EXIL (SIWEL) — Dans le cadre d’une réunion de l’exécutif du MAK qui s’est tenue en Kabylie le 15 octobre, le président de l’Anavad a adressé un message aux participants. il revient sur l’Autodétermination et l’indépendance, le rôle de l’Anavad, les pressions du régime algérien et ses stratégies pour diviser le mouvement souverainiste. Le président de l’Anavad a également annoncé qu’une première fournée d’ambassadeurs kabyles à travers le monde qui sera rendue publique le 28 octobre 2016. Ci-dessous le message du président dans son intégralité.

 

Message du Président de l’Anavad à l’Exécutif du MAK

Yessetma, aytma, azul.

Avant tout, je tiens à saluer la tenue de cette première réunion de l’Exécutif du MAK après la crise interne que nous venons de vivre et que j’espère est derrière nous. La raison a fait valoir auprès de chacun de nous la nécessité de faire passer l’intérêt supérieur de la Kabylie avant toute autre considération.

Mes salutations vont en même temps à tous les militants, cadres et responsables qui ont été secoués par ce qui s’est passé sans pour autant être ébranlés dans leur conviction quant à la justesse de notre combat pour l’indépendance de la Kabylie.

Bien entendu, comme pour un abcès, cela ne se résorbe pas d’un seul coup. La plaie peut continuer à suppurer pendant quelques semaines mais sa guérison est certaine.

Je saisis cette occasion pour rappeler que le MAK n’est pas un parti où l’on gère des carrières mais un front dans lequel chaque membre s’est engagé corps et âme pour mener la bataille de la libération du peuple kabyle de la nuit coloniale qu’il traverse depuis le 24/06/1857 et pendant laquelle la France a transmis le relais à l’Algérie .

Le Troisième Congrès du MAK s’était tenu dans des conditions à la fois héroïques et handicapantes ; dans des conditions héroïques, car il s’était tenu au nez et à la barbe de l’ennemi qui, avec tous ses services d’information et de répression n’avait pu intercepter qu’un quart de nos congressistes ; dans des conditions handicapantes, car elles n’ont pas permis ni l’examen en profondeur des textes qui lui étaient soumis ni le débat nécessaire à leur adoption de manière démocratique. Si l’on y ajoute mon exil, vital pour l’exercice de mes lourdes responsabilités, on comprend aisément qu’une dimension de cette historique rencontre en a été amputée. J’aurais tant aimé être parmi vous, consulter un par un, aussi bien les militantes et les militants que les cadres et les élus aux plus hautes fonctions pour adopter dans le plus grand consensus possible les mesures de transformations qu’impose la nouvelle étape de notre combat politique.

Redéfinir la mission de chacun, imprégner tout militant de l’exigence de succès à laquelle il est tenu dans sa réalisation, et cela dans la discipline et l’honneur, sont des impératifs vitaux pour réunir les conditions indispensables à la l’affranchissement de la Kabylie de la domination coloniale inadmissible qu’exerce sur elle l’Algérie.

Aytma, Yesstma,

Nous sommes tous des militants et un militant est avant tout un soldat politique. Un soldat est un homme ou une femme dévoué(e) et discipliné(e), ne discutant pas les ordres et la hiérarchie. C’est la discipline qui fait son succès, la discipline est la condition sine qua non de la liberté et de la démocratie. Un soldat est politique quand il est pacifique, il n’est armé que de ses convictions et de ses compétences. Mais ce n’est pas parce que l’on est politique et pacifique que l’on ne doit pas se comporter en soldat. Bien au contraire ! L’Histoire n’enregistre de révolutions abouties que là où il y a eu des organisations disciplinées, hiérarchisées, solidaires et refusant toute improvisation dans l’exécution des missions. Ceux qui se rebellent contre leur chef sèment le doute et le trouble dans les esprits, défont les solidarités internes et externes et s’en remettent au clanisme et à la dislocation de leur organisation. La rébellion contre la hiérarchie, dans la plupart des cas, n’ayons pas peur des mots, est une trahison de la cause et de son organisation. Si, ceux qui ont agi dans ce sens pendant ces moments de flottements ne savaient pas la gravité de leurs actes, nous passons l’éponge. Demain ce ne sera pas le cas.

Par ailleurs, nous avons eu, depuis le début, une évolution ascendante que nous avons pour devoir de poursuivre jusqu’à son objectif ultime, l’indépendance de la Kabylie.
Partis de la Déclaration du 05/06/2001 revendiquant timidement un statut particulier pour la Kabylie, nous avions réussi à faire d’un tabou un débat. Nous sommes parvenus, depuis le Premier Congrès du MAK (14/08/2007) à redonner une conscience nationale à la majorité des Kabyles, à leur faire admettre une évidence, qu’en tant que Kabyles nous formons un peuple qui, au même titre que tous les autres peuples, a droit à la vie et à la liberté.

La mise sur pied de l’Anavad a été un acte de rupture définitive avec le militantisme ordinaire hérité du MCB, du FFS ou du RCD. Il a constitué un point de non-retour pour l’avenir de liberté du peuple kabyle. Le destin en est définitivement jeté. Cet acte majeur a fait d’une pierre plusieurs coups :

1) La revendication d’autonomie affirmée par le Congrès d’Ighil Ali était de fait dépassée. L’avènement de l’Anavad ne s’accommode que de la revendication d’autodétermination du peuple kabyle. Il n’y a jamais eu de Gouvernement Provisoire au monde dédié pour une revendication d’autonomie. Un gouvernement provisoire ne poursuit d’objectif que celui de l’indépendance de son peuple. Toutefois, pour que cette mutation se fasse en douceur, nous avions commencé à expliquer le droit à l’autodétermination de la Kabylie comme un choix démocratique entre plusieurs options avec une insistance et une préférence croissantes pour l’indépendance. Là aussi, faut-il le rappeler, dans aucun pays au monde où ce droit référendaire a été exercé, il n’y avait eu plusieurs choix. Un référendum ne pose qu’une seule question à laquelle il faut répondre par OUI ou par NON. Dans le cas de la Kabylie nous aurons pour unique question celle-ci : Etes-vous pour l’indépendance de la Kabylie ? Au peuple de choisir souverainement OUI ou NON.

2) L’Anavad nous a fait sortir du huis-clos avec nos colonisateurs. Il a internationalisé la question kabyle.

3) L’Anavad est celui qui protège les militants de la répression. S’il n’y avait pas le Gouvernement Provisoire Kabyle en exil, les hauts-responsables, les cadres et les militants du MAK auraient été jetés en prison comme cela a été le cas pour ceux du M’zab

4) L’Anavad est une instance hors d’atteinte des pressions que tente d’exercer le pouvoir colonial algérien sur les responsables du MAK, au plan interne. C’est l’impossibilité d’atteindre le président de l’Anavad qui a poussé le pouvoir des Bouteflika au harcèlement policier que vous subissez ces derniers temps.

Suite à cet échec de démanteler l’Anavad par pressions directes, un Plan B a été mis en place par le régime colonial. Il consiste à faire voler en éclats notre structure en agissant sur deux axes :

a)- Trouver les failles internes au MAK où, par convocations successives, la police tente de déceler les fragilités psychologiques en chacun de nos cadres et militants. D’ailleurs, la parade consiste, comme nous l’avons déjà dit, à ne pas répondre aux convocations, et dans le cas où la police intercepte quelqu’un, il y a lieu de refuser de répondre aux questions durant l’interrogatoire, ce qui est un droit absolu.

b)- Fracturer la relation MAK-ANAVAD sur deux fronts :

– Profiter de la bicéphalie pour opposer les deux présidents entre eux et faire en sorte que les militants s’opposent entre eux en prenant position en faveur de l’un ou de l’autre président. La division fera le reste.

– Distiller une propagande au sein des militants pour opposer l’Intérieur à l’Extérieur en rappelant l’exemple du Congrès de la Soummam du FLN où Abane Ramdane avait institué deux principes fondamentaux : La primauté du politique sur le militaire et celle de l’intérieur sur l’extérieur. On traitera les membres de l’Anavad de salonnards et de fainéants face aux militants de l’intérieur qui exposent leur liberté en permanence. Mais une fois l’Anavad séparé des militants de l’intérieur ceux-ci seront livrés pieds et poings liés à la police algérienne.

Cette opposition entre l’intérieur et l’extérieur appelle deux remarques : La première est que l’intérieur et l’extérieur sont indissociables l’un de l’autre et qu’ils sont les deux faces d’une même médaille : la Kabylie militant pour son indépendance. Les séparer relève d’un travail de sape. La deuxième remarque qu’appelle cette séparation entre l’intérieur et l’extérieur est le fait qu’en son temps déjà, Abane Ramdane avait réalisé combien il s’était trompé sur ce principe. Trois mois après le Congrès de la Soummam, il s’était retrouvé pour de bon à Tunis où il avait fait fi de ce qu’il avait énoncé à Ifri. Il était le leader naturel et incontesté de la Révolution et personne de l’intérieur n’aurait osé protester contre une de ses décisions prises à partir de l’extérieur.

Yesstma, aytma,

La situation que nous traversons n’est ni plus dangereuse ni plus aisée que toutes celles dont nous sommes déjà sortis vainqueurs. Le MAK a grandi, c’est une donnée à ne plus perdre de vue. Pour répondre aux exigences de l’heure, il est indispensable d’opérer les changements qu’appelle notre combat. Clarifier, une fois pour toutes la notion de droit à l’autodétermination en tant que droit à l’indépendance de la Kabylie. Le plus tôt nous serons clairs, plus compacte sera la masse du peuple kabyle qui viendra très vite adhérer à notre objectif. Le PEK devra impérativement devenir le PIK (Projet pour l’Indépendance de la Kabylie).

Qu’on ne s’y trompe pas, le conflit d’autorité entre leaders d’une même organisation mène droit vers la dislocation de celle-ci. Il y a lieu d’y mettre un terme définitif.

La confusion dans l’objectif stratégique d’une organisation de libération d’un peuple lui est aussi mortelle que celle dans ses leaders. Amdan ad iwwet azrem s aqerru !

Pour ces deux objectifs, un Conseil National nommé conjointement par le MAK et l’Anavad, réuni en session extraordinaire dans les trois mois, pourra suffire pour les réaliser en attendant le prochain congrès statutaire que j’espère va se réaliser dans l’indépendance de la mère-patrie, la Kabylie.

Nous aurons d’autres missions à confier à ce Conseil dont celle de rédiger un règlement intérieur et un code de conduite, je dirais un code d’honneur pour chaque militant pour faire du MAK une puissante organisation politique sur laquelle seront bâties de solides institutions de la Kabylie indépendante.

Du côté de l’Anavad, Mas Lhacene Ziani est méthodique et efficace. Il vous accompagnera avec tous ses ministres dans la réalisation de vos missions et qui resteront près de vous pour vous accompagner et vous assister en cas de besoin. Il sera aussi avec vous pour réaliser cette œuvre monumentale à laquelle il s’attèle depuis plus d’un an, celle de mettre sur pied un parlement kabyle, le plus représentatif possible.

Au niveau qui est le mien, j’annonce que la première fournée d’ambassadeurs kabyles à travers le monde sera rendue publique le 28/10/2016. La Cour de Justice Kabyle, le Fonds de Souveraineté de la Kabylie, la télévision sont à mon programme en concertation avec le MAK et l’Anavad. Pour le moment je peaufine la rédaction du Mémorandum d’autodétermination de la Kabylie que nous aurons à présenter à l’ONU.

Pour clôturer mon intervention, je présente mes excuses à toutes celles et tous ceux, sincères, qui n’ont pas compris le sens de ma démarche au point de me traiter de stalinien ou de croire que je me prenais pour un Roi. Loin de moi ce genre de considérations. L’Histoire est une monture qui, à des étapes données d’un combat comme le nôtre, a besoin d’un coup de fouet pour aller plus vite. Nous avons accompli des miracles. Nous avons pour devoir continuer et de faire en sorte que nous fassions chaque jour beaucoup plus et mieux. Nos responsables régionaux doivent être sur le terrain tous les jours. Nous ne pouvons pas nous satisfaire d’une moyenne d’un à meeting tous les deux ou trois jours. Nous devons avoir plusieurs conférences et plusieurs meetings par jour et dans toutes les régions de Kabylie.

Bon courage ! L’Histoire nous attend. Notre détermination collective est notre seul gage de réussite.

Je souhaite plein succès à vos travaux.

Exil, le 22/10/2016
Ferhat AT S3id (MEHENNI)
Président de l’ANAVAD

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