BAMAKO (SIWEL) — Dimanche, 28 juillet, débutera l’élection « historique » d’un président « démocratiquement élu » en république françafricaine du Mali. La « Cour constitutionnelle » a retenu le chiffre de 28 candidatures, un véritable record de démocratie. 24 figurants et 4 acteurs. Mais 10 jours avant le jour fatidique, sur les 4 candidats en lice susceptible de gagner les faveurs de la France qui organise et sponsorise le concours, il y en a quand même un, Tiébélé Dramé, qui a renoncé à briguer le « rôle ». Aussi, sur les 3 candidats restants, un seul sera choisi par François Hollande et son administration. Qui sera l’élu(e) de la Françafrique au Mali?
Mais avant de faire le tour d’horizons des « candidats », rappelons que le candidat Tiébélé Dramé s’est retiré de la course le 17 juillet dernier. Il avait en effet outrepassé ses prérogatives et avait demandé le report de la date fixée, au 28 juillet, par François Hollande. Ce qui lui a été catégoriquement refusé.
Acceptant mal la trop flagrante gestion française du Mali, il a finit par dénoncer « un processus électoral bâclé, conduit dans l’autisme » avant de constater ironiquement que « le chef de la diplomatie française (Laurent Fabius : NDLR) est devenu le Directeur général des élections quand il parle du vote des réfugiés, celui des déplacés et celui de la diaspora » avant de rajouter qu’il « ne savait pas que Laurent Fabius avait été nommé par le président Traoré à la place du général Siaka Sangaré ». Il a mal supporté la trop flagrante humiliation et s’est retiré du concours. Mardi dernier, il a donné ses consignes de vote en faveur du candidat Soumaïla Cissé qui a également montré, mais dans une moindre mesure, quelques signes de protestations au flagrant délit français.
1) Ibrahim Boubacar Keïta, ancien Premier ministre et ancien président de l’Assemblée nationale. Il est le Président du Rassemblement pour le Mali.Son éducation a été faite à Paris : d’abords au lycée Janson-de-Sailly à Paris, puis à l’Université de Paris I- Panthéon Sorbonne. Il a été chargé de recherche au CNRS et a enseigné les systèmes politiques du Tiers-Monde à l’Université de Paris Tolbiac. Il a été également directeur-représentant de Terre des Hommes France (TDHF), une ONG française.
Son avantage : En 1999, il est élu vice-président de l’Internationale socialiste, une organisation que connait bien le Parti Socialiste, actuel parti au pouvoir en France. Autant dire que ce candidat a de bonnes chances d’être l’heureux élu.
Son inconvénient : il n’a pas vraiment de programme mais cela ne constitue pas vraipment un handicap. Les programmes politiques et leur application étant du ressort de l’administration centrale françafricaine. Il suffit d’être bien sage et de bien comprendre les consignes pour se maintenir favori.
2) Haidara Aissata Cissé, dite CHATO, ou la dame de fer, est une « élue » du président Amadou Toumani Touré (ATT) dans la ville touareg de Bourem. Grande amie de l’ancien président ATT, c’est la seule femme qui participe au concours français du meilleur candidat à la présidence françafricaine au Mali. Persuadée que l’élection se jouera en deux tours, elle a « la conviction que les Maliens la porteront au second tour ». Produit de la France, elle été formée au Brevet de Technicien Supérieur en Comptabilité à Paris et a également été formée au syndicalisme avec 2 organisations syndicales françaises :Force ouvrière et la CGT.
Son avantage : elle a fait le tour du monde, surtout en Europe et en France plus particulièrement, pour faire campagne contre les porte-parole du MNLA et assurer la campagne diffamatoire contre le combat de libération du MNLA et ainsi assurer l’amalgame médiatique entre touaregs et islamo-terroristes ; thèse véhiculée par l’AFP et l’ensemble de la classe politique française, de gauche en particulier. Elle a donc bien assumé son rôle et sa voix de « femme musulmane » a été importante pour éviter que la France ne soit accusée de mener une « croisade ».
Son inconvénient : fervente partisane de l’éradication du MNLA, elle a publiquement critiqué les « amicales pressions » françaises qui ont obligé les maliens à souscrire, de force, aux accords de Ouagadougou. Sa docilité n’étant pas complètement parfaite, son rôle se bornera probablement à celui du « lièvre » pour tromper les grands crédules.
Son second grand inconvénient : elle a la réputation sulfureuse d’être une habituée du palais de Koulouba et est accusée par bon nombre de maliens d’avoir largement gouté à la soupe des narcotrafiquants qui assurent avec les islamistes la ruine du pays touareg; ce qui n’est pas bon pour la réputation française, déjà bien trop écornée pour se rajouter une couche supplémentaire avec le narcotrafic ; ça peut faire un peu trop d’un seul coup. Ses chances d’accéder au rang de favorite pour la république françafricaine du Mali sont donc quasi nulles.
3) Soumaïla Cissé , ancien Secrétaire général de la présidence puis ancien ministre de l’Economie et des Finances, il est fondateur du parti de l’Union pour la république et la démocratie. Candidat en 2002, il avait mis l’ancien président Amadou Toumani Touré (ATT) en ballottage mais sa candidature n’avait pas convaincu la France qui lui a préféré ATT, probablement un peu plus docile.
Son avantage : c’est un candidat intellectuellement crédible qui dispose d’un réel bagage intellectuel qui pourrait éventuellement donner de la crédibilité à son « élection ». Formé dans les écoles françaises, il obtient d’abord à Grenoble une licence de mathématiques appliquées, puis à Montpellier, il obtient une Maîtrise des méthodes informatiques appliquées à la gestion et sort major de sa promotion et obtient également le diplôme d’Ingénieur en informatique et en gestion ; et enfin à Paris , à l’Institut d’administration des entreprises, il obtient le Certificat d’aptitude d’administration des entreprises de Paris. Autant dire que son bagage intellectuel donne du poids à sa « candidature ».
Son inconvénient : il est fâché avec les putschistes de Bamako (Sanogo et donc Dioncounda Traoré) et il est à l’origine d’une gênante polémique sur l’organisation d’une fraude à grande échelle. Ce qui n’arrange pas l’administration de la métropole qui veut en finir à tout prix avec le problème de la légitimité institutionnelle au Mali.
En effet, Soumaila Cissé accuse le ministère de l’Administration territoriale de préparer un « coup d’Etat électoral ». Autant dire qu’il accuse la France d’organiser une gigantesque fraude, à défaut de parler d’une gigantesque farce. Il n’a pas non plus apprécié la présence du MNLA aux côté de l’armée française à Kidal. Il a qualifié cet évènement de « verrue qu’il faut traiter ». Mais, sur cet aspect, il a visiblement été entendu puisque le MNLA a été utilisé par Serval comme chaire à canon avant d’être lâchement trahis.
Hormis ces quelques « différents » avec la France, Soumaila Cissé a de solides chances d’être l’élu de la France. Il a l’immense avantage d’apporter de la crédibilité à ce scrutin, même s’il en critique « quelques aspects ».
Le principal avantage d’ Ibrahim Boubacar Keïta réside dans ses liens solides avec l’internationale socialiste, et ça tombe bien, c’est justement le parti socialiste qui est actuellement au pouvoir ; tandis que le principal atout de Soumaila Cissé réside dans le fait qu’il est tout de même le candidat le plus qualifié à donner un semblant de crédibilité.
Haidara Aissata Cissé, quant à elle, jouera le rôle du lièvre, le narcotrafic n’étant pas de nature à être assumé publiquement, l’administration françafricaine se résoudra certainement à la sacrifier dès le premier tour.
La France aura certainement à faire le choix entre le cœur, (Ibrahim Boubacar Keïta), et la raison (Soumaila Cissé). Les paris sont ouverts.
zp,
SIWEL 261419 JUI 13