(SIWEL) — «L’enlèvement d’Européens contre rançon est devenu un business mondial pour Al-Qaida, qui finance ainsi ses opérations à travers le monde», écrit le New York Times dans son édition d’hier, mercredi 30 juillet, où il consacre une longue enquête au mode opératoire des djihadistes en Afrique. L’enquête s’appuie sur les témoignages d’ex-otages, de négociateurs, de diplomates et officiels des gouvernements, mais aussi sur des milliers de documents internes à Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) saisis à Gao, l’an dernier. Le «cours» de l’otage, qui s’avère être un commerce florissant, va aller en s’accroissant: en 2003 un otage «valait» 200.000 dollars, sa « valeur marchande » tourne désormais autour des 10 millions de dollars.
Une enquête du New York Times l’affirme !
En effet, depuis 2008, Paris a payé, ou a fait payer via des entreprises comme Areva dont l’Etat est actionnaire, quelque 58,1 millions de dollars de rançons aux djihadistes. La France est suivie par la Suisse, qui a versé 12,4 millions de dollars aux Djihadistes et enfin l’Espagne qui a versé 10,1 millions de dollars.
Par ailleurs, il est à noter que des pays comme le Qatar et Oman ont payé de leurs poches quelques 20,4 millions de dollars et que ces deux pays sont souvent utilisés comme des « intermédiaires » par les Occidentaux, notamment pour les otages enlevés au Yemen.
Pour les otages enlevés en Afrique, les négociations passent directement par des chefs terroristes qui ont rubis sur ongle et qui sont souvent accueillis en grandes pompes par des Etats qui ont la réputation d’être des "modèles" en matière de lutte contre le terrorisme. C’est par exemple le cas du terroriste Iyad Ag Ghaly, négociateur (et premier bénéficiaire) de la dernière rançon versée par Areva pour la libération des 4 otages français, mais dont la « redistribution inéquitable» a semble-t-il couté la vie aux deux journalistes français de RFI.
Il est à noter qu’Iyad Ag Ghaly, chef terroriste du groupe Ansar Dine, a été reçus plusieurs fois dans la capitale algérienne, avec laquelle il entretient des relations très étroites. Il est à noter également que ce même Iyad Ag Ghaly, classé parmi les terroristes les plus recherchés dans le monde, se promène librement entre Tinzawaten et Kidal, sous les yeux des forces internationales de la Minusma et des forces françaises Serval, toutes deux sensées avoir été déployées au Mali pour lutter contre les djihadistes…
Mais il se trouve que c’est justement avec ces mêmes djihadistes que sont menées les transactions pour payer les rançons devant mener à la libération des otages désormais ciblés selon leur nationalité, de préférence issues des pays réputés « bon payeurs ».
C’est que la rançon contre otage est devenue un business florissant pour les djihadistes. Ces derniers ont affiné leur processus au fil des années, et selon certains cadres cités par l’enquête du New York Times, l’argent ainsi collecté représenterait la moitié du budget de l’organisation terroriste. «Pour le dire plus crûment, l’Europe est devenue un assureur involontaire d’Al-Qaida», écrit le NYT qui rappelle qu’en la matière, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ne payent pas les rançons réclamées par les terroristes.
Cela étant dit, le non-paiement des rançons aux djihadistes ne dédouane pas pour autant les Etats-Unis et la Grande Bretagne de rapports que l’on peut considérer, sans se tromper, comme étant « douteux » avec les groupes djihadistes.
En effet, les filières islamistes d’Afghanistan ont été largement favorisées par les USA du temps de la guerre froide avec la Russie et plus récemment, la « rébellion syrienne », dont il est aujourd’hui de notoriété publique qu’elle est d’obédience djihadiste, a été largement soutenue par les Etats-Unis, la grande Bretagne et la France qui ont tous accordé un soutien « logistique » à la rébellion syrienne…
Autrement dit, les djihadistes de Syrie, actuellement à l’œuvre en Syrie comme en Irak, combattent et étendent leurs zones de pouvoir grâce aux armes livrées par la France, les USA et la Grande Bretagne et aussi grâce aux financements du Qatar et de l’Arabie Saoudite, qui sont les grands amis et alliés de l’Occident, contrairement aux Kurdes dont on sait qu’ils sont bien les seuls à combattre les djihadistes dans cette partie du monde…
Mais revenons à la question des otages et de ce point de vue, il est vrai que les otages britanniques ou américains ont connu des sorts tragiques, du fait du non-paiement des rançons par les USA et la Grande Bretagne. Et de ce fait, selon le NYT, Al-Qaida ciblerait désormais ses otages selon leur nationalité, selon que leurs gouvernements paient ou non les rançons. Et de ce point de vue, les otages français sont particulièrement appréciés par les djihadistes.
En effet, sur les 53 otages répertoriés ces cinq dernières années, un tiers d’entre eux étaient français. C’est pourquoi Jean-Paul Rouiller, Directeur du centre genevois d’analyse du terrorisme, explique au NYT : «Pour moi, c’est évident qu’Al-Qaïda cible par nationalité. Les otages sont un investissement et vous ne voulez investir que si vous être quasiment sûr d’être payé». Le NYT affirme que « Les otages sont donc un bien précieux dont les djihadistes prennent soin, explique le journal américain après avoir parlé à plusieurs otages, citant notamment le cas d’un camion plein de médicaments appelé en plein désert pour soigner une otage française atteinte d’un cancer du sein….
Désormais, l’enlèvement et la négociation d’otages sont bien maîtrisés par les djihadistes. Selon le NYT, le tournant a eu lieu en 2003 quand des djihadistes algériens (juste avant la création de l’Aqmi) enlèvent une série d’Européens dans le sud de l’Algérie. Ils négocient, et obtiennent, pour 5 millions de dollars leur libération.
Grâce à cet argent, les djihadistes algériens recrutent et entraînent des nouvelles recrues qui organiseront de nouvelles attaques et étendront leur territoire bien au-delà des frontières algériennes, en particulier en pays touareg où ils seront particulièrement utiles aux intérêts énergétiques internationaux en portant un coup fatal à la crédibilité des luttes révolutionnaires Touarègues qui sont les premiers à faire les frais de la prédation occidentale sur les ressources énergétiques dans le Sahel.
Ainsi, depuis cet épisode algérien, le commerce des otages devient une nouvelle manière de mener le Djihad. Le cas algérien servira d’exemple au reste d’Al-Qaida qui ne tardera pas à reconnaître officiellement les Algériens comme une de ses filiales, nommée Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi). Et c’est ainsi que le «cours» de l’otage va flamber: en 2003 un otage «valait» 200.000 dollars, alors que son prix tourne désormais autour des 10 millions de dollars.
«L’enlèvement d’otages est un butin facile que je pourrais décrire comme un commerce rentable et un trésor précieux», écrit le NYT citant Nasser al-Wuhayshi, le chef d’Al-Qaida dans la péninsule arabique. «Pour minimiser les risques», les djihadistes sous-traitent l’enlèvement d’otages à des groupes armés qui récupèrent 10 % du montant des rançons et avec lesquels ils entretiennent des liens étroits, comme le groupe Ansar Dine par exemple qui a obtenu la libération des quatre otages Français détenus par l’Aqmi en octobre dernier après trois ans de captivité.
Le gouvernement français a toujours nié avoir versé une rançon, mais des sources officieuses ont affirmé le contraire, poussant ainsi le ministre français des affaires étrangère, Laurent Fabius, à sortir de son silence en affirmant qu’« il n’y a pas eu d’argent public versé contre la libération des otages français ».
Source : NYT et 20Minutes.fr
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