(SIWEL) — « Je pense qu’il y a vraiment une déliquescence de l’état algérien sur tous les plans. Le régime, à l’image de son président Abdelaziz Bouteflika, dont on ignore s’il sait encore comment il s’appelle, arrive à bout de souffle. L’idéologie mensongère sur lequel il s’appuie n’a pas survécu à l’épreuve de la réalité. Le pouvoir était persuadé d’être venu à bout de l’irrédentisme kabyle. Mais, tel un phénix, la Kabylie renaît toujours de ces cendres. Elle ne peut pas disparaître. Elle ne le veut pas. «
Pour moi, les choses sont claires : ces manifestations marquent un tournant dans l’histoire de la Kabylie et dans le combat que nous menons depuis 2001 pour notre libération. Il y a désormais un avant et un après 20 avril 2015. L’univers kabyle d’avant, empreint de naïveté, d’illusions, de trahisons, d’enfumages, de confusions s’est définitivement écroulé. Les acteurs politiques et autres qui n’ont pas su renouveler leur logiciel de pensée et leur grille de lecture sont d’ores et déjà condamnés par l’histoire et par la volonté du peuple.
Le MAK et le GPK sont en phase avec les aspirations profondes des Kabyles. Cette adhésion s’est traduite par une participation massive aux marches du MAK en Kabylie, derrière le mot d’ordre de l’autodétermination de la Kabylie. Avec pour point d’orgue, la levée de notre drapeau, qui incarne cette aspiration ultime : notre existence en tant que nation et peuple souverains.
Le drapeau kabyle est-il destiné à supplanter le drapeau berbère au sein du mouvement ?
Une chose est sûre : il a déjà supplanté le drapeau algérien et ce, définitivement. Concernant le drapeau berbère, cela a été dit maintes fois : il y a une complémentarité entre les drapeaux kabyles et berbères, la concurrence n’existe pas. Nous sommes kabyles et faisons partie de la grande famille des berbères.
Par contre nous rejetons le drapeau algérien qui est, pour nous, un drapeau étranger. D’ailleurs il a été conçu par la femme de Messali Hadj, sur ordre de ce dernier. Je me pose des questions sur Saïd Sadi, qui a traité Messali de traître tout en arborant fièrement son drapeau. Car le drapeau algérien est indissociable de Messali Hadj. Le voir flotter dans les marches du RCD me fait mal car c’est en son nom qu’on cherche à détruire la Kabylie. En son nom qu’on a assassiné tant de Kabyles…
L’état algérien semble dépassé par la montée du nationalisme kabyle. Peut-on parler d’un rapport de force qui évolue dans le bon sens ?
Je pense qu’il y a vraiment une déliquescence de l’état algérien sur tous les plans. Le régime, à l’image de son président Abdelaziz Bouteflika, dont on ignore s’il sait encore comment il s’appelle, arrive à bout de souffle. L’idéologie mensongère sur laquelle il s’appuie n’a pas survécu à l’épreuve de la réalité. Le pouvoir était persuadé d’être venu à bout de l’irrédentisme kabyle. Mais, tel un phénix, la Kabylie renaît toujours de ces cendres. Elle ne peut pas disparaître. Elle ne le veut pas. Face à la difficulté, des hommes ont toujours émergé pour montrer le chemin.
Je tiens à ce titre à saluer le travail titanesque effectué par le président du GPK, Ferhat Mehenni. Sans lui, le pouvoir serait sans doute parvenu à son objectif : faire de la Kabylie une région sans histoire et sans avenir. C’est un visionnaire, il a su évoluer et tirer les enseignements des échecs passés. L’idée d’un drapeau kabyle a d’ailleurs été imposée par Ferhat lui-même, malgré les réserves et les réticences de la plupart de nos cadres. Aujourd’hui, ces derniers se félicitent de l’émergence de ce drapeau.
Un Gouvernement provisoire en exil, une carte d’identité kabyle, un hymne kabyle, un drapeau… Quelle est la prochaine étape dans cette marche vers un état kabyle ?
Vous savez, la Kabylie a tous les attributs d’un état : Un peuple homogène, une langue, un territoire, des valeurs qui lui sont propres. Cela devait se matérialiser. C’est chose faite.
Dans sa dernière conférence, tenue à Evian, Ferhat a clairement acté les prochains chantiers. Le premier a trait à la création d’un "parlement" kabyle. L’exercice de la démocratie doit d’ores et déjà être notre préoccupation majeure. Pour cela, il faut une représentation de tout le territoire kabyle et de la diaspora au sein d’une assemblée provisoire, qui sera chargée de défendre les intérêts matériels et immatériels de tous les Kabyles, ou qu’ils soient. Etant dans une phase de résistance et de transition, son rôle ne pourra être que consultatif. Il n’exprimera la souveraineté du peuple qu’une fois l’état kabyle mis sur pied.
Le deuxième chantier concerne la diaspora kabyle. Je ne vous apprends rien en vous disant que de nombreux Kabyles vivent en dehors de la Kabylie. Ils essaiment désormais dans le monde entier, au point que nous pouvons parler d’une diaspora kabyle mondialisée.
Certains peuvent apporter énormément à ce processus de libération de la Kabylie. Une commission, que Ferhat va nommer, sera chargée d’organiser cette diaspora avec pour objectif d’aboutir à une sorte de congrès mondial kabyle pour maximiser notre efficacité et notre visibilité au niveau mondial.
Un troisième chantier concerne les finances. Le combat que nous menons nécessite des sacrifices. L’argent est le nerf de la guerre et chaque kabyle, à son niveau, doit participer financièrement à ce combat. La liberté n’a pas de prix mais le chemin qui y mène en a un.
Qu’en est-il de la situation administrative du président du GPK ?
Par le passé, Ferhat Mehenni a refusé de renouveler son passeport algérien pour être en accord avec lui-même et le combat qu’il mène. Cette situation a privé Ferhat de ses capacités de déplacement, ce qui a eu un effet négatif sur le travail diplomatique mené par le GPK.
Et bien les choses vont désormais changer. Car je vous annonce que Ferhat est officiellement réfugié politique. Il dispose d’un passeport qui lui permet désormais de voyager. J’informe les Kabyles que le président du GPK animera une conférence le 23 mai 2015 à Montréal, au Québec. Pour nos adversaires, je précise que ce passeport n’est pas français donc inutile d’utiliser cet angle d’attaque…
Un des soutiens étrangers de la cause kabyle, le journaliste français Ivan Rioufol, a été menacé suite à son intervention au trocadéro en faveur de l’indépendance de la Kabylie. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Effectivement, les névrosés de l’arabo-islamisme ont encore frappé. Les soutiens internationaux de notre cause sont une des cibles de nos adversaires. Il s’agit de dissuader tout soutien à la cause kabyle. Il est de notre devoir, du devoir de chaque Kabyle, de soutenir M. Rioufol face aux attaques qu’il subit provenant de ceux qui ne veulent pas de notre existence. Une pétition sera lancée dans les prochains jours afin d’exprimer notre solidarité à son endroit et lui montrer que les Kabyles ne le laisseront pas seul face à ce danger.
Vous évoquiez tout à l’heure l’ancien président du RCD, Saïd Sadi, qui semble désormais accepter les drapeaux berbères au sein du parti…
Oui et cela n’a pas toujours été le cas ! M. Mohand Ikherbane, sénateur du RCD a par le passé violenté M. Halim Akli (de son nom de journaliste "Allas di Tlelli") pour avoir brandi le drapeau berbère dans un rassemblement de son mouvement à Tizi-Ouzou ! Cela n’a suscité absolument aucune réaction au sein du RCD. Mais tant mieux, cela veut dire que dans quelques années, il arborera fièrement le drapeau kabyle…
Pour moi, M. Sadi est une énigme. Je parlais tout à l’heure de sa schizophrénie entre sa dénonciation de Messali Hadj et, parallèlement, son appropriation des symboles de ce même Messali Hadj que Said Sadi qualifie de "traître".
J’aimerais que M. Sadi prenne acte de l’existence du peuple kabyle. Qu’il écoute ce que les Kabyles ont à dire. Qu’il regarde les choses telles qu’elles sont et non comme il aimerait qu’elles soient. La levée du drapeau kabyle est un acte historique pour la Kabylie. Il n’a pas pris conscience de l’enjeu. Ou alors il est empêtré dans des combinaisons qui le briment dans ses convictions. Il s’est compromis avec le régime et, dernièrement, avec les islamistes. Il se compromet également en tentant de créer la confusion dans le combat des Kabyles pour leur autodétermination. Je respecte le travail qu’il a effectué par le passé. J’espère qu’il ne finira pas comme celui qu’il dénonce, Messali Hadj : un fossoyeur de la nation kabyle. Que lui et son parti cessent de faire obstruction à notre combat. Avec le pouvoir et les islamistes, nous avons suffisamment d’ennemis comme cela.
Propos recueillis par Siwel
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SIWEL 300021 AVR 15