GHARDAIA (SIWEL) — « D’abord les groupes arabes ont attaqué le tombeau de Chikh Emmi Said le fondateur de la ville de Ghardaïa. Ils l’ont profané en présence même des forces de sécurité, qui sont sensées le protéger, en suite l’Institut religieux d’Emmi Saïd ; puis ils ont incendié l’OPVM, l’Office de la Protection de la Vallée du M’Zab, chargée de la protection du patrimoine matériel et immatériel des Mzabs ; dont une partie d’archive a été incendiée ; il est clair, il s’agit de s’attaquer au lieu de la mémoire mozabite et au lieu du savoir mozabite. ».

Extrait de l’entretien réalisé par Saidani Massinissa avec le Dr. Nouh Abdallah Ugughlan, universitaire chercheur à l’université Mouloud Mammeri

 

L’autonomie des Mzabs à l’ordre du jour, et son élite ne peut pas rester sceptique devant l’impunité et le génocide concocté

Propos recueillis par Saidani Massinissa auprès du Dr. Nouh Abdallah Ugughlan, universitaire chercheur à l’université Mouloud Mammeri.

Ces derniers jours les cités Mzabes ont connu de violentes agressions de la part des arabophones, et l’Etat central n’a pas pu réguler le conflit, voire on a l’impression que les Mozabites sont délaissés à leur sort. D’où vient l’origine du conflit à votre avis ?

Les Amazighs du M’Zab sont en train de payer le prix de leurs particularismes (au pluriel) ; ils subissent depuis l’indépendance de multiples agressions : politique, économique, linguistique, culturelle et religieuse notamment. Voilà comment il faut apprécier la situation des At Mzabs, ensuite on peut dire que depuis les années 1967, cette communauté manifeste et agit pour s’affirmer en tant que telle.

D’ailleurs, elle a connu des événements qui s’opposent au coup d’Etat de Boumediene, qui veut en fin de compte se venger, parce qu’ils avaient pris une position pro Gouvernement Provisoire de la République Algérienne avec la légalité de Ben Khedda, alors que le Groupe d’Oujda, qui s’est accaparé du pouvoir par la force, avait promis vengeance à tous ceux qui s’y sont opposés.

Ceci dit, il ne s’agit pas d’un simple problème épisodique ou sécuritaire, par contre cette communauté pose une problématique existentielle, exister ou tout simplement ne pas exister. Entre autre, les arabophones ne s’attaquent pas seulement aux commerces des mozabites, ils incendient même les symboles millénaires de cette communauté riche en histoire qui lui prescrive son particularisme.

D’abord les groupes arabes ont attaqué le tombeau de Chikh Emmi Said le fondateur de la ville de Ghardaïa. Ils l’ont profané en présence même des forces de sécurité, qui sont sensés le protéger, en suite l’Institut religieux d’Emmi Saïd ; puis ils ont incendié l’OPVM, l’Office de la Protection de la Vallée du M’Zab, chargé de la protection du patrimoine matériel et immatériel des Mzabs ; dont une partie d’archive a été incendiée ; il est clair, il s’agit de s’attaquer au lieu de la mémoire mozabite et au lieu du savoir mozabite.

Parce qu’elle y’avait une coexistence entre ces deux communautés pendant des décennies, à mon avis, l’origine du conflit vient du fait que la population arabe, de mode de vie bédouine, une fois installée dans la vallée du M’Zab, dans les années soixante, n’a pas pu s’adapter aux exigences de la civilisation citadine des mozabites qui remontent à dix siècles (depuis 1020) ; Par ailleurs, l’hypothèse d’une manipulation n’est pas à écarter, sans savoir par qui ?! Bien sûr on n’accuse pas toute la communauté arabophone. En fait, cette population, ses pratiques nomades est l’objet de l’instabilité et de la manipulation dans ce territoire.

Comment voyez- vous la solution du conflit ?

Au volet perspective, c’est-à-dire les solutions, on ne peut pas les réduire à une simple demande sécuritaire. En fait, l’alternative ne peut-être que politique parce que le problème de fond est d’ordre politique. Pour moi, la solution est dans la reconnaissance politique du particularisme mozabite dans toutes ses dimensions : socioculturelle, linguistique et religieuse ; tout simplement une reconnaissance juridique pour dire, la reconnaissance de l’autonomie de gestion des affaires des citées Mozabites qui dataient bien avant le 11éme siècle, c’est-à-dire son existence précède même l’émergence de l’Etat-nation et jacobin inspiré du modèle de l’Etat colonial.

Peut-on parler d’un éventuel organisme collectif d’action qui portera en haut cette revendication d’une autonomie de gestion pour la communauté Mozabite ?

Jusqu’à ce moment il n’y a pas encore une force politique qui prend en charge cette demande de reconnaissance politique et juridique de l’autonomie des Mozabites. En revanche il y a l’authentique organisation traditionnelle représentative des différentes tribus des Mozabites qui devrait à mon avis prendre en charge cette demande légitime, et la solution ne peut venir que dans ce cadre. Or le système de la commune et de la wilaya empruntés de la France n’est pas adéquat à la réalité sociologique de cette communauté millénaire. Nous avons une organisation millénaire d’autogestion, démocratique et populaire qui se veut une alternative et un locuteur qui doit-être reconnu officiellement par l’Etat en tant que organisation politique institutionnelle des Mozabites.

Propos recueillis par Saidani Massinissa

SIWEL 141047 MAI 14

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