu’elle exerce à travers des apparatchiks triés sur le volet parmi la cohorte des assoiffés de responsabilité.
Amnay Ait I
SIWEL 041327 DEC 12