EDITO (SIWEL) — Des conférences culturelles ont été interdites à Aokas et quand « la société civile » a réagi par une marche, le 22 juillet dernier, elle a été sauvagement matraquée. La nouvelle a indigné la Kabylie, ses réseaux sociaux, ses intellectuels et même ses partis algérianistes. « Vive la culture ! » disent-ils souvent. D’autres disent encore « Vive Aokas ! »
Est-ce que cela veut dire pour autant que le pouvoir algérien, en interdisant ces conférences, l’a fait sous le slogan « A bas la culture » ou encore « A bas Aokas » ?
Non, c’est bien au nom de la « El Wihda El Watanya » (l’unité nationale) que ces conférences ont été interdites. Ce qui ne veut pas dire pour autant que le pouvoir algérien ne souhaite pas tout le malheur du monde à Aokas et à toutes les provinces kabyles. Cela ne veut pas dire non plus que le pouvoir algérien ne cherche par à pervertir tout esprit culturel critique en un esprit salafiste fanatique en Kabylie.
Mais en ce 22 juillet 2017, à Aokas, en matraquant la culture, c’est le MAK que le pouvoir colonial a visé.
A vrai dire, on ne révèle rien ici. Quand le Wali de Vgayet a été contacté par un député algérien pour savoir pourquoi cette interdiction et ce matraquage, le wali a été clair : « c’est au nom de la wihda lwatanya … c’est à cause du MAK ».
Azday Adelsan n Weqqas, l’association qui tient le Café Littéraire de cette petite ville côtière, a eu le malheur d’inviter des conférenciers proches des idées du MAK ou en tout cas qui défendent l’identité kabyle, complètement niée par l’Algérie : Larbi Yahioun, Younes Adli, Akli Mouhoubi, Zoubir Zerarga et d’autres.
Depuis que Larbi Yahioun, enseignant, auteur et indépendantiste kabyle, a été invité au Café Littéraire d’Aokas, ce dernier a été ajouté dans la liste rouge des organisations qui tolèrent le MAK. Le Café Littéraire de Bouzeguene, dont au moins l’un des animateurs est un militant indépendantiste, subit les mêmes interdictions.
Des associations également se sont vu refuser l’agrément, ou son renouvellement, parce que, dans leur bureau, des éléments du MAK ont été identifiés. Des chanteurs sont interdits de scène ou de la radio algérienne parce qu’ils sont pour le MAK. Des citoyens sont interdits de quitter l’Algérie, ou d’y entrer, parce qu’ils sont pour le MAK (Siwel prépare un dossier sur ce sujet). Des cafés sont sommés de ne plus laisser s’attabler des groupes du MAK. Des employés sont mutés à des centaines de kilomètres de chez eux, quand ils ne sont pas renvoyés, parce qu’ils sont du MAK.
Le pouvoir algérien a commencé par punir Ferhat Mehenni en lui assassinant son fils et le poussant à l’exil. Il a ensuite visé les cadres du MAK, qu’il a intimidé durant des années. Puis il s’en est pris aux militants actifs qu’il convoquait aux commissariats. Devant la détermination des militants, il intimide leurs parents ou leurs frères qui ne sont pourtant pas toujours du MAK. Enfin, ces derniers mois, les autorités algériennes sortent la matraque contre tous ceux qui prennent part aux événements organisés par le MAK, y compris les curieux ou ceux qui se trouvaient là par hasard.
Aujourd’hui, c’est « la société civile » qui est épiée et scrutée à la recherche de traces du MAK. Parler d’identité kabyle, de peuple kabyle ou de langue kabyle est, pour le pouvoir inquisiteur, une preuve qu’on partage les idées du MAK et le matraquage est aussitôt justifié.
Racisme d’un Etat colonial pour qui la prochaine devise est « être kabyle c’est être, de fait, du MAK » ?
Vive Aokas, vive la culture, vive le MAK et à bas le colonialisme algérien en Kabylie !
Mulud At Ɛazdin
SIWEL 241603 Jul 17 UTC