AGWNI GGEGHRAN (SIWEL) — « Les Policiers nous intiment l’ordre de leur remettre tous nos papiers. Ils nous demandent de descendre tous du bus afin de fouiller le bus de fond en comble, sous les sièges etc., et ce, sans aucune forme de courtoisie ni encore moins d’explications, comme si nous étions des malfrats !!!
Nous étions conscients du manège et avions décidé dès le départ de ne pas répondre aux provocations des services de sécurité pour éviter au maximum des interpellations parce que c’est exactement ce qu’ils cherchaient.
Notre but était que nous puissions arriver à At Zellal pour prendre part aux travaux du III Congrès du MAK. Les Policiers en question cette fois-ci nous évoquent une histoire d’autorisation de transport mais nous leur avions répondu que cette autorisation n’existe pas qu’il est question d’entraves à la circulation des personnes sans motif raisonnable.
La police algérienne, prise d’une fièvre répressive sans précédent, nous confisque nos papiers et notre moyen de transport, arbitrairement, illégalement, injustement et brutalement. »
Extrait du témoignage de Hocine Azem, secrétaire national aux relations extérieur du MAK
Nous étions tous emmitouflés dans nos burnous kabyles pour combattre les aléas du froid sibérien qui sévissait, et surtout brandir l’habit de la résistance, du symbole kabyle contre toutes les invasions coloniales dont nos aïeux ont fait l’objet. Et c’est avec détermination que avons pris la route dans un bus bondé de montagnard vers les At Zellal en fixant avec vaillance notre itinéraire par les At Wassif pour contourner les barrages filtrants de police et gendarmerie qui sévissent dans tous les points tangents de Kabylie en ce jour du III Congrès du MAK.
Nous croyions, en effet, à notre trajectoire rurale pour assurer notre liberté de mouvement en passant par des chemins plus vicinaux afin que la police algérienne et la Gendarmerie ne puissent pas opérer les contrôles pour nous faire perdre de temps pour arriver au III Congrès du MAK. Mais hélas ! nous tombâmes nez à nez avec un premier barrage policier algérien installé à At Wassif sur la route les reliant vers les At Yanni.
Ce sont des policiers arabes qui nous interpellent en nous apostrophant âprement. Ils nous demandent de présenter nos papiers sans aucune forme de politesse d’usage avec de la rudesse dans leurs propos discriminatoires et attentatoires aux libertés de toutes personnes jalouses de sa dignité… Les policiers ne respectent pas les droits humains et nous demandant notre destination finale en s’attardant lourdement sur des questions d’ordre politiques auxquelles nous avons répondu que nous sommes dans notre pays : la Kabylie, le pays des Hommes et des Femmes libres, leur signifiant ainsi, et avec politesse qu’aucune force de répression ne peut avoir raison de notre liberté.
Face aux argumentaires de tous les militants qui ne veulent rien concéder sur la liberté de mouvement garantie par les textes du droit international, les policiers nous rétorquent, en nous rudoyant, par des menaces, notamment de mettre en fourrière le bus qui nous transportait et de tous nous arrêter illico presto pour nous présenter au Procureur … et ce, pour des clopinettes !
Ensuite, ils passent directement au cœur du sujet, à l’objet même de leur présence. Ils nous demandent de leur expliquer pourquoi notre projet d’autodétermination est d’ordre « séparatiste ». Nous les avons assommés avec une réponse à laquelle ils ne s’attendaient pas : « Cela ne vous regarde pas. Vous êtes des policiers censés assurer la sécurité des personnes et des biens. Vous n’êtes pas censés faire de la politique » et mieux encore « vous êtes payés par l’argent du contribuable pour lui assurer la sûreté pas l’entraver dans sa liberté »… Ils ont fini par nous rendre nos papiers en dépit de leur mauvaise volonté !
Nous reprenons notre bonhomme de chemin vers les At Yanni et les At Mengellat lorsque pour la seconde fois nous tombâmes sur un barrage de la Gendarmerie cette fois, qui d’usage ne contrôle nullement les transports de voyageurs, mais notre bus a vite été repéré avec les drapeaux kabyles qui fleurissaient ses flancs et nous savions que notre bus était signalé sur tous les axes menant à At-Zellal. Notre bus a donc été arrêté pour contrôle de papiers, paradoxalement, les gendarmes n’ont pas les attitudes de réaliser la fouille comme les policiers impolis qui les ont précédés, mais ils tentent de justifier leur fouille par des mensonges grotesques en nous informant que celle-ci est due aux opérations de ratissages militaires en cours dans les parages de notre destination, vers les At Mengellat.
Etait-ce un argument de dissuasion, pour nous faire rebrousser chemin ? A leur attitude, nous en avons conclu que les gendarmes étaient plus des forces supplétives et d’appoint par rapport à leurs collègues de la policiers plus fayotés et zélés à tout bout de champ. Il était déjà neuf heures mais en deux heures de temps, nous avons parcouru à peine dix kilomètres en raison des tracasseries causés par les barrages démultipliés en ce jour du III Congrès.
Nous avons quand même réussi à reprendre notre itinéraire. Après nous avoir retardés un bon moment, les gendarmes nous laissent finalement repartir. Malheureusement, voilà que nous sommes de nouveau arrêtés par un troisième barrage de police, juste devant l’Hôpital de Michelet- ce lieu nous rappelle le décès de Si Muh U Mend et l’hospitalisation de Matoub lors de son agression par les gendarmes-
Les Policiers nous intiment l’ordre de leur remettre tous nos papiers. Ils nous demandent de descendre tous du bus afin de fouiller le bus de fond en comble, sous les sièges etc., et ce, sans aucune forme de courtoisie ni encore moins d’explications, comme si nous étions des malfrats !!!
Nous étions conscients du manège et avions décidé dès le départ de ne pas répondre aux provocations des services de sécurité pour éviter au maximum des interpellations parce que c’est exactement ce qu’ils cherchaient. Notre but était que nous puissions arriver à At Zellal pour prendre part aux travaux du III Congrès du MAK.
Les Policiers en question cette fois-ci nous évoquent une histoire d’autorisation de transport mais nous leur avions répondu que cette autorisation n’existe pas qu’il est question d’entraves à la circulation des personnes sans motif raisonnable. La police algérienne, prise d’une fièvre répressive sans précédent, nous confisque nos papiers et notre moyen de transport, arbitrairement, illégalement, injustement et brutalement.
Pis encore, ils nous enjoignent d’observer la loi de l’omerta! Là nous avons notifié aux policiers qu’en Kabylie sommes dans un Pays farouchement attaché à sa liberté et que par conséquent, la loi de l’Omerta n’a pas droit de cité. Aussi, nous nous sommes mis à entonner l’hymne national kabyle à haute voix pour dénoncer cette injustice.
Et comme nous avons été délestés de notre bus, notre détermination n’en a été que plus renforcée. Nous entreprîmes alors de continuer à pied le trajet jusqu’à At Zellal. Des militants de la région de Michelet que nous avions contacté se sont néanmoins mobilisés pour nous trouver un bus qui nous emmènerait vers les At Hichem.
Répartis finalement dans plusieurs bus pour affronter les autres barrages et éviter de bloquer tout le monde en même temps, nous étions environ une cinquantaine lorsque nous avons été arrêtés pour la quatrième fois à un barrage de la police, près du Commissariat de Michelet. Tout le monde subi de nouveau le traditionnel contrôle d’identité et sans doute par provocation, la police décide d’interpeller deux de nos jeunes respectivement âgés de seize et dix et sept ans qui viennent de subir leur baptême des interpellations.
Tout le collectif militant se mis en branle vers le Commissariat de Michelet pour libérer les deux jeunes qui y sont conduit manu militari. La nouvelle se répand comme une trainée de poudre et une marche spontanée s’organise dans la ville. Une foule de citoyens, outrés par la scène de l’interpellation de deux petits jeunes inoffensifs dont le seul tort est de lutter pacifiquement pour leur idéal, converge vers le commissariat.
C’est une véritable marche populaire qui s’est improvisée et avant même d’arriver devant le Commissaire, des policiers viennent vers nous pour nous informer que nos deux jeunes militants ont été relâchés sans leur avoir fait subir d’interrogatoires. Les policiers nous demandent, en nous suppliant, de surseoir à notre marche improvisée. Nous y concédons, pressés que nous étions de rejoindre au plus vite At Zellal.
Nous venions de remporter notre première victoire sur la police injuste par notre détermination inébranlable !notre combat pacifique a eu raison de toutes les ruses et les rudesses de la police algérienne. Nous avons de nouveau loué d’autres bus pour nous emmener vers les At Zellal afin de rejoindre nos frères et sœurs qui nous attendaient pour débuter les travaux du III Congrès du MAK.
Nous demandons à toutes les instances et aux consciences, éprises de libertés et de dignité, d’agir contre cette répression ignoble des services d’insécurité algériens contre les défenseurs de la Nation kabyle. Nous considérons tout silence comme un acte de cautionnement et de consentement aux exactions du Gouvernement algérien par son bras répressif, et non sécuritaire, en Kabylie.
La Kabylie ne demande que l’application, reconnue par les instances internationales, de plus ratifié par l’Etat algérien lui-même, d’un statut politique par la voie d’un référendum d’autodétermination du peuple kabyle, et ce, dans le cadre du droit légitime des peuple à disposer d’eux-mêmes.
Hocine Azem,
Membre de la direction du MAK
SIWEL 021319 FEV 16