(SIWEL) — Yennayer ne s’est pas limité en Kabylie au traditionnel Imensi suivi le lendemain d’un défilé de chanteurs dont certains, avec du folklore s’il en est, s’auto-suffisent à croire qu’ils concourent à sauver une fête menacée de disparition dans beaucoup de régions de l’univers berbère. Yennayer, depuis la mise en service de la peudo-démocrartie en Algérie, a été intégré dans le laticlave des thèmes réservés à des journées particulières, comme celles consacrées, ailleurs, aux dauphins, aux oiseaux migrateurs ou à l’environnement.
Depuis 2009, le MAK fait de Yennayer une journée d’action, le gouvernement algérien s’en mêle à travers ses vassaux kabyles dans le seul but d’établir dans l’esprit algérien, une hiérarchie dans laquelle la Kabylie devrait prendre le statut ingrat d’éternelle contrôlée. Mal lui en prit, cette fois-ci, Yennayer a marqué le retour sur le sol kabyle de l’ancêtre porteur de sacrifices et d’espoirs.
Le 12 janvier 2016, la Kabylie a fait rejaillir les agrumes d’un large processus de luttes et est descendue dans la rue revendiquer sa place parmi les nations. Et les couleurs des manifestations qui s’y sont déroulées augurent une tache qui va s’émanciper, continuellement et assidûment réitérée mais jamais transformée.
Le 12 janvier a nettement montré le gigantesque décalage culturel entre la Kabylie et tout le reste algérien. Il a aussi dévoilé ce à quoi chacune des deux parties aspire comme avenir. Il est clair, cependant, que deux projets politiques se confrontent. Si en Kabylie l’on s’engage dans le chemin de la liberté dans un monde dialectique en marche vers l’avenir, dans les territoires algériens on se confine avec acharnement sous les oripeaux de l’arabo-islamisme.
Faire diversion est la méthode chérie du gouvernement algérien, il ne s’encombre jamais du respect de la réalité. Sa presse ne réagit pas à chaud en des moments de grandes agitations mais répond au besoin d’amoindrir la contestation et les revendications quand elles émanent de Kabylie. Ainsi, elle s’abandonne volontiers dans le jeu de la diversion. Pour faire de l’ombre aux grandioses marches de Yennayer il leur a paru malin d’orienter l’opinion sur les flèches que s’échangent le RCD et Nordine Aït Hamouda. Puis, l’éclairage se fait de manière spectaculaire sur une fille à peine sortie de l’enfance que l’on désigne Miss kabylie préférant s’exprimer en arabe ! Rien n’est donc capable de stopper l’ignominie du gouvernement algérien. Manipuler ainsi une fille, manifestement innocente, pour en faire l’hameçon à même de faire remonter en surface le mythe d’une Kabylie raciste n’est pas son moindre forfait.
Bien sûr, bien des kabyles ont été choqués et ont manifesté sans indulgence leurs reproches envers une fille kabyle non habituée à parler kabyle. D’un côté, quelques internautes sortis d’un vulgum pecus se sont donné sans vergogne à un flot d’insultes horriblement vulgaires à l’encontre des kabyles, tous les kabyles. Le pétard a éclaté au bruit cherché par l’État algérien dans sa stratégie de détourner l’élan produit par Yennayer 2016.
Pour revenir à la Miss Kabyle, l’honnêteté exige que l’on admette que tout comme elle, beaucoup d’algérois originaires d’Azzefoun ou d’autre régions de Kabylie s’expriment rarement en kabyle, sinon pas du tout. Si presque toutes les mamans dans Alger ont résisté à l’arabe algérien et l’ont empêché de les submerger, certaines n’ont toutefois pas jugé utile de transmettre à leurs enfants le devoir de parler kabyle. Face à la rue, la télévision, l’école, l’administration et la mosquée, imposer le kabyle dans l’esprit et le quotidien de ses enfants, est un dur métier pour une maman vivant en dehors de la Kabylie et réduite au minimum nécessaire à la survie.
La Miss kabyle qui s’est exhibée – par étourderie – un peu honteuse de s’exprimer en Kabyle a payé l’addition des parents éloignés par vouloir de leur culture sur fond d’un jeu cynique du gouvernement algérien. C’est dur pour elle de se voir consacrée, dans une affreuse félicité, la plus belle dans une Kabylie qu’elle n’a pas connue. Le comble de la supercherie, pour mieux alimenter la rumeur sur le billard, le couple fourbe organisateur du carnaval attribue sur un plateau de télévision un lien de parenté très proche entre la Miss et le patron du DRS. Or, selon quelques sources, le véritable nom du général est Sahraoui et non pas Tartag. Subitement, un Tertag d’El Eulma devient oncle paternel d’une Tartag dont le père est d’Azzefoune! est-ce pour dire, qu’encore une fois, le patron des services sinistrement célèbres est kabyle… Passons.
Toutes les largesses et semblant de concessions dont fait preuve Bouteflika envers les kabyles ces derniers temps n’est que combine lui servant – bien que sénescent- à gagner du temps avant le déclenchement d’une redoutable répression. La guerre des clans au sommet de l’Etat algérien se dévoile plus féroce que les précédentes, janvieristes et dialoguistes qui tantôt se coudoient tantôt s’entrechoquent via peuples interposés ont un ennemi commun : la Kabylie.
Les petits berbéristes qui se félicitent dans des débats sur l’officialisation de Tamazight et tendent à une digne réciprocité envers Bouteflika se leurrent. Que l’on ne se méprenne pas, Bouteflika a autant de mépris envers celui qui se réclame kabyle ou amazigh avec une détermination d’Algérien que de hargne envers celui qui a pris la résolution définitive de n’être que kabyle et uniquement kabyle.
Le pacte établi avec l’imposture exige de l’algérien depuis 1962 d’enfanter d’abord arabe et musulman, le reste est une question de temps et d’artifices. Aucune thérapie de supplique n’est capable d’humaniser un insecte intersecté, si Bouteflika se montre calme, il y a mystère : un scorpion engourdi par le froid trompe, car une fois réchauffé, il n’hésitera pas à mordre.
Djaffar Benmesbah.
SIWEL 202216 JAN 16