CONTRIBUTION (SIWEL) — Dans une contribution parvenue à notre rédaction, Racid At Ali Uqasi, revient sur les événements de ces derniers jours au sein de la famille souverainiste kabyle et sur « la divergence de stratégie quant à la suite à donner au grand projet souverainiste kabyle ». Il exprime son souhait que « cette crise soit salutaire et qu’elle fera grandir davantage le considérable projet de l’état Kabyle en le menant jusqu’au bout ». Ci-dessous la contribution dans son integralité
J’avoue qu’il m’en a été difficile même après les quelques tentatives d’appeler les uns et les autres, y compris parmi les militants structurés au sein du couple MAK-GPK, mais aussi parmi ses sympathisants en Kabylie, Europe (France et Allemagne) et Amérique (USA et Canada).
Les lectures de certaines opinions émanant de quelques hommes et femmes sages dans les réseaux sociaux qui ont appelés, pour le bien de la Kabylie, à mettre fin à cette querelle, qui n’a pas eu lieu d’être, n’ont pas aidé non plus à éclairer ma lanterne.
L’allocution d’aujourd’hui de Mas Ferhat Mehenni devant les cadres du MAK, m’a fait comprendre enfin que la divergence de stratégie quand à la suite à donner au grand projet souverainiste kabyle en est la principale cause. Je veux citer plus précisément la confusion qui existe entre autodétermination, autonomie et indépendance de la Kabylie.
Sans être structuré dans aucune entité politique, mais en observateur averti de la scène politique kabyle et nord-africaine (Tamazgha) d’une façon générale, j’ai eu à souligner cette problématique au premier ministre du GPK, Mas Lhacene Ziani lors du forum social mondial qui s’est déroulé à Montréal le 13 aout 2016.
A vrai dire je m’attendais à ce qu’un jour, si cette confusion qui déroute beaucoup de Kabyles, ne sera pas évacuée de sitôt, elle risquera de sauter à la face des principaux responsables du couple MAK-GPK et du coup faire éclater le beau projet de la mise en place d’un état kabyle souverain. Que cet état soit au sein de l’Algérie en tant qu’une autonomie large avec gouvernement, un parlement et un système éducatif entre autres, ou en dehors, c’est-à-dire en tant que pays kabyle indépendant. Il est inutile de rappeler que tel projet est porté à bras le cœur par de larges pans de la société kabyle, aussi bien en Kabylie qu’au sein de la diaspora, plus particulièrement en Europe et en Amérique ou résident un plus grand nombre de kabyles.
Quand j’ai lu ou vu, par réseaux sociaux et vidéos interposés, le désaccord entre les deux hommes que sont Mas Ferhat Mehenni et Mas Bouaziz Ait Chebib, que je porte en estime et respecte énormément pour l’ensemble de leurs réalisations et sacrifices, j’ai aussitôt pensé aux polémiques, disputes et les controverses historiques et actuelles entre nos hommes kabyles. Lesquelles ont toujours retardés nos aspirations et ont fait le bonheur de nos ennemis qui nous ont gouvernés et continuent à nous gouverner avec des valeurs qui nous sont pas les nôtres. Je veux citer plus particulièrement les couples Benai Ouali-Abane Ramdane, Krim Belkacem-Abane Ramdane, Ait Ahmed-Muhand Oulhadj, Ait Ahmed–Yaha Abdelhafid, Ait Ahmed-Said Sadi, Noureddine Ait Hamouda-Said Sadi, …
Bref on dirait que c’est l’éternel recommencement de l’histoire, qui sème le doute au sein de la population kabyle qui, j’ai bien peur, finira par croire vraiment à la malédiction criée haut et fort par quelques voix. Sommes-nous finalement bons qu’à être gouvernés par l’autrui puisque inaptes à s’autogouverner pour cause que nous ne savons pas comment dépasser nos divergences avec le dialogue et la communication efficace.
Pour revenir au sujet, Mas Ferhat Mehenni, dans sa dernière allocution rappelle que son discours du 25/09/2016 n’était dirigé contre personne et qu’il n’est nullement à l’origine de la crise que traverse le MAK. Il n’a fait que rappeler l’objectif stratégique du MAK, qu’est l’autodétermination qui n’est rien d’autre que la souveraineté du peuple kabyle, autrement dit, l’indépendance de la Kabylie. Pour appuyer ses dires, il a fait référence au pré-congrès ayant précédé le Congrès d’At Zellal (26/02/2016) et le réaménagement du PEK (Projet pour un État Kabyle) qui en s’ensuivait.
Dans sa réplique Mas Bouaziz Ait Chebib, via un message vidéo, estime que c’est lors des différentes rencontres qui ont eu lieu sur « le terrain » que l’idée d’indépendance a germé, en rappelant ceci : « Nous avons donc essayé d’unir ceux qui croient en l’autonomie et ceux qui croient en l’indépendance autour de ce qu’ils ont en commun : un État Kabyle, … Quant au choix entre l’autonomie et l’indépendance, c’est au peuple kabyle de décider et nous devons respecter sa décision ».
Ma question est la suivante : Fallait-il porter sur la voie publique cette mésentente quand à la définition de l’autodétermination ou point ou des journaux et sites proches des services secrets algériens en font leurs unes. Je cite plus particulièrement les sites Algérie Patriotique et TSA ainsi que le journal El Watan. Ce dernier, une fois il n’est pas coutume, a su distinguer entre Autodétermination et Autonomie dans l’acronyme MAK, tout en citant, et pour la première fois, l’autre acronyme GPK qui dérangeait jusque là.
Cette dernière précision que je juge importante est pour rappeler aux uns et aux autres que le projet de l’État Kabyle est si crucial pour l’avenir de notre Kabylie et notre langue, que nos ennemis l’ont pris très au sérieux. Parce que jusque là ils ne savent plus comment s’y prendre avec, pour le piéger et le détruire comme le mouvement des archs, tel que rappelé et à juste titre par Mas Ferhat Mehenni dans son allocution d’aujourd’hui. Allons-nous leur donner cette chance de mettre fin à ce rêve, qui sera causé par nous même, sans engager aucun effort de leur part?
Beaucoup d’amis de partout, m’ont appelé ou écrit pour me supplier afin d’apporter ma touche et contribuer à calmer les esprits pour ne pas briser un tel rêve auquel s’accrochent des millions de jeunes kabyles, dont la plupart des étudiants. Ce que j’ai fait en partie et la présente lettre va dans le même sens pour interpeller justement les uns et les autres à ne pas oublier les énormes efforts consentis, depuis le printemps noir de 2001, à la fois par Mas Ferhat Mehenni et Mas Bouaziz Ait Chebib dont le travail complémentaire fait en Kabylie et au niveau diplomatique est salué par tout le monde et reconnue par les ennemis.
Faisant en sorte que cette crise soit salutaire et qu’elle fera grandir davantage le considérable projet de l’état Kabyle en le menant jusqu’au bout au grand bonheur des kabyles et de tous les amazighs, et parmi eux beaucoup d’amis intellectuels, qui guettent de plus prêt son aboutissement pour servir de locomotive aux autres peuples amazighs.
Racid At Ali uQasi
Ottawa, 07 octobre 2016.
SIWEL 091512 OCT 16