AZAWAD (SIWEL) — C’est dans un contexte d’une rare confusion politique et sécuritaire que la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) s’apprête à parapher le « papier d’Alger » qui fait office d’accord de paix.

Pour la seconde fois, le président de la CMA, Bilal Ag Acherif, a officiellement donné son accord pour le paraphe du document d’Alger dans une lettre, cette fois-ci adressée au représentant du SG de l’ONU au Mali, M. Mongi Hamdi, en date du 26 avril.

Cette lettre fait suite à celle qu’il adressa au médiateur algérien, Ramtane Lamamra, pour l’informer de « sa disposition » à parapher l’accord d’Alger, et ce, en date du 4 avril 2015, au moment où le peuple de l’Azawad manifestait son rejet catégorique dudit Accord et à la veille des célébrations, un peu partout, de sa déclaration d’indépendance.

 

La confusion politique est à son comble dans l’Azawad. D’un côté, il y a le peuple, les combattants et les militants de l’Azawad qui manifestent un farouche désaccord quant à la signature de l’accord d’Alger, refusant, disent-ils, de « signer leur arrêt de mort » ; et d’un autre côté, il y a Bilal Ag Acherif qui joue au caméléon, soufflant le chaud et le froid en feignant, face au peuple, aux combattants et aux militants de refuser de signer l’accord d’Alger, tout en envoyant parallèlement des courriers officiels aux médiateurs algériens et onusiens signifiant, par écrit, son accord pour le paraphe de l’Accord d’Alger.

Qu’il y ait des tractations, des pressions et du chantage, cela nul ne peut le nier. Le jeu de l’Algérie et de la médiation qu’elle préside, de même que la « mission de paix » de la Minusma, comme Serval en son temps, ou Barkhane qui l’a remplacé, est parfaitement clair. De toutes ces entités, nul n’ignore désormais que leurs missions n’ont strictement rien à voir avec la résolution d’un conflit lié au découpage territorial établi par la France coloniale, et encore moins avec la paix entre les peuples. L’objectif de toute cette agitation dans le Sahel, berceau civilisationels des Tamashek, ne sert qu’à établir et à maintenir une situation qui arrangera les intérêts géostratégiques des uns et des autres, en particulier de la France et de l’Algérie ; l’ONU ne servant, comme d’habitude, que de caisse de résonance et de « légitimité internationale » pour briser les aspirations légitimes des azawadiens, les asservir pour mieux les déposséder de tout, y compris du minimum de dignité humaine.

Mais d’un autre côté, il faut dire aussi que certains responsables Touaregs arrangent bien les petites affaires internationales. De ce point de vue, Bilal Ag Acherif, qui a toujours joué double jeu, est le candidat idéal pour la déstabilisation et le dévoiement de la révolution azawadienne et de ce point de vue il n’a jamais disposé de la confiance des vrais soutiens du MNLA. Mais, bon gré mal gré, les soutiens et les amis de l’Azawad et du MNLA ont avalé bien des couleuvres pour ne pas pénaliser la formidable révolution du MNLA, la libération de l’Azawad et l’affranchissement de son peuple des 50 années d’horreurs qu’il subit dans une indifférence générale.

ET à bien y réfléchir, c’est bien Bilal Ag Acherif qui n’a trouvé « aucun inconvénient » à passer un accord de fusion avec l’organisation islamiste Ansar Dine. Et s’il n’y avait pas eu une levée de bouclier générale, des amis, des soutiens et surtout des populations azawadiennes, en particulier des femmes, des militants et des cadres politiques et militaires du MNLA, ce dernier serait aujourd’hui lui aussi classé dans la liste noire des organisations terroristes, au même titre que l’organisation Ansar Dine avec qui Bilal Ag Acherif voulait fusionner le MNLA et…c’en aurait été fini de la révolution azawadienne.

Mais si cette première fusion a été déjoué, les tentatives de faire fusionner le MNLA avec les islamistes reviendront constamment à la charge, et encore maintenant. Ce dessin de fusionner le MNLA avec des entités susceptible de faire l’objet d’une lutte internationale contre le terrorisme, (non pas pour combattre le terrorisme international mais pour briser définitivement la lutte révolutionnaire menée par le MNLA), est une idée de génie, comme seule l’Algérie sait en faire preuve. C’est d’ailleurs ce qui explique le mandat donné à l’Algérie pour être la tête de file de la médiation entre l’Azawad et Mali, avec à la clef, la garantie d’un résultat final qui aboutira sans aucun doute possible à un « retour à la case départ », exactement comme tous les autres accords sous médiation algérienne.

Entre-temps, pendant que la confusion politique est menée à son comble, notamment par le double jeu de Bilal Ag Acherif et de sa CMA, la situation sécuritaire des civils azawadiens est pour le moins hasardeuse. Ces derniers continuent de faire l’objet de rafles et d’exécutions de la part des militaires maliens et de leurs milices ethniques.

Quant à la situation militaire, elle devient de plus en plus chaotique, notamment depuis le 27 avril dernier avec l’attaque du Mali contre les positions du MNLA à Ménaka et la situation est loin de s’arranger. En effet, la situation militaire s’aggrave de jour en jour, notamment avec les récents évènements de Ténenko et, hier encore, avec les accrochages entre maliens et azawadiens sur l’axe Tinbuktu –Goundam.

Pas moins de 4 cessez-le-feu ont été signés. Tous ont été violés par le Mali et ses milices mais sans que les « missionnaires de la paix » ne soulèvent le moindre début de soupçon de réprobation envers le Mali et ses milices. Dans le même temps, ces mêmes missionnaires de la paix œuvrent à faire signer les accords d’Alger par les chefs de la CMA, ce qui donnera de facto une légitimité internationale à une répression à plus grande échelle envers les récalcitrants, sachant que les récalcitrants en question ne sont autre que les populations civiles de l’Azawad qui, du reste, ont clairement manifesté leur rejet de cet accord, sachant d’avance où cela allait les mener.

Visiblement, il y a une incohérence certaine dans la position officielle de Bilal Ag Acherif, qui par deux fois s’est dit « prêt » à parapher l’accord d’Alger au nom de la CMA , ou éventuellement au nom d’une nouvelle entité politique qui serait issue de la fusion du MNLA avec les autres groupes de la CMA ; une fusion évidemment commandité par Alger et qui briserait le MNLA parce que, justement, lui seul dispose d’une légitimité populaire, politique et militaire incontestable et que le fusionner, avec le HCUA alias Ansar Dine par exemple, réduirait de suite sa légitimé à néant.

Mais la signature de l’accord d’Alger, tout comme cette volonté de dissoudre le MNLA (qui en est tout de même à sa troisième tentative), rencontre de sérieux obstacles, notamment de la part des plus fiables dirigeants politiques et militaires du MNLA, entre-autres Mahamadou Djeri-Maiga, Nina Walet Intallou et surtout Mahamed Ag Najim qui constitue en réalité le véritable pilier du MNLA car la force du MNLA réside avant tout dans sa capacité militaire. Et de ce point de vue, ce n’est pas Bilal Ag Acherif qui en détient le pouvoir mais Mahamad Ag Najim.

D’autre part, du point de vue strictement politique, Mahamadou Djeri-Maiga et Nina Walet Intallou, pour ne citer que ceux-là, constituent des figures politiques du MNLA, autrement plus fiables que Bilal Ag Acherif, qui s’est avéré être un véritable "yoyo", inconstant dans ses positions et carrément irresponsable dans ses décisions politiques ; des décisions par ailleurs clairement rejetées par le peuple de l’Azawad au nom duquel il s’exprime sans pour autant respecter sa volonté, et à vrai dire en allant carrément à l’encontre de sa volonté. Alors il demeure une seule et unique question, de quelle légitimité peut bien se prévaloir Bilal Ag Acherif s’il ne respecte pas la volonté de la seule entité susceptible de la lui donner; c’est à dire le peuple de l’Azawad ?

maa,
SIWEL 121808 MAI 15

Laisser un commentaire