ALGER (SIWEL) — Le déni qui frappe l’identité amazighe dans l’ensemble du sous-continent nord africain reste tenace malgré les avancées de la démocratie sur la planète entière. Hélas, ce déni plonge ses racines dans les profondeurs de notre histoire.
Pendant des siècles, notre société a été politiquement morcelée parce que, pour des raisons liées à la géographie d’une zone très montagneuse, aucun pouvoir central n’a pu émerger durablement son autorité sur toute la région. Elle sera la proie de visées annexionnistes externes qui ne la maitriseront que d’une façon limitée et superficiel. Ainsi à chaque époque – carthagi noise, romaine, vandale, byzantine, arabe, turque, française-, les parties conquises se retrouvent en opposition avec celles restées insoumises. Ces tensions renouvelées à chaque époque saper ont la cohésion de la communauté amazighe, mais les valeurs fondamentales de liberté resteront pérennes.
Malgré la nuit coloniale, notre peuple a su mobiliser ses ressources morales, pour résister, faire avancer ses idéaux et reconquérir son indépendance.
Hélas, une vision politique étriquée a voulu attribuer ce mouvement d’émancipation à une culture arabo-islamique et a engagé tout le s/continent africain dans une arabisation effrénée et forcenée que justifierait la foi en l’islam. Et revendiquer l’identité amazighe devenait sacrilège.
Il y a un peu moins de 20 ans, en Algérie, le Haut Commissariat à l’Amazighité a voulu organiser une semaine culturelle à Batna, il lui fut répondu par une obscure association locale, actionnée par des instances au pouvoir, « le prophète est arabe, le coran a été révélé en langue arabe, la langue en usage au paradis est l’arabe » et par conséquent il est inadmissible de discuter dans un idiome qui ne présentait aucun intérêt. Cet « idiome » n’avait même pas l’honneur d’être la langue de l’enfer.
Inlassablement, l’amazighité est présentée comme facteur de division de la nation « Ben Bella en 1962 à partir de la Tunisie, Boumedine en 1973, Chadli dans les années 1980, Bélaid Abdeslam qui déclara- je suis arabe parce que je suis amazigh- Bouteflika qui relaya Chadli, Marzouki le Tunisien en décembre 2012 sur TV5 Monde, etc.…. », Une cinquième colonne au service de l’étranger, un ennemi intérieur, une apostasie de l’islam, cela pour sauve garder une pureté idéologique voir ethnique.
Pourtant, la première république qui ait porté le titre d’islamique à été celle instituée par Abdel krim au Maroc. L’événement sera jeté dans un trou de mémoire dans les manuels scolaires parce qu’il ne s’agissait pas d’un état intégriste. On ne saura pas que malgré la victoire mémorable, d’Anoual Abdelkrim, n’a jamais été tenté de se proclamer émir, son crédo était le combat anticolonial et contre les forces obscurantistes.
La haine de soi a atteint des sommets lorsque les dépouilles de deux colonels –Amirouche et Haouès- tombés les armes à la main ont été séquestrés dans les sous sols d’une caserne en Algéri e parce que l’un était kabyle et l’autre chaoui donc d’extraction berbères, il fallait absolument les mettre aux oubliettes, même morts, et réduire ainsi leur aura !
Rien ne sert de relater les multiples exactions dont a souffert la revendication amazighe juste pour noter qu’elle a été réduite à l’état de folklore, que son enseignement a reculé : il est resté facultatif, soumis à une autorisation paternelle de l’apprenant délivrée après moult tracasseries, victime de restrictions budgétaires. Dans les médias l’obstruction est systématique, il n’y a pas de
journaux dans cette langue. Pendant quatre décennies, la radio, puis plus tard la télévision (chaine 4) ont été confiées à des équipes dominées par les intégristes. Le directeur de la chaine 4 était un obsédé qui harcelait toutes les femmes recrues et éliminait toutes les bonnes volontés qui pouvaient promouvoir l’amazighité. Pendant qu’il s’sévissait à la radio, il était intouchable. A 74 ans, une plainte, la seule qui ait abouti, il a été condamné à 6 mois de prison avec sursis. Les autorités ont pu se dédouaner. Le sabotage des médias a été le fait d’un kabyle désaxé sexuel.
Il est vrai que ça et là, des changements ont été notés, mais ils furent d’avantage la résultante des nouvelles technologies de la communication qui rendent plus dure la sencure.
Politiquement nos pays sont restés réfractaires à toutes avancées significatives de l’amazighité. A chaque fois il ne s’agissait que de la poudre aux yeux.
En vérité, les militants amazighs, sont traités de parias et de fauteurs de troubles à l’unité nation ale par un pouvoir lui même amazigh du moins au plan historique et sociologique. Il est indéniab le que cette façon de procéder est source de tous les périls car la cohésion sociale fissurée, toute perspective politique reste bloquée. Aucune nation ne se construit dans le mépris de sa propre identité et dans la haine qui en résulte.
Pareille forfaiture ne peut que paralyser notre participation à la marche de l’histoire, entraver toute dynamique de développement économique et sociale et encourager l’expansion de la société de prédation.
Les militants de l’identité amazighe refusent ce funeste présage, ils veulent un sous-continent nord africain dont la valeur cardinale est l’honnêteté et le travail. Nous avons les potentialités requises pour réussir l’opération : « il ne faut pas pleurer les horizons perdus, il faut savoir des horizons nouveaux » affirmait Mouloud Mammeri qui avait l’espoir cheville au corps.
Notre société aujourd’hui effondrée nous importons tout…..y compris notre identité, doit se ressaisir : notre histoire n’est ni meilleure, ni pire que celle des autres peuples, nos capacités intellectuelles sont identiques aux leurs, il nous manque la volonté politique. Elle sera au rendez-vous avec une haute conscience de nos déficiences et aussi des impératifs qu’exige la construction d’une société performante.
C’est là un combat de justes qui n’a surtout pas besoin de violence pour vaincre. Il a besoin d’esprits éclairés, enracinés dans leur histoire et leur terroir. L’effort que nous devons entre prendre est un effort sur nous même. Nul besoin de récriminations sur un ennemi extérieur. Si ennemi, il y a, il est en nous. Il est difficile de l’extirper, mais le fait que nous en débattons aujourd’hui annonce une victoire. D’ores et déjà nous avons rejeté « le rêve insensé » pour des constructions plus rationnelles, de construction de notre temps.
M. A. M
SIWEL 15 15 28 FEV 13