CANADA (SIWEL) – Poursuivant son processus de construction institutionnelle et d’approfondissement démocratique, le gouvernement provisoire kabyle, par la voix de son ministre de la médiation, monsieur Lhacène Ziani vient de donner le coup d’envoi à un large débat public relatif au projet d’un parlement kabyle. À travers une action résolument démocratique rarement organisée dans les pays du sud, le GPK entend impliquer l’ensemble des citoyens et des acteurs sociaux et politiques kabyles qui sont appelés à y contribuer par leurs opinions et leurs suggestions comme nous l’explique le ministre dans ce court entretien.

 

• Monsieur le ministre, vous venez d’inviter les Kabyles à prendre part à un débat politique inédit : une large consultation populaire portant sur le projet d’un parlement kabyle. D’abord, voudriez-vous confirmeà nos lecteurs ce projet ?

C’est bien de cela qu’il s’agit : un parlement kabyle ! Nous l’avons fait savoir à plusieurs occasions. Tout récemment, j’ai lancé l’appel dans mon message de soutien à la conférence nationale kabyle. Aussi, au début de cette année, je l’avais annoncé au cours d’un débat sur un plateau de BRTV. Je le réitère aujourd’hui sur les colonnes de votre journal. Au Québec, les groupes de réflexion sur la question commencent à se mettre en place.Ils auront la charge de définir la mission de cette assemblée et le mode de désignation des députés. Bien entendu, après dépôt des réflexions, les délégués de ces groupes tiendront un congrès au cours duquel ils procéderont aux travaux de synthèses et éliront une commission exécutive qui mènera les consultations et les opérations de désignation des parlementaires.

• Quelle est la nécessité d’une telle structure dès lors que la Kabylie vit un statu quo tant d’un point de vue social que politique ?

Le statu quo social et politique est le fruit d’un règne colonial qui est là pour inféoder, piller, affamer, corrompre, abrutir et réduire le peuple. Il crée un marasme qui sclérose la société et la plonge dans la léthargie. Il faut donc briser ce cercle vicieux à tout prix. Cependant, nous privilégions la méthode civilisée et moderniste qui est la voie de la consultation. Donc, pour revenir à votre question, la nécessité de cette structure n’est plus à démontrer. Autant dire qu’elle revêt un caractère très urgentsi l’on veut éviter à la Kabylie le piège de la violence que ses détracteurs programment minutieusement.

• Certains peuvent vous dire que la Kabylie est d’ores et déjà représentée par des députés kabyles siégeant à l’assemblée populaire algérienne.Comment situeriez-vous ces représentants par rapport à ce projet d’un parlement exclusivement kabyle ?

Cettepseudo représentation est une véritable insulte à l’intelligence des Kabyles. Pas besoin de m’appesantir sur la légitimité de cette assemblée ou les considérations partisanes !Et quand bien même, elle serait la plus démocratique au monde, elle ne changerait rien pour les Kabyles qui ne constituent que 10 % à peine de l’effectif de l’assemblée. Avec une si faible représentation, nos fameux députés n’ont même pas le droit de déposer un projet de loi. Alors, faire passer un projet de loi, c’est autrement plus complexe pour ne pas dire simplement impossible.

• En dépit de leur démocratie séculaire, les Kabyles évoluent au sein d’un État où la consultation du citoyen est une chimère. Des débats populaires d’une telle ampleur se déroulent généralement en occident, là où les pratiques démocratiquesont un certain ancrage. Pensez-vous que les Kabyles sont disposés à s’adonner à un tel exercice ?

Vous venez de rappeler que la démocratie kabyle est séculaire. Pour preuve, aucune tentative coloniale, et ce, depuis plusieurs siècles, ne l’a détournée de ses valeurs. Ceci dit, le souhait le plus cher à la Kabylie est l’union de ses enfants dans le respect de la juste représentativité. Un large consensus est tant rêvé. C’est ce que nous entreprenons aujourd’hui. Ceci dit, les Kabyles sont capables de discernement : en lançant un débat d’une telle ampleur,tous les Kabyles qui le désirent s’exprimeront et le parlement qui en résultera ne souffrira d’aucune légitimité. Et c’est cela la véritable démocratie.

• Comptez-vous solliciter l’ensemble des acteurs politiques kabyles pour prendre part à ce débat ?

Pour paraphraser le regretté Matoub, « Anda yella w qvayli ad tnaqsed ad tnesahder. » Effectivement, nous approcherons toutes les forces vives et les personnalités kabyles désireuses de faire partie de la solution. Les contacts sont amorcés. À Paris, en décembre, j’avais rencontré personnellement plusieurs personnalités kabyles actives qui ont bien accueilli l’idée. Le processus est maintenant enclenché. Croyez-moi que nous ne ménagerons aucun effort pour le faire aboutir.Des déplacements physiques ainsi que des conférences et des apparitions publiques sont à l’ordre du jour.

• Concrètement, comment comptez-vous rendre publics les rapports qui découleront de cette consultation ?

La façon la plus simple et directe consiste à mettre au point un site web pour consigner les rapports de réflexion. Je veillerai personnellement à ce que toute proposition signée soit publiée dans son intégralité.

• Des expériences similaires ont été initiées par d’autres peuples colonisés tels que le peuple tibétain. Pensez-vous que les Kabyles peuvent s’en inspirer afin de consolider cette légitimité que confère l’assemblée représentative ?

Évidemment, c’est un exemple à suivre. Par ailleurs, plusieurs autres exemples continuent d’inspirer les Kabyles, le dernier en date est celui de la Catalogne. Mais la meilleure inspiration viendra de la participation au débat de l’élite kabyle elle-même.Je pense aux intellectuels, universitaires, artistes, entrepreneurs… sans oublier la diaspora.


• Quel est votre mot de la fin ?

Le premier défi à relever est celui de la participation. J’invite,par conséquent, tous les Kabyles du pays et de la diaspora à prendre part à cette réflexion et d’organiser des rencontres-débats pour échanger profondément. Je suis convaincu que nous démontrerons au monde entier que la Kabylie n’est pas une abstraction, mais bel et bien une réalité, une réalité qui va s’affirmer sans tarder.

Entretien réalisé par M A ALLIOUI

SIWEL 241833 FEV 15

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