IFRANE (SIWEL) — L’assemblée Mondiale Amazighe nous a fiat parvenir la déclaration finale ayant sanctionné les travaux de la 8è assemblée générale des Amazighs du monde.
Siwel publie ci-après l’intégralité de la déclaration qui revient sur la situation des peuples amazighs dans toute l’Afrique du nord
L’Assemblée Mondiale Amazighe (AMA) a organisé sa huitième assemblée générale à Ifrane, dans le Moyen Atlas – Maroc -, les 27, 28 et 29 novembre 2015 / 2965. Etaient présents des militants et personnalités amazighs et des délégués d’associations amazighes des pays d’Afrique du Nord et de la Diaspora.
Nous remercions vivement les participants de Tamazgha et de l’extérieur, qui ont contribué à la réussite du cette huitième assemblée de l’Assemblée Mondiale Amazighe. Pour rappel, l’AMA s’est fixé comme objectif la défense des droits des Amazighs dans le monde et une vision stratégique de Tamazgha basée sur le principe du droit à l’autonomie des régions dans tous les Etats d’Afrique du Nord (Tamazgha), en tant que solution pour la paix, pour l’union, pour le développement, pour la prospérité et pour le progrès des peuples amazighes et autres.
La huitième assemblée mondiale des Amazighs s’est déroulée dans un contexte régional décisif en relation avec les problèmes qui concernent les Amazighs. Le combat pour les lois organiques relatives à la mise en œuvre de l’officialisation de l’amazighe au Maroc se poursuit et les amendements constitutionnels en Algérie sont incertains quant à l’officialisation de l’amazighe en raison des hésitations de la part du pouvoir de Bouteflika.
En Libye, en dépit des acquis relatifs et non officiels des Amazighs, la négation des droits amazighs continue en interne et en externe, particulièrement, suite à leur exclusion par les Nations Unies dans le dialogue nationale interlibyen.
Malgré l’intervention internationale et onusienne dans l’Azawad, la situation des Touaregs n’a pas connu d’amélioration. La situation est restée immobile et lamentable depuis la signature de l’accord d’Alger du mois de mai dernier, accord qui au demeurant ne répond guère aux droits élémentaires des Touaregs.
En Tunisie, exception faite de la liberté de constitution des associations civiles amazighes, le régime post-révolution a exclu la langue et la culture amazighes de la nouvelle constitution et ne fait rien pour les protéger.
Les Etats de Tamazgha vivent au rythme de changements qui touchent aux intérêts des peuples amazighs, dans le cadre de perturbations internes et d’interventions externes de la part de pays occidentaux et orientaux en sus d’une menace avérée du terrorisme. En relation avec cette situation, l’Assemblée Mondiale Amazighe, lors de la clôture de sa huitième assemblée des Amazighes du monde, organisée à Ifrane au Moyen Atlas – Maroc –, déclare ce qui suit :
1. Concernant le Maroc
· L’Assemblée Mondiale Amazighe insiste sur le principe d’égalité entre la langue amazighe et la langue arabe. Et demande de s’appuyer sur les conventions et les pactes internationaux des droits de l’homme pour l’élaboration de la loi organique relative au Conseil national des langues et de la culture marocaine ainsi que pour la loi organique relative à la langue amazighe ;
· L’Assemblée Mondiale Amazighe demande à l’Etat marocain d’agir sans tarder pour l’élaboration et la publication des lois organiques précitées, conformément aux recommandations du comité onusien des droits économiques, sociaux et culturels ainsi que leur mise en œuvre avant la fin du mandat du gouvernement actuel. Nous refusons totalement à ce que ce gouvernement élabore les lois et laisse leur mise en œuvre à un futur gouvernement. Nous dénonçons la répétition du scénario d’atermoiement qui a caractérisé la mise en œuvre de l’officialisation de l’amazighe durant les quatre années passées du mandat du gouvernement et du parlement actuels ;
· L’Assemblée Mondiale Amazighe demande à tous les militants et cadres amazighs de laisser de côté les détails et les futilités, et de s’atteler à la cause amazighe dans sa globalité dans une vision clairement nationaliste de Tamazgha, en s’inspirant des modèles pacifiques organisationnels des peuples voisins qui partagent les mêmes causes avec les Amazighs ;
· L’Assemblée Mondiale Amazighe réitère son appel à l’Etat marocain pour la réalisation d’un recensement des citoyens (es) marocains(es) amazighophones, en conformité avec les critères internationaux et réitère sa position quant à la non crédibilité du recensement de Lahlimi;
· L’Assemblée Mondiale Amazighe rejette le dernier modèle de « régionalisation élargie » au Maroc, du fait qu’il est un projet administratif qui n’a apporté rien de nouveau par rapport aux réformes, aux élections, à la représentation, à la tutelle du ministère de l’intérieur et à la gestion. Nous constatons que la vraie régionalisation efficiente pour le pays, ne peut se faire que dans le cadre d’un Etat basé sur un système fédéral, fondé sur un pouvoir d’autonomie des régions tel que pratiqué dans un ensemble de pays du monde;
· L’Assemblée Mondiale Amazighe s’étonne de l’exclusion des détenus politiques amazighs des procédures de libérations et grâces menées par l’Etat marocain de temps à autres, pour des dizaines de détenus de toutes sensibilités et courants ;
· Nous dénonçons la continuation de l’Etat quant à l’exploitation par certains imams des podiums des mosquées pour propager des discours fallacieux et haineux à l’encontre de l’amazighité et des Amazighs. Nous dénonçons également l’exploitation politique de la religion, quelle que soit sa forme et de quelle part que ce soit, y compris par l’institution étatique.
2. Concernant L’Algérie
· L’Assemblée Mondiale Amazighe constate la continuation de l’incarcération du membre de son organisation en Algérie Dr. Kamal Eddine Fakhar, au côté de vingt-quatre militants amazighes du M’zab. Elle déclare sa dénonciation du verdict récent à l’encontre de Kamal Eddine Fakhar et Kacem Soufghale condamnés à un an de prison. Une ancienne accusation relative à l’organisation d’un sit-in, dans l’attente d’un jugement basé sur dix-huit accusations dont des accusations très dangereuses inhérentes à la sécurité du régime et à l’atteinte de la sécurité de l’Etat. Accusations fallacieuses dont l’objectif est d’endiguer une élite de militants de droits humains mozabites amazighs. Le pouvoir algérien ne dispose pas de preuves matérielles qui renforcent ses prétentions. En outre, il continue d’ignorer les appels de droit émanant de structures internationales qui revendiquent la libération immédiate des détenus amazighes mozabites ;
· L’Assemblée Mondiale Amazighe souligne que les amendements constitutionnels en Algérie qui ignorent l’officialisation de la langue amazighe, dans un rapport d’équité avec l’arabe de manière totale, n’ont pas de crédibilité. A titre de preuve l’existence d’un plan stratégique à long terme pour l’éradication de la présence amazighe dans le pays et la négation de la civilisation et de l’identité amazighe ;
· L’Assemblée Mondiale Amazighe insiste sur le devoir de consécration par le système algérien du droit à l’autonomie des régions, particulièrement celles de la région de Kabylie et du Mzab. Nous enregistrons dans ce domaine notre solidarité avec Le Mouvement pour l’Autodétermination de la Kabylie (MAK) et du Mouvement pour l’Autonomie du Mzab (MAM) ainsi qu’avec les citoyens(es) des deux régions en faveur de leur lutte pour leurs droits, tels que consacrés par les pactes internationaux des droits de l’homme et des peuples;
· L’Assemblée Mondiale Amazighe dénonce l’intervention négative de l’Etat algérien dans les affaires des Etats nord-africains, particulièrement dans le Sahara occidental et en Azawad, où il œuvre en complicité avec la France, pour imposer une solution pacifique, qui ne répond pas aux ambitions des citoyens(es) touaregs, ce qui a renforcé la crise et a créé un terreau pour la propagation des groupes djihadistes extrémistes qui menace la sécurité des Etats de la région et du monde.
3. Concernant La Libye
· L’Assemblée Mondiale Amazighe exprime son regret profond quant à la situation en Libye, du fait que des acteurs ont renié l’esprit de la révolution contre le système d’antan, incarné par des slogans de liberté et de démocratie. Ces parties soutenues par certains pays d’Orient dont le Qatar pour s’accaparer le pouvoir en éliminant les autres composantes de la société libyenne sont la cause directe des affrontements entre libyens. Durant les années qui ont suivi la révolution, l’Assemblée Mondiale Amazighe a constaté le dessein délibéré des parties arabistes quant à la consécration de la politique d’exclusion et de marginalisation à l’encontre des Amazighes et des Touaregs ainsi qu’à l’encontre des Toubous. Fait qui a poussé ces composantes à se retirer des instances de l’Etat libyen et à boycotter moult échéances électorales, y compris la conception de la constitution post-révolutionnaire. Notre tristesse est renforcée par l’ignorance par les Nations Unies et les pays occidentaux de l’existence du fait amazighe en Libye et leur exclusion du dialogue national inter libyen ;
· L’Assemblée Mondiale Amazighe ne voit pas de solution pour l’état actuel libyen, en dehors d’une constitution démocratique qui consacre un Etat fédéral qui permet à toutes les composantes du peuple libyen de s’autogérer, en conservant leurs spécificités dans le cadre d’une démocratie participative, loin du centralisme exagéré qui ne peut conduire qu’à l’exacerbation de la situation ;
· L’Assemblée Mondiale Amazighe exhorte les Amazighs de Libye pour qu’ils rehaussent le plafond de leurs revendications de sorte qu’elles englobent tous les articles de la constitution libyenne et qu’elles se conforment aux pactes internationaux des droits de l’homme et des peuples ainsi qu’aux principes de démocratie et des valeurs de liberté.
4. Concernant la Tunisie
· L’Assemblée Mondiale Amazighe réitère le refus de la marginalisation et de l’exclusion de l’identité amazighe de Tunisie ainsi que la quasi absence de son évocation dans la constitution post-révolutionnaire qui consacre la dictature culturelle et l’apartheid linguistique qui a dominé l’ère « Ben Ali », au lieu de promouvoir une démocratie culturelle respectueuse de l’identité, de l’histoire et de la civilisation de la Tunisie dont l’amazighité constitue le socle ;
· L’Assemblée Mondiale Amazighe demande à l’Etat tunisien de prendre des décisions et promulguer des lois pour l’intégration de l’amazighité dans les différents secteurs qu’il dirige, à commencer par l’enseignement et les médias ainsi que les autres domaines ;
· Nous saluons les efforts des cadres civils amazighs de Tunisie en dépit des difficultés et des obstacles qu’ils affrontent.
5. Concernant l’Azawad
· L’Assemblée Mondiale Amazighe réitère sa dénonciation quant à la présence des forces militaires françaises dans l’Azawad, sous prétexte de lutte contre le terrorisme, en dépit de la capacité des Touaregs à se défendre. L’Assemblée Mondiale Amazighe dénonce également la collusion de Paris avec le régime dictatorial algérien contre les droits des Touaregs ;
· L’Assemblée Mondiale Amazighe insiste sur le fait que la paix et la stabilité totales et permanentes dans l’Azawad ne peuvent se réaliser qu’avec l’octroi de l’autonomie élargie à l’Azawad dans le cadre d’un état fédéral ;
· L’Assemblée Mondiale Amazighe réitère son appel à la communauté internationale pour endiguer les initiatives de l’Algérie et trancher le dossier du conflit entre le Mali et les Touaregs, conformément aux dispositions et articles des pactes internationaux des droits de l’homme et des peuples.
6. Concernant la Diaspora
· L’Assemblée Mondiale Amazighe s’étonne de l’indifférence de plusieurs pays, particulièrement les pays de l’Union Européenne, à l’égard des caractéristiques identitaires et des spécificités culturelles et linguistiques des émigrés originaires des pays d’Afrique du Nord ainsi que le renchérissement des débats relatifs à ce sujet. Comme preuve de la politique erronée de ces pays, qui hébergent des millions de citoyens et citoyennes amazighs : leur négation de l’amazighité ;
Dans des pays comme la France, la Belgique, la Hollande, l’Allemagne et l’Espagne, qui hébergent des millions d’émigrés amazighs et de citoyens(es) d’origine amazighe, les millions d’Amazighes sont traités comme des « Arabes musulmans »venus du Golf arabique et non comme des Amazighes avec un islam spécifique d’Afrique du Nord. Les dits pays européens se limitent dans leurs programmes d’enseignement et autres qu’à promouvoir l’arabe comme langue et culture des émigrés ;
· L’Assemblée Mondiale Amazighe regrette que les pays européens, dont ces propres citoyens(es) et la majorité des émigrés sont des Amazighes d’Afrique du Nord, négligent la langue et la culture amazighes et agissent à leur égard selon la logique des régimes et mouvements fondée sur l’idéologie du nationalisme arabe et de l’islam politique, en stigmatisant les valeurs et l’identité amazighes ;
· L’Assemblée Mondiale Amazighe insiste sur sa solidarité avec les victimes du terrorisme en Europeet ailleurs de par le monde, et en dénonçant ces actes criminels qui ont un lien non avec les valeurs amazighes mais avec celles de l’Orient. Les Etats européens sont appelés à prendre immédiatement en considération l’identité, la culture et la langue amazighes dans leurs politiques et programmes destinés aux émigrés et à leurs citoyens(es) d’origines amazighes. Il en est de même au niveau de leurs politiques étrangères et leurs relations avec les Etats d’Afrique du Nord.
In fine,
L’Assemblée Mondiale Amazighe rappelle à l’opinion publique que tous les Etats d’Afrique du Nord, n’ont pas, à ce jour, présenté d’actions concrètes consacrant les droits des peuples amazighes. Bien au contraire, ils ont ignoré tout y inclus des actes symboliques qui ne leur coutent rien, tel la promulgation du nouvel an amazigh comme fête nationale fériée.
L’Assemblée Mondiale Amazighe a décidé d’organiser sa prochain assemblée générale en Tunisie, suite à la demande formulée par Mme Nour Elbaz, présidente déléguée pour la Tunisie auprès de l’Assemblée Mondiale Amazighe.
A signaler que l’Assemblée Mondiale Amazighe a renouvelé ses structures en élisant un nouveau Bureau Confédéral, composé comme suit :
– M. Rachid Raha, Président de l’AMA;
– M. Dr. Mimoun Charqi, Président d’honneur et chargé des affaires juridiques;
– Mme. Amina Ibnou-Cheikh, Présidente déléguée pour le Maroc ;
– M. Skouti Khoudir, Président délégué pour l’Algérie ;
– Mme. Arbia Nour Elbez, Présidente déléguée pour la Tunisie;
– M. Mohamed Saleh Ansari, Président délégué pour les Touaregs
– M. Aazaoui Benaceur, Président délégué pour la France;
– M. Mhamed Bihmedn, Secrétaire général;
– M. Marzouk Chahmi, Secrétaire général adjoint ;
– M. Mohamed El Hamouti, Trésorier général ;
– M. Aissa Akaoui, Trésorier général adjoint;
– M. Mounir Bechiche, Président délégué pour le Mzab (Algérie) ;
– M. Mohamed Adarghal, Président délégué pour le Grand Rif (Maroc);
– M. Mohamed Boussaidi, Président délégué pour le Grand Atlas (Maroc) ;
– M. Said El Ferouah, Président délégué pour le Grand Souss (Maroc).
– M. Ouberka El Mahjoub, chargé de l’information et de la communication.
SIWEL 050007 DEC 15