Libellule et la terre aimée : Récit d’une Kabyle insoumise

Paris (SIWEL) — Ils lui ont dit qu’elle n’existait pas. Qu’elle était un fantôme sans nom dans leurs registres poussiéreux. Pourtant, ce fantôme, Lila, dite « Libellule », les hantait au point de vouloir lui arracher son âme. Son crime ? Avoir aimé sa culture kabyle assez fort pour vouloir la faire rayonner.

Tout a commencé avec une radio. À l’été 2025, Libellule, installée en France depuis l’âge de trois ans, annonce la création d’un média dédié aux valeurs, aux croyances anciennes et à la sagesse de la Kabylie. Dès la première émission, consacrée aux proverbes kabyles, l’écho fut immense. Et insupportable pour certains.

Alors que son père était en vacances en Algérie, l’appel tant redouté est venu. Les autorités algériennes, lui annonce-t-il, la menacent. Elles détiennent un dossier la concernant, lié à son engagement pour l’autodétermination de la Kabylie. Leur demande est cinglante : se rendre au consulat d’Algérie à Créteil pour signer un document de « repentance » et de reniement du MAK (Mouvement pour l’Autodétermination de la Kabylie).

« Pour moi, c’est un déshonneur de me demander de signer contre la liberté d’expression et contre mon droit de mettre en valeur ma culture kabyle », dénonce-t-elle, la voix ferme malgré l’absurdité de la situation. L’ironie est cruelle : « Comment pourraient-ils me demander, moi l’invisible, le fantôme qui n’apparaît pas dans les documents officiels algériens, de signer un document algérien ? »

Cette négation de son existence est une violence qui frappe au plus profond. « Ça m’a fait très mal d’entendre que je n’ai pas le droit d’être une Kabyle dans cette Algérie qui, je l’espère, ne nous fera pas disparaître. » Face à cette pression, sa réponse est sans équivoque : « Il faut que le régime sache que je ne suis pas à vendre et qu’ils ne peuvent pas m’acheter, parce que je suis une digne fille de la Kabylie, j’ai un coeur et une âme kabyles. »

Pour elle, la trahison est le pire des sacrilèges. « Ceux et celles qui trahissent la Kabylie sont ceux et celles mêmes qui sont prêts à manger la chair de leurs ancêtres, de leurs libérateurs. » Sa dignité, comme celle de tout un peuple, n’est pas négociable. « Ma dignité, comme tout être humain qui se respecte, ne peut être négociée quel que soit le prix ou la férocité de l’adversaire. »

Libellule dresse un parallèle poignant avec le sort des peuples autochtones :      « Les Kabyles sont comme les Amérindiens, menacés de disparaitre.» Cette disparition est programmée, institutionnalisée. Elle pointe l’article 2 de la constitution algérienne qui stipule que l’Algérie est un pays « arabe et musulman », effaçant ainsi l’identité millénaire de la Kabylie. « Le régime algérien s’organise pour faire disparaitre le peuple kabyle par tous les moyens. »

Signer ce document reviendrait à accomplir cet effacement de sa propre main. « Ils veulent que je signe pour que j’approuve mon propre déni et que je trahisse mon peuple kabyle. En trahissant mon peuple, je me trahis moi-même. Signer ce document, c’est juste un suicide pour moi. »

Son amour viscéral pour sa terre natale est sa force motrice. « La Kabylie me manque au point où, lorsqu’il viendra le temps de m’y rendre, je suis en mesure de manger un bout de ma terre natale tellement j’aime ma Kabylie. »

C’est cet amour qui nourrit son combat pacifique. Loin de se résigner, elle voit dans son projet radiophonique une arme de résistance culturelle. « Pour ma radio, je vais essayer de la développer en invitant des militants, des intellectuels pour retransmettre notre culture et la mettre en avant. Cette culture ancestrale mérite d’être revalorisée. »

Son message est un appel à l’action, un refus de l’immobilisme face à ce qu’elle perçoit comme une politique génocidaire. « En fait, c’est l’immobilisme qui est la vraie menace. En tant que peuple autochtone, nous devons travailler pour devenir maître chez nous. Un peuple kabyle dans le pays kabyle, libre et indépendant. »

Elle clame sa confiance en l’avenir : « Le régime algérien qui mandate ses sbires pour pourchasser les braves kabyles même au-delà du territoire qu’il colonise en Afrique du Nord, notamment en Kabylie, va périr dans sa propre violence. La Kabylie triomphera par le biais du droit et du pacifisme. »

Libellule, la femme-fantôme qui n’existe pas, incarne ainsi l’esprit indomptable d’un peuple qui refuse de disparaître. Son arme est sa voix, son bouclier est sa dignité, et sa terre aimée, son combat éternel.

Boualem Afir.

SIWEL 182017 SEP 25

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