DIASPORA (SIWEL) – Pour Nafa Kireche, ministre chargé des Institutions et les Organisations en France au sein du Gouvernement Provisoire Kabyle (Anavad) : « Cela peut paraître cynique mais c’est une réalité : la dislocation de l’Algérie est une chance pour la Kabylie. J’ai toujours affirmé que l’Algérie est mortelle pour la Kabylie. C’est une chance à saisir. L’Histoire a décidé de redonner une chance à la Kabylie. A nous de la saisir ! »
M. Nafa Kireche : La première idée qui me vient est qu’il est en manque d’inspiration. Il cherche à plaire à ceux qui l’ont fraichement promu. Après avoir arrêté le Dr Fekhar au Mzab sur ordre de ses supérieurs, ces derniers veulent le griller en le mettant sur le volcan kabyle. S’il s’y aventure il se cassera les dents à coup sûr. L’insoumission de la Kabylie ne date même pas de 1963 quand elle avait pris les armes contre Alger. Elle remonte à son refus d’être annexée par la France à l’Algérie coloniale en 1857. Ses révoltes de 1871 puis 1945 et enfin 1954 avaient fini par avoir raison de l’ordre colonial français de l’époque. L’Algérie arabo-islamiste qui a pris son relais subira un jour ou l’autre le même sort. Alors, sur les incantations de ce pseudo ministre de l’intérieur algérien disons-lui qu’il n’intimide personne. Les instances internationales sont saisies de ses propos et tôt ou tard il répondra de toute action répressive qu’il entreprendrait contre des démocrates kabyles. Être partisan du droit des peuples à leur autodétermination n’est pas un crime mais une vertu. C’est tout ce dont il peut accuser les indépendantistes kabyles. Au moment où le monde se mobilise contre la violence, lui il va la susciter et la développer.
Quel bilan tirez-vous de l’année écoulée pour votre mouvance en Kabylie ?
M. Nafa Kireche : C’est une année riche, qui a vu le mouvement indépendantiste kabyle commencer à récolter les fruits du travail effectué depuis plusieurs années. Une avancée décisive, matérialisée par une marche historique le 20 avril 2015 en faveur de l’autodétermination de la Kabylie et avec pour point d’orgue l’avènement du drapeau kabyle, qui a provoqué l’enthousiasme des kabyles, enfin consacrés et visibles en tant que peuple.
Nous sommes déterminés à poursuivre notre combat jusqu’à son terme, que nous sentons proche.
Proche ? Quels sont les éléments sur lesquels vous vous basez pour dire cela ?
M. Nafa Kireche : La déliquescence de l’Etat algérien est une réalité. Pour beaucoup d’experts et d’analystes sérieux, auxquels se sont joints des membres du personnel diplomatique affecté en Algérie, il y a unanimité sur l’effondrement de l’Etat-nation algérien.
Plusieurs raisons expliquent cette situation :
– une crise politique entamée dès 1962, voire avant.
– manque de reconnaissance mutuelle des peuples qui composent l’Algérie. L’exemple des peuples kabyle, touarègue, chawi et mozabite illustrent concrètement ce manque.
– la non reconnaissance d’une dimension fondamentale de l’identité des peuples d’Algérie : l’amazighité.
– les clivages au sommet du pouvoir en Algérie ne sont pas politiques mais mafieux et ce, depuis toujours.
– l’école algérienne mise au service non pas du savoir scolaire mais de l’idéologie fasciste et colonialiste de l’arabo-islamisme.
– l’absence d’une élite ouvrant sur l’avenir des perspectives rassurantes et crédibles.
– la fin de la supposée légitimité historique du régime qu’il a usurpé à la fin de la guerre d’indépendance. Un groupe mafieux, venu d’Oujda, a fait main basse sur le nouvel Etat algérien, remplaçant ainsi l’Etat colonial français par un Etat tout aussi colonial algérien, « un Etat colonial des arriérés » pour paraphraser Ferhat.
Tout cela ne tiendra plus pour un certain nombre de raisons dont la chute brutale du cours du pétrole qui va bientôt priver ce régime de la manne financière qui lui permettait jusqu’ici d’acheter la paix sociale et de corrompre des élites. Sa clientèle traditionnelle, composée d’opportunistes et de mercenaires, ne pourra plus constituer un relais efficace auprès des populations. Et je ne parle pas des "kabyles de service" qui n’auront plus personne au service de qui se mettre. Ils se retrouvent avec leur seule kabylité qu’ils devront désormais assumer pour tourner le dos à leur passé. Il savent maintenant que le meilleur avenir qu’ils puissent avoir au sein du régime algérien est celui auquel est promis le général Hassan, hier héros de la lutte antiterroriste livrée aux islamistes et aujourd’hui emprisonné. C’est la récompense qui les attend auprès des criminels au pouvoir qu’ils ont servi.
L’après Bouteflika va constituer un tournant dans l’histoire de la Kabylie et de l’Algérie. Il ne faudra pas rater le train de l’Histoire. Ferhat, Bouaziz et toute la mouvance indépendantiste travaillent d’arrache-pied pour permettre à la Kabylie de renaître sur les cendres de l’Algérie qui, à l’image de son président, est maintenue artificiellement en vie.
Pourtant, l’exemple libyen montre que l’effondrement d’un état, même autoritaire, entraîne l’anarchie et la guerre civile. En quoi un tel scénario en Algérie pourrait épargner la Kabylie ?
M. Nafa Kireche : Je ne suis pas un prophète et je ne suis pas là pour vous faire des affirmations en lisant dans une boule de cristal. Mais le rôle d’un homme politique est d’analyser, de décrypter des situations et d’anticiper les conséquences. Les éléments que je viens d’exposer sont déjà des signaux qui nous orientent vers cette issue, sans doute à court terme, compte-tenu des enjeux présidentiels qui vont arriver.
Pour les patriotes kabyles, l’enjeu est d’amoindrir au maximum les effets de cet effondrement en Kabylie. La situation qui prévaudra dans le reste de l’Algérie sera gérée en solidarité avec nos amis Chawis, Mozabites et autres éléments acquis au respect du droit des peuples à leur indépendance.
Il y a quelques jours, j’ai participé à une réunion avec tous les cadres du MAK, à leur tête Bouaziz Ait-Chebib, pour évoquer cette situation d’urgence. Je viens également de sortir d’une réunion avec Ferhat pour mettre au point des mesures d’urgence qui nous permettront de parer à toutes les éventualités.
Nous avons décidé de constituer un "service d’ordre" sous la direction du président de l’anavad et du MAK, tout en s’appuyant sur les comités de village. Il sera chargé d’empêcher que l’anarchie s’installe dans nos montagnes. Nous communiquerons de manière plus approfondie sur cette question prochainement.
N’êtes-vous pas trop alarmiste ?
M. Nafa Kireche : Au contraire, je pense même que nous sous-estimons la situation. Le choc de l’effondrement de l’Algérie sera terrible si nous ne nous y préparons pas. La situation économique est désastreuse. Le dinar ne cesse de se déprécier, la chute continue du prix du pétrole, qui va se poursuivre pour des raisons géopolitiques et géostratégiques, avec notamment le retour de l’Iran sur le marché international des hydrocarbures, vont entraîner un changement brutal dans les habitudes de gouvernants aussi incompétents qu’égoïstes. Nous conseillons d’ailleurs fortement aux Kabyles de retirer leurs économies des banques algériennes et de les placer à l’étranger ou de les convertir en devises.
Concrètement, que vont faire le MAK et le GPK ?
M. Nafa Kireche : Le Président Ferhat Mehenni continue son travail diplomatique. Il se rendra aux Etats-Unis courant du mois d’octobre afin de lever le drapeau kabyle devant le siège de l’ONU. Il y sera également reçu par des officiels. Le rôle de la France dans le maintien du régime algérien est contreproductif à terme et certains officiels français commencent à s’en rendre compte. Je négocie actuellement afin d’être reçu au quai d’Orsay afin de convaincre la France de son intérêt à soutenir la création d’un Etat kabyle ou, tout du moins, ne pas y faire obstacle.
La France a su faire preuve de fermeté envers le chef du gouvernement algérien en exigeant le départ immédiat d’un ministre qui tentait de court-circuiter la société française "Aigle Azur", dirigée par un actionnaire majoritaire kabyle. C’est un pas dans la bonne direction.
Par ailleurs, le congrès du MAK, prévu au début de l’année prochaine, sera particulièrement important compte tenu du contexte. Mais je ne souhaite pas trop m’avancer sur son contenu.
Le mot de la fin ?
M. Nafa Kireche : Cela peut paraître cynique mais c’est une réalité : la dislocation de l’Algérie est une chance pour la Kabylie. J’ai toujours affirmé que l’Algérie est mortelle pour la Kabylie. C’est une chance à saisir. L’Histoire a décidé de redonner une chance à la Kabylie. A nous de la saisir !
Propos recueillis par Siwel
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