DIASPORA (SIWEL) — En hommage à son compagnon de combat pour la cause amazighe, Mohamed HAROUN décédé le 22 mai 1996, il y a 19 ans, Smail Medjber nous a fait parvenir deux textes que nous publions ci-après en hommage à la mémoire du grand militant Masin U Harun.

 

Mohamed Haroun
Par Smaïl Medjeber

Mohamed Haroun
Par Smaïl Medjeber

Quand tu rédigeais les bulletins de l’O.F.B*. tu y croyais…

Quand tu venais chez moi faire le tirage avec la ronéo (qu’on avait achetée ensemble), tu y croyais…

Quand on se réunissait dans une chambre d’étudiant, tu y croyais…

Quand on te flagellait, nu, attaché à une chaise, jusqu’à l’ouverture de ta chair saupoudrée de sel puis soumise aux électrochocs, tu y croyais…

Quand on t’avait condamné à perpétuité dans une parodie de procès, tu y croyais…

Quand on t’enfermait dans des cachots sordides, tu y croyais…

Quand tu purgeais courageusement, dignement tes onze années et demie de calvaire, tu y croyais…

Qu’un jour, une Promotion d’élèves** de cette “Belle langue” comme tu l’appelais, porterait ton nom ?

Oui, tu y croyais, Mohamed Haroun.

Oui, tu y croyais : dur comme la vérité ; dur comme le droit ; dur comme l’amour de ta langue ; dur comme ta foi inébranlable en la légitimité de ton combat ; dur comme le marbre sous lequel tu reposes, pour l’éternité, à Tifrit, ton village natal, qu’un jour, comme tu l’as dit : Les Amazighs seront fiers de leur langue.

Et que nous, nous serions fiers d’eux et d’elles, fiers de ces jeunes gens et jeunes filles qui portent, à présent, tamazight, dans leurs cœurs, dans leurs têtes, dans leurs cartables…”

Smaïl Medjeber

*Organisation des Forces Berbères.

** Promotion Mohamed Haroun sortie des classes d’enseignement de la langue amazighe dirigées par l’Association Tala n
Tussna de Tizi-ouzou, le 3/7/1997.

(Extrait d’Abc Amazigh, une expérience éditoriale en Algérie, volume 2, de Smaïl Medjeber, paru aux éditions L’Harmattan)

Mohamed Haroun

“Nous continuerons à œuvrer en fidélité à sa mémoire et à son combat”
Pour les Associations Amazighes du Maroc, A. Adghirni
Adieu Mohamed Haroun,
Adieu, celui qui n’a jamais fait de mal,
Adieu notre défunt compagnon de combat.


Par Hocine Cheradi

Huit ans à peine après sa libération Mohamed Haroun est reparti.
Non pas pour une peine de prison de laquelle il reviendra une nouvelle fois vers la vie après l’avoir purgée, mais, hélas, cette fois-ci pour toujours.

Mohamed Haroun ne donnera plus de discours enflammés ; il ne guidera plus les jeunes avides de ta mazight, de démocratie et de justice. Son association culturelle n’aura plus Mohamed Haroun comme président, pas plus que l’association des enfants de martyrs dont il assurait la présidence.

Le souvenir le plus marquant qu’il me reste de Mohamed Haroun est qu’il est de cette race de seigneurs qui ne plie jamais. Je l’ai connu en 1974, lorsqu’on militait au sein de l’O.F.B dont il était membre fondateur. Nous avons passé ensemble, à la prison de Tazoult (Lambèse), onze années et demi, et, Haroun n’a jamais baissé la tête qu’elle que soit l’adversité. Cela lui a coûté très cher : isolement dans les sous-sols de la prison ; persécution ; et toutes sortes de tracasseries pénitentiaires.

Il a toujours marché debout, la tête haute, fier d’être le fils d’un glorieux martyr de la révolution et d’être l’un des militants les plus acharnés de la cause amazighe. Mohamed Haroun a toujours donné ce qu’il avait : le savoir, les idées, l’expérience de la lutte politique, les idéaux de justice… sans jamais rien demander en retour. Il a refusé même jusqu’à ce qu’on lui a donné.

Haroun, pourtant, n’a pas été gâté ni par la société avant et après l’indépendance, ni par la vie. Que ce soit à la maison des enfants de martyrs en 1963 (alors âgé tout juste de 13 ans), au lycée technique de Dellys plus tard ; durant sa détention surtout ; après sa libération, durant huit ans, il est resté sans travail donc sans ressources, jusqu’à sa mort.

Mais il a beaucoup laissé : il laisse d’abord son nom, Mohamed Haroun, un symbole d’honnêteté, de courage et d’abnégation.
Haroun a laissé des travaux en ta mazight : un recueil de poèmes commencé en 1976 ; un essai de grammaire ; et des tableaux de peinture de haute facture dont la valeur a été reconnue par de grands artistes peintres. Il a laissé Dassine et Lydia, ses deux filles, des petites Dihia et Fadhma n’Soumer.

Pourvu d’un corps robuste et d’une santé de fer, la maladie du siècle, le cancer, a eu raison de toi. Mais en fin de compte, c’est toi Mohamed Haroun qui est sorti vainqueur de ton long combat.

De quelques centaines de militants dans les années 60, ton idéal est repris par des millions de jeunes et moins jeunes pour le porter vers les sommets les plus hauts et les plus glorieux dont tu rêvais avec tes camarades durant la lutte clandestine pendant les années 1970.

Hocine Cheradi

(Ancien compagnon de combat de Mohamed Haroun, militant de l’Organisation des Forces Berbères, l’un des rédacteurs de Athmaten l’organe de l’OFB, ex. condamné à perpétuité.)

(Extrait d’Abc Amazigh, une expérience éditoriale en Algérie, volume 2, de Smaïl Medjeber, paru aux éditions L’Harmattan)

SIWEL 212306 MAI 15

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