CONTRIBUTION (SIWEL) — Pour qui veut comprendre la Kabylie doit avoir à l’esprit le chiffre 5. De sa fondation par un géant qui enfantera les 5 tribus légendaires du Djurdjura en passant par l’organisation socio-politique : 5 kanun pour 1 Adrum. 5 iderman pour 1 village. 5 villages pour un Arch républicain… Sans compter l’Art géométrique kabyle dans lequel nous retrouvons souvent ce chiffre fétiche. En fait pour la Kabylie, le chiffre 5 sera également celui de son indépendance …

 

En effet, la proclamation de l’autodétermination (octobre 2013) s’est faite après 5 décennies ou décades de confiscation de l’indépendance kabyle (1963). Une indépendance qui comme on l’a vu avec le renouveau du nationalisme kabyle, s’est confondue avec celle de l’espace algérien. En revanche, ce chiffre clé réside dans les fameuses étapes qui président à l’acceptation du Deuil. Cette théorie, bien qu’elle ne soit pas fondée scientifiquement, est bien connue et fortement illustrée par le cinéma hollywoodien et les séries américaines.

Ce deuil sera celui des kabyles qui s’accrochent encore au mythe algérianiste. Ces arabo-algérianistes qui ont confisqué l’indépendance chèrement acquise par le sang des berbéro-nationalistes mais aussi par d’autres nationalistes courageux et sincères comme Ben M’Hidi, le colonel Lotfi ou Boudiaf… C’est aussi le deuil pour ceux qui croient en ces patriotes sincères… Mais cela sera surtout un Deuil avec un grand D pour les arabo-algérianistes qui croient encore à des figures prétendues patriotes (Benbella, Boussouf, Boumedienne et Déserteurs de l’Armée Française, les DAF).

Nous emprunterons la théorie du Docteur Elisabeth Kübler-Ross, EKR pour les intimes. Psychiatre hélvético-américaine née en 1926 et pionnière de l’approche des soins palliatifs pour les personnes en fin de vie. EKR nous apprend, qu’il faut 5 étapes pour l’acceptation du Deuil. Concernant cette Algérie en fin de vie, il faut 5 étapes avant l’indépendance pleine et entière de la Kabylie :

Etape 1 – Le choc et le Déni :

C’est une phase courte. L’annonce d’une rupture, conduisant à un constat.

En juin 2001 le MAK est fondé. Le constat est simple et sans appel : la Kabylie doit avoir son propre Etat.

Puis en octobre 2013, il se prononce en session ordinaire pour une autodétermination pure et simple par voie référendaire…

C’est le refus de croire l’information. Sont utilisés des arguments et la contestation. Le rejet de l’information fait place à une discussion intérieure ou/et extérieure.

Le MAK n’est pas pris au sérieux, il est qualifié d’insignifiant tout comme son fondateur. Mais l’idée, en tous cas sa réactualisation, séduit de manière manifeste ou en secret les masses kabyles. Le tabou est brisé !

Etape 2 – La colère :

Le MAK suscite la désapprobation et l’anathème ! Les médias algérianistes, en particuliers les journaux arabophones se déchaînent. On crie à la trahison, on en appelle à la main de l’étranger…

Le régime arabo-algérianiste intimide, incite au renoncement, complique considérablement la vie du mouvement.

Il maintient un « terrorisme résiduel » en Kabylie et en arrive même à l’assassinat politique.

Il joue la carte sioniste en faisant appel à un « anti-sémitisme » éculé et inscrit dans un islam religion d’Etat mais aussi dans une rue algérienne que seuls les matchs de foot et la cause palestinienne émeuvent encore…

Etape 3 – Le marchandage :

C’est une étape variable en fonction de la maturité de la personne. Je vous laisse donc imaginer la réaction de la rue algérienne.

Le bédouiniste Belkhadem veut bombarder la Kabylie mais Tamazight sera langue nationale en 2003. Officielle en 2016 mais à moitié car l’Algérie est une « Ard arabi » (tterre arabe, ndlr): « Vous vouliez Tamazight officielle vous l’avez, maintenant laissez nous voler en toute tranquillité ! ».

C’est aussi le moment où on nous rabâche les oreilles avec la guerre d’indépendance en faisant appel au patriotisme légendaire des kabyles. Abane, Krim, Amirouche deviennent d’un coup visibles médiatiquement. Aït-Ahmed est consacré mais à son enterrement…

Mais attention « L’Algérie est Une et indivisible, 3aand koum ! » : un Tawhid jacobin mais du moment que c’est un Tawhid… Même notre chanteur national kabyle est élevé au rang de Saint homme. Feu Sidna Matoub Lounes recevra hypocritement une gerbe de fleurs de la part du premier ministre !

On part dans tous les sens, car justement on ne sait plus à quel saint se vouer. Et le Saint pétrole ne durera pas toujours. Dans un avenir proche « Yennayer » et « Tafsut imazighen » seront journées nationales chômées et payées. Et le meilleur pour la fin : ils seront prêt à nationaliser « Dda Lmouloud » dont les idées font encore peur du tréfonds de son repos éternel.

Etape 4 – La dépression :

Cette étape surviendra tôt ou tard et peut être même que c’est déjà le cas. Le régime et la rue algérienne abandonneront cette lutte pour tenter de revenir à la situation perdue. Cette situation où la Kabylie diabolisée en permanence permettait de régner sans souci.

Cette période bénie pour le régime où la menace du terrorisme islamiste permettait de voler sans que le peuple ne puisse broncher. Mais un régime sans visibilité aucune. Un régime qui se maintient à un fil : une personne en situation de handicap présidente de la République. Un régime qui navigue au gré des circonstances avec un Khelil qui fait le tour des zaouias dans l’espoir de reprendre le fauteuil roulant. Un régime parfait pour un peuple résigné.

C’est que cette résignation est inscrite au sein même de la rue algérienne. Le régime peut compter sur le sacro-saint « Allah ghaleb ». Mais il y a un peuple qui échappe en grande partie à cette résignation et c’est encore ce peuple kabyle de malheur. « Mais qu’avons-nous fait à Dieu pour mériter un peuple aussi frondeur ? ». « Qu’avons-nous fait à la Providence pour mériter ce peuple kabyle qui s’accroche à sa langue, à son identité, à sa démocratie et laïcité ancestrales ? »

Etape 5 – L’acceptation :

Dans cette étape, l’espace algérien devra accepter la perte de la Kabylie. La Kabylie à la marge dans cet espace arabo-algérianiste permettait aux autres algériens de se définir. La Kabylie permettait d’apporter au regard de ses valeurs une contradiction qui permettait à la société algérienne dans son ensemble de fonctionner. En 1992, toute l’Algérie sombre dans le vote islamiste mais pas la Kabylie. Le terrorisme islamiste se répand comme une traînée de poudre entraînant une profonde insécurité, mais pas en Kabylie.

Les autres composantes de l’espace algérien pourront se reconstruire sans avoir dans les roues des kabyles laïcs, démocrates et libres.

La Kabylie ayant pris le large, l’Algérie pourra enfin assumer sans peine son Etat arabo-islamique…

Le régime arabo-algérianiste pourra enfin perdurer et continuer de voler et de piller sans que personne ne vienne troubler le sommeil du peuple algérien. A moins que…

Cinq étapes à franchir avant d’emprunter la voie référendaire tant attendue :

L’indépendance acquise, la Kabylie pourra enfin se reconstruire et découvrir ses ressources propres. Elle prendra à nouveau conscience de sa singularité propre et de son existence.

La Kabylie confiante en elle-même produira, elle créera ses propres richesses, ses propres industries. Elle ajoutera encore d’autres noms au classement Forbes. Elle pourra enfin créer une industrie grise car c’est bien connu, la marque de fabrique de la Kabylie, c’est son intelligence. Pour cela elle pourra compter sur une diaspora forte de millions d’âmes. Cette même diaspora sans qui l’espace algérien n’aurait pas pu traverser les vaches maigres des années 80 et 90.

La Kabylie pourra ouvrir son espace aérien et maritime à la concurrence le temps de disposer d’une compagnie aérienne et maritime nationale. Elle fera commerce comme elle l’a toujours fait avec le reste du monde à commencer par ses voisins proches. Elle développera les énergies renouvelables et un secteur agricole durable et autosuffisant. Elle enseignera sa langue et sa philosophie à tous les enfants du pays. Elle permettra aussi au sous-continent Tamazgha de prendre conscience de sa propre histoire et de sa propre existence. Loin des soubresauts arabo-islamiques qui secouent encore en 2016 le corps malade de l’empire ottoman.

La Kabylie pourra enfin faire ce qu’elle sait faire de mieux : contribuer à faire tourner la roue de l’humanité. Et cette fois-ci contribuer avec son propre étendard aux Arts, aux Sciences et aux droits imprescriptibles de l’humanité.

Vive les Archs Républicains ! Vive la Kabylie !

Salem AT SEYD

SIWEL 031732 MAI 16

Laisser un commentaire