CONTRIBUTION (SIWEL) — Le déni d’existence de la Kabylie en tant que peuple et nation, et contrairement à ce que l’on puisse penser, n’est pas seulement l’apanage de l’Etat Algérien ; mais de tous les Berbères de Siwa jusqu’aux Iles Canarie. Ils vivent l’émergence du nationalisme kabyle comme une trahison. Même pour certains Kabyles égarés notre éveil n’est que renoncement au berbérisme.
Soucieux de garder intacte l’unité des rangs au sein du mouvement nationaliste algérien, les kabyles ont décrété que les habitants de l’Afrique du Nord sont de descendance Amazighe, dont certains sont arabisé par l’Islam ! Peu importe donc la langue avec laquelle nous nous exprimons, nous sommes tous des Algériens. Sacrifiant ainsi le nationalisme Kabyle pour que naisse le nationalisme algérien qui pour la petite histoire œuvrera dès sa naissance à l’annihilation de tout ce qui est kabyle.
Durant les années soixante est créée en France une organisation, connu sous le nom d’Agraw Imazighen. Les promoteurs de cette organisation ont repris à leur compte les positions des Kabyles du mouvement national algérien. Pour Abdelkader Rahmani ou Bessaoud Mohand Aarav, ce n’est pas seulement l’Algérie qui est Amazighs mais toute l’Afrique du Nord. Tamazgha, le territoire mythique des Amazighs, s’étend de l’oasis de Siwa en Egypte jusqu’aux Iles Canarie, de la mer méditerranée jusqu’au nord du Niger. L’objectif de cette organisation au-delà de la sauvegarde de l’identité amazighe fut en sourdine la fondation d’un grand Etat Amazigh. Pour y parvenir, ils se sont attelés à réaliser l’union des tous les berbérophones. Force est de constater que très vite Agraw Imazighen ne fut qu’une organisation exclusivement Kabyle et ce malgré la sympathie et la solidarité que pouvait avoir le marocain Aherdan envers le Kabyle Bessaoud. Les berbères ne se sont pas bousculés au portillon de l’académie !
Déjà à cette époque, les Peuples Amazighs ont amorcé la prise en charge de leur destin propre en main. N’a-t-on pas vu le berbère canarien Antonio Cubillo se réfugier à Alger pour lutter de là-bas pour l’indépendance des iles Canaries ? Aucun Kabyles ne lui tenait, ni en ce temps ni aujourd’hui, rigueur de le voir flirter avec Boumediene l’ennemi mortel des Kabyles. Tout comme aucun Kabyle ne dit mot quand le fondateur de la république du Rif est venu au Caire présider le comité pour la libération du Maghreb Arabe où ses amis ne furent autres que Azem Pacha et Chakib Arselane, maîtres à penser des Arabo-Islamistes Algeriens. Abdelkrim tout comme Cubillo en véritables patriotes ont réfléchi et agi pour l’intérêt de leurs nations respectives.
Abdelkrim ne pouvait pas ne pas ignorer le passé de son peuple ou celui de son sous-continent. Et ne pouvait pas aussi ignorer qu’a une centaine de lieux de Ajdir des Kabyles étaient soit assassinés soit livrés à la puissance occupante. Cubillo qui était en contact avec les activistes Kabyles aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur savait, certainement, qu’à cette époque on pouvait être torturé pour une simple lettre de Tifinagh. Cependant tout en étant conscient de ce qu’ils sont, l’un comme l’autre, ont préféré lutter pour la liberté de leurs peuples et de leurs nations.
Le berbérisme n’est, donc, en vérité qu’une affaire Kabylo-Algerienne, où durant une cinquantaine d’année les uns et les autres furent en quête d’une coexistence pacifique entre deux peuples distincts que les aléas de l’histoire ont fait réunir. Dans le souci d’avoir un avenir commun, des hommes et des femmes sont allés déterrer l’histoire pour constituer un passé dont les uns et les autres puissent en être fiers. Un socle solide sur lequel se poseront tous les idéaux de liberté, de justice et d’égalité. Une Algérie plurielle sans distinction de race ou de religion. Nous assisterons alors à un dialogue de sourd entre deux peuples dont la survie de l’un dépend de la disparition de l’autre.
La nation algérienne et la souveraineté qui en découle, pour qu’elle soit pleine et entière, ne saurait souffrir de l’existence en son sein d’entité n’ayant pas le même passé ni et surtout le même regard sur l’avenir, les kabyles doivent donc disparaître ! De leur côté ces derniers soucieux de la survie de leur langue, culture et identité ont fini par comprendre que pour y parvenir, il fallait s’assumer et prendre leur destin en main. A partir de là, le combat de la Kabylie n’est plus une quête de reconnaissance en tant que composante de l’ensemble national algérien. Mais de s’imposer comme un ensemble distinct dans l’espace géopolitique nord-africain.
A l’instar de tous les peuples du Monde, le peuple Kabyle a droit à une existence propre, un pays, un Etat. Certes, solidaire, de tous les peuples en lutte mais il est résolument fondé à passer ses intérêts vitaux avant toutes autres considérations. Le peuple Kabyle qui aspire à sa souveraineté ne saurait se contenter de jouer les figurant dans sa propre Histoire. Au bout d’un siècle et demi d’égarement, Le peuple Kabyle est sur le chemin du recouvrement de sa liberté et de sa dignité bafouée depuis 1857. Nous sommes à une étape cruciale de notre existence, nous nous souviendrons de l’attitude des uns et des autres. Nous n’avons de leçon à recevoir de personne ni de compte à rendre à personne. Notre seul juge demeure les générations futures….Autre chose n’est que mythologie
Muh Taheccat,
SIWEL 011159 OCT 15