ARCHIVES COLONIALES (SIWEL) — Nous publions ci-après le second numéro de la revue artistique et littéraire » La Kabylie pittoresque « , édité le 10 Mars 1887.
Dans une précédente édition, nous avions mis en ligne le premier numéro de cette revue .
Siwel publie ci-après le second numéro de » La Kabylie pittoresque «
A NOS LECTEURS
En créant notre Album Journal la « KABYLIE PITTORESQUE »,nous avons pensé être agréables à nos amis d’Algérie ainsi qu’à tous ceux qui, de près ou loin, s’intéressent à notre pays; nous faisons donc appel à toute leur indulgence si, dans les débuts, notre publication ne réalise pas tout le développement que nous nous proposons ne lui donner.
Le zèle ne nous manque pas, tout nous secondera: les encouragements de nos concitoyens et l’espérance d’acquérir les sympathies du public. . .
Tout d’abord il fallait naître, la "KABYLIE PITTORESQUE" grandira en marchant.
Tizi-Ouzôu, 10 Mars 1887.
Léon PAX.
1. — Origine et caractère particulier du Berbère ou Kabyle.
—«»—
L’origine de la race Berbère ou Kabyle a toujours été pour tous les écrivains qui ont essayé d’étudier un vaste champ de conjectures et de contradictions. D’après les uns ils descendraient en ligne directe des Vandales qui s’étaient établis au 5è Siècle dans les provinces Barbaresques du Nord de l’Afrique ;les Empereurs Byzantins les dominèrent jusqu’au 7è Siècle, époque où leur pays fut envahi par les Sarrazins.
Des Dynasties Arabes y régnèrent ensuite jusqu’au moment où les Turcs vinrent y établir leur pouvoir et enfin plus tard la France. Gibbon le célèbre historien voit dans ce nom de Berbère, une corruption de là qualification de Barbaroi que les Grecs donnaient aux peuples dont l’idiome différait du leur et ce nom, adopté par les Romains, leur aurait été emprunté par les conquérants Arabes.
Numides ou Carthaginois pour ceux-ci, antérieurs aux arabes pour ceux-là nous ne sommes pas encore fixés d’une manière certaine sur une origine qui parait être perdue dans la nuit des temps.
Voici comment s’exprime le Général Hanoteau dans son excellent ouvrage : La Kabylie et les coutumes Kabyles.
« On donne en Algérie le nom de Kabyles aux populations de race Berbère qui habitent les montagnes du littoral de la « Méditerranée. Les Beni-Menaçer, au Sud de Cherchell, les Mouzaïa, Beni-Misçera., Beni-Azoun dont les territoires bordent la Mitidja sont des Kabyles aussi bien que les montagnards du Djurjura ou des environs de Collo.
« Malgré la communauté d’origine de ces populations, leur état politique et social est loin d’être identique. Toutes ont subi profondément mais à des degrés différents, l’influence arabe, ou plutôt l’influence de l’Islamisme représenté plus particulièrement par la race Arabe, qui l’a importé et propage à la suite de la conquête.
Les unes soumises depuis longtemps aux gouvernements musulmans’ qui se sont succédés, ont perdu jusqu’au souvenir de leur origine ; elles se disent et se croient de bonne foi Arabes, ne parlent que l’Arabe, obéissent à des chefs nommés par l’autorité politique du pays et se soumettent « sans arrière-pensée aux prescriptions de la loi musulmane. « D’autres tout en acceptant le Code musulmane t l’autorité des chefs nommés sans leur concours ont conservé en partie « les habitudes démocratiques particulière à leur race. »
Tout ce que nous pouvons dire, c’est que le Kabyle au point de vue ethnologique se distingue particulièrement de l’Arabe, par la différence du langage qui se divise en autant de dialectes que de tribus. Le costume, la physionomie, les mœurs et une industrie supérieure, autant de causes qui contribuent à en faire une race à part. Le Kabyle habite la montagne et déteste l’habitant de la plaine, l’arabe dont la vie sociale diffère sous tous les rapports. Celui-ci campe, et transporte sa tente d’un lieu à un autre, le Kabyle au contraire, habite des maisons et des villages.
(A suivre.)
L. P.
Etsrou erkaket idudan
fel batel idran id’es
Deg oukham isgaou assas
Gher tala tedun yid-s
A Rebbi d’afôus amokran
Oukem ar iderdan rour’es
Elle pleure, la victime aux doigts effilés,
Sur l’oppression qui pèse sur elle.
Dans son logis, veille un gardien
Qui la suit même à la fontaine.
Ô Dieu, à là main puissante,
Facilite-nous l’accès de sa demeure !
Dés son enfance la beauté de Fathima, sa grâce, sa douceur la rendaient l’idole d’un père dont elle était l’unique enfant. À quatorze ans elle était la plus jolie fille du village de tala ulili (Fontaine des Lauriers Roses); aussi nombre de jeunes seigneurs appartenant a des familles illustres et puissantes se disputaient-ils
le bonheur de la posséder. Mais son père, Sidi M’hand, homme sage et bien-pensant ne calculait pas les richesses qui lui étaient offertes et s’obstinait à repousser avec indifférence toutes les sollicitations. Ce bon père, était lui-même suffisamment fortuné et désirait avant tout un gendre réunissant toutes les qualités du cœur, nécessaires pour assurer une vie heureuse à sa fille; pendant longtemps Sidi M’hand resta incertain sur le choix qu’il avait à faire.
Fathima était née tendre, vive et passionnée comme une kabyle, si jeune son cœur lui parlait déjà. Ses yeux avaient distingué un jeune homme nommé Azouz, fils d’un khammès de son père. Parmi les garçons du village Azouz était, le mieux fait, le plus gracieux et sa beauté l’emportait sur tous les autres mais il était pauvre. Bien des fois, vers le soir, elle le voyait passer silencieux près de sa demeure, revenant des champs, où il passait ses journées à travailler.
(A suivre.)
—«»—
LA NOVICE
Quand je te vois, penchée aux balustres de pierre
Et le front clans la main,
Comme si de ton cœur montait une prière
Vers ton Dieu souverain ;
Que ton être charmant, adorable problème.
Doux chefs-d’œuvre des aïeux.
Se redresse et se cambre en ces poses dont j’aime
L’abandon gracieux ; „ ‘
Quand sous ton voile blanc, tu vas et viens sans trêve,
Pauvre oiseau prisonnier,
Qui dans ta sombre cage aspire en vain au rêve
D’un amour printanier:
L’amour dont tu pressens la volupté permise,
Les pudiques émois,
Et les chastes ardeurs dont ta chair insoumise
A brûlé maintes fois;
Dans ton cœur frissonnant, dans ton âme qui vibre
Passe un ardent souhait
Et tu sens bien que Dieu créa pour être libre,
Qu’amour n’est pas méfait !
Car il couve du feu sous ta brune paupière
Ton regard éblouit
Comme ces larmes d’or, écrin de la lumière,
Que l’ombre épanouit.
Et les souples roseaux, n’ont pas là sveltesse de ta taille,
Le tour délicieux
De ton corps virginal que ta robe de faille
Cachait à tous les yeux.
L’oiseau des sombres tours n’a pas l’aile aussi noire
Que tes cheveux bouclés.
Et l’art n’ajouta rien à la blancheur d’ivoire
De tes bras ondulés.
Et ce Dieu que tu sers fit ton âme plus belle
Que ton être divin,
A. ton épaule blanche il ne manque que l’aile
L’aile d’un chérubin !
Si clans ses plis d’azur le ciel qui t’a vu naître
Un jour doit te revoir,
Ne fuis pas nos hivers, bel ange, sans connaître
Le don le plus charmant que nous a fait ton maître :
Dieu ton unique espoir
Descends pour un moment des régions sublimes
Que fuit l’humble mortel :
Les cieux, comme la terre, ont vu d’horribles crimes
Et des larmes de sang : du fond des noirs abîmes
L’enfer maudit le ciel.
La beauté de tout temps vit l’amour et la haine
Des rivaux, des jaloux ;
Parmi ces élus tu ne serais point reine
Tu ne serais donc pas comme une souveraine,
Servie à deux genoux.
Et ce mystique amour dont tu vantes les charmes
Souvent naît de l’orgueil,
De terreurs sans raison, de coupables alarmes :
Dieu n’est pas un bourreau qui se plaît dans les larmes
El rit de notre deuil.
Erreur ! Quand nous armons sa bonté tutélaire
D’un enfer étemel „
Sa justice d’un glaive et son front d’un tonnerre.
Ce Dieu que l’on invoque en disant « notre père.•>
Peut-il être cruel"?
Hâtes-toi de quitter ces vêtements de bure,
Fuis les pleurs pénitents,
Quel crime as-tu commis, loi, dont l’aine aussi pure
Qu’un lys ignore encore jusqu’au mot des ouillure,
Jusqu’au nom des méchants.
Et lu saurais trop tôt, même sous un ciliée,
Que l’aine peut déchoir ;
Qu’elle perd sa couronne et que souvent le vice
Sous de pieux oripeaux, abrite l’artifice
Du dessein le plus noir
Laisse dire a ton cœur ce doux chant qui t’enivre
Le cœur ne ment jamais.
Le cœur est un ami. Du chemin qu’il faut suivre
Pour être heureux et bon, sentir, aimer et vivre
Le cœur dit les secrets.
* * AUM. JANSSENS.
Au banc de la Correctionnelle :
— Enfin ! votre femme allait tous les jours vous chercher au cabaret !
— C’est vrai, mon président, mais c’était pourboire la moitié de ma goutte !….
—«o»—
Banc des Promeneurs.
A un très ancien camarade :
— Quand j’étais dans les chasseurs d’Afrique,on m’appelait mon Capitaine… maintenant que je suis marié ma femme m’appelle vieux polisson l
—«o»—
Au Restaurant :
—-Joseph, quel vin me donnez-vous aujourd’hui ?
— Le même que la dernière fois Monsieur.
— Hein ! il est bien jeune !
— C’est bien pour cela qu’il est meilleur.
— Oh ! Oh ! comment cela ?
Joseph tout bas. — Oui monsieur, il est si jeune, si
jeune qu’il n’est pas encore baptisé.
CHOIX DE PENSÉES
La franchise est l’apanage des grands caractères, elle est la marque distinctive de l’homme de bien et le cachet de l’élévation des sentiments.
Dans le but d’être agréables à beaucoup de nos abonnés nous réserverons la DERNIÈRE PAGE de notre ALBUM-JOURNAL pour l’insertion GRATUITE de toutes les annonces et réclames qu’ils voudront bien nous adresser.
Aucune question politique ou administrative ne recevra asile dans les colonnes de la « Kabylie pittoresque. » Il en sera de même pour toutes les communications qui ne se rapporteraient pas à notre oeuvre dont le caractère est exclusivement artistique et littéraire.
Imprimerie A. BOUYER, Alger. Le Directeur-gérant Léon DURRIEUX.
NOTE
Aussi, il va de soi que tout document de type coloniale se doit d’être pris avec des pincettes, tant il est vrai que l’administration coloniale française a été la première à dépersonnaliser le peuple kabyle, non seulement en instituant des bureaux arabes en Kabylie mais aussi en dékabylisant les noms de lieux ainsi que les noms de famille kabyles, ôtant les préfixes kabyles "At" pour leur substituer des préfixes arabes en Ben, Bou, Ould etc.,
Néanmoins, les documents coloniaux sur la Kabylie constituent les seules sources d’informations disponibles, la société kabyle, comme la plupart des sociétés Amazighes, est de tradition orale alors-même que, paradoxalement, les Tifinaghs, écriture originelle des peuples Amazighs, constituent l’une des premières écritures de l’humanité.
Aussi, de tous ces documents coloniaux, il convient d’en tirer le meilleur, le plus d’informations possibles sur les kabyles d’il y a un siècle et demi mais sans pour autant perdre de vue la nature "coloniale" des ouvrages dits scientifiques, littéraire ou artistique édités au cours de ces périodes.
N’oublions pas qu’ à ce jour, la France persiste à faire de la Kabylie le "petit morceau" d’un monde arabe fantasmé par des "orientalistes" français en mal de de thé à la mente, de loukoum et de danse du ventre. La Kabylie, africaine et méditerranéenne
zp,
SIWEL 091756 JUN 16