DIASPORA (SIWEL) — On entend ça et là des kabyles et des arabo-musulmans se plaindre que n’importe qui s’arroge le droit de parler au nom des kabyles et de la Kabylie. On oublie de préciser que les kabyles ne peuvent mandater personne pour les représenter et parler en leur nom, et pour cause ! La loi et la constitution algérienne le leur interdit. Les militants qui parlent au nom du peuple kabyle n’usurpent pas une fonction déjà officiellement prise par des élus régionaux. Ils comblent un vide. Il faut se féliciter que ce vide ne soit pas comblé par des islamistes. Les islamistes kabyles ne peuvent pas parler au nom du peuple kabyle car cette notion de peuple, de culture et de nation propre est incompatible avec le totalitarisme islamiste. On a donc la chance de ne voir que des démocrates s’exprimer sur le sort du peuple et du pays Kabylie.
Ceux qui reprochent aux militants kabyles de parler au nom du peuple kabyle sont tout simplement des gens qui nient l’existence du peuple kabyle, qui lui refusent le droit de s’exprimer en tant que peuple et qui ont peur que ce peuple dispose d’un réel cadre politique le différenciant du reste des algériens. Cette différence, pourtant bien réelle, doit demeurer clandestine ou de préférence classée dans la catégorie des mythes « non vérifiés ». Ce reproche n’est donc qu’un prétexte populiste et insidieux pour museler toutes les personnes qui prononceraient le nom "kabyles" au pluriel….
Le MAK milite pour que les kabyles disposent au moins d’un cadre politique en Kabylie afin que ce peuple puisse s’exprimer, se choisir des représentants officiels, se projeter dans l’avenir, se choisir un projet de société conforme à sa culture, à son identité etc…C’est dans ce cadre et uniquement dans ce cadre que le peuple kabyle peut se choisir des personnes habilités à parler et agir en son nom. Il est donc illogique d’être anti-autodétermination et en même temps interdire à quiconque de parler au nom des kabyles. Cette position est foncièrement anti-kabyle. C’est comme couper les ailes à un oiseau déjà en cage.
Ceux qui reprochent aux autres de parler au nom des kabyles nient l’existence du peuple kabyle et tentent d’atteindre les individus kabyles phagocytés par le concept de l’Etat Nation Algérie, foncièrement anti-kabyle pour les monter contre leurs frères. Ils les interpellent et leur disent : "regardez, il y a quelqu’un qui parle en votre nom, faites le taire immédiatement". C’est un procédé manipulateur qui s’adresse aux individus qui se croient assez importants, au point de croire que des gens s’expriment à leur place, en tant que flen ou flen. En fait, quand on parle de peuple, il s’agit d’une culture, d’une langue, d’un territoire et de la composante humaine en tant qu’entité jouissant de ces attributs.
Il y a des gens qui ne veulent pas que le peuple kabyle dispose d’un minimum d’autonomie politique et qui interdisent en même temps à quiconque de parler au nom de ce peuple. Il est clair que ces gens là ont la même opinion que le gouvernement algérien et la même opinion que les arabo-musulmans algériens en général, c’est à dire cette opinion qui veut que les kabyles ne doivent en aucun cas constituer un peuple, ni une entité socio-politique et culturelle différente mais égale aux autres algériens « dûment arabisés ». Et en effet, si aucun média ne parle du peuple kabyle et aucune personne ne parle au nom de ce peuple, c’est parce que peuple n’existe pas. C’est un grossier procédé d’escamotage de tout un peuple en attendant son assimilation parfaite à l’idéologie et à l’identité arabo-musulmane.
Moi je pense, au contraire, que les kabyles n’arrivent pas à trouver des personnes courageuses capables de défendre leur droit à se constituer en nation, à protéger leur culture et leur langue, à réaliser un peu de justice sociale dans leur « Tamurt » et à administrer efficacement le territoire. Ils ont essayé avec le FFS et le RCD, mais ces deux partis sont trop dépendants politiquement et économiquement de l’administration algérienne, notamment des walis, des chefs de Daira et des ministères de tutelle. Les deux partis, muselés et ligotés par la loi sur les associations à caractère politique et par la constitution n’ont jamais pu parler au nom de la Kabylie et n’ont jamais pu défendre les intérêts du peuple kabyle (que la loi leur interdit de reconnaître d’ailleurs).
Il ne faut pas reprocher au gens de parler au nom du peuple kabyle, mais militer pour que ce peuple dispose de représentants élus, donc mandatés à parler et agir en son nom. Pour le moment, le peuple kabyle n’interdit à aucun kabyle de parler en son nom. Depuis des décennies, on lui fait croire d’ailleurs qu’il ne mérite même pas le nom de peuple et que son existence même est superflue, inutile car elle n’apporte rien à la culture, à la langue et à la religion dominantes. L’agenda algérien en la matière est donc de dissoudre le peuple kabyle et en assimiler progressivement les individus en leur inculquant une puissante haine de soi et une honte d’être kabyles.
Matoub chantait la Kabylie et les kabyles. Ait Menguellat chante la Kabylie et les kabyles. Idir chante Tizi Ouzou et la Kabylie. Des livres entiers ont été écrits sur la Kabylie et sur les kabyles. Salem Chaker a écrit le livre "IMAZIGHEN ASSA". A-t-il été madaté par tous les imazighen pour parler en leur nom ? Da Lmulud ath Maemar a refaçonné la graphie et la grammaire amazighe. Les imazighen l’ont-il mandaté pour cela ? a-t-il été désigné par les comités de villages kabyles ? La population de Kabylie s’est-elle montrée hostile au travail de Da Lmulud ? Réfléchissez un peu et et vous trouverez que l’interdiction de parler au nom du peuple kabyle n’est brandie et affirmée que lorsque il s’agit de la souverainté politique. C’est là en effet que réside le nœud du problème. Les kabyles ont beau se démener, se montrer créatifs sur le plan culturel, améliorer leur langue, raviver la mémoire kabyle, exprimer une opinion politique collective différente, défendre la démocratie et les droits de l’homme, chanter la modernité, appeler à une gestion rationnelle et juste des affaires économiques en Kabylie et même sacrifier la vie de nombreux jeunes dans des manifestations, tout cela restera vain tant que ça ne se fait pas dans un cadre politique, culturel et économique propre à la Kabylie. Tout cela sera anéanti d’un seul revers de main par l’Algérie officielle et coloniale ou récupéré pour le dénaturer, empêchant ainsi une éventuelle contamination (très peu probable pourtant) des populations des autres régions. Si vous êtes observateurs, c’est dans cette optique que le régime algérien a fait pression sur la France pour que la rue Matoub Lounés porte l’inscription : "chanteur algérien d’expression berbère assassiné en Kabylie."
Demain, la foule m’agressera-t-elle dans les rues de mon village pour avoir parlé au nom du peuple kabyle sans en être mandaté ? C’est ce que font pourtant les présidents du MAK Bouaziz Ai Chebib et du GPK Ferhat Mehenni qui vont de village en village, de ville en ville, de pays en pays, d’une continent a un autre dire en termes plus élaborés et plus diplomatiques la phrase que je viens d’écrire plus haut. Chiche, qu’on mette donc Bouaziz Ait-Chebib en prison, avec chef d’accusation de "parler au nom du peuple kabyle sans être mandaté par celui-ci". Le problème est que les services algériens ne peuvent pas faire cela sans que le régime ne reconnaisse l’existence du peuple kabyle.
Bouaziz Ait-Chebib, à l’instar de tous les militants du MAK, est prêt à relever toute forme de défis pour que le peuple kabyle soit reconnu dans ses droits ancestraux. Quel que soit le sort qu’on réserve à un militant kabyliste, c’est la cause kabyle qui triomphera à la fin de tous ennemis.
Article publié dans l’ancien site AfriqueduNord.com
SIWEL 101753 NOV 15