Cet article s’inspire pour certaines données techniques de l’article du journaliste Nicolas Beau paru dans Monde Afrique basé sur le travail de Charlotte Touati, chercheuse affiliée à l’université de Lausanne, spécialiste des sujets sûreté-défense dans la Corne de l’Afrique et Afrique du Nord.
par Raveh Urahmun, sociologue
Le projet d’exploitation du gisement de zinc et de plomb de Tala Hamza-Amizour est en phase finale de validation légale et administrative, en vue du lancement prochain des travaux. Il s’étend sur une superficie de 134 km², englobant les communes de Tala Hamza, Amizour, Boukhelifa, El-Kseur et Oued Ghir. La mise en production est prévue pour juillet 2026.Tala Hamza, ce n’est pas qu’un sous-sol minier. C’est avant tout le bassin versant de la Soummam, une zone classée RAMSAR pour sa richesse écologique et sa biodiversité unique. Au-delà de ce périmètre protégé, les concessions minières s’étendent également sur des terres agricoles stratégiques, essentielles à la sécurité alimentaire de la Kabylie. Ce projet menace ainsi directement un territoire vital, densément peuplé : le corridor de la Soummam, entre El-Kseur et Vgayet, qui abrite près de 320 000 habitants.
Un décret exécutif (n°23-320) a récemment classé Tala Hamza en « opération d’utilité publique », autorisant l’expropriation des terres privées nécessaires à la construction de la mine, des routes d’accès et des infrastructures associées, tout en réduisant drastiquement les possibilités de recours juridiques. Aucune consultation populaire n’a eu lieu. Cela n’étonne guère, tant l’État algérien est conscient du lien viscéral du peuple kabyle à sa terre. Pour le peuple kabyle, ce projet est vécu comme une atteinte culturelle grave, une agression existentielle.
Une menace écologique, sanitaire et alimentaire majeure
Ce projet industriel représente un risque écologique et sanitaire sans précédent : pollution de la nappe phréatique du Djurdjura, contamination de l’air, des sols et des ressources alimentaires, destruction des terres cultivables. Une atteinte grave à la souveraineté alimentaire des populations environnantes et de de la Kabylie en général rendant ses habitants dépendants de l’extérieur pour leur survie.
Au-delà de la pollution, les dangers liés à l’exploitation du plomb sont bien documentés : effets neurotoxiques, maladies chroniques, risques pour les enfants et les femmes enceintes. (J’invite les Kabyles à s’instruire de ce fait. Il y va de l’avenir de leur enfants). Il est également question de risques géologiques graves dans cette région déjà sensible (glissements de terrain, instabilité sismique…).
Vers un déplacement massif des populations
Une autre conséquence, plus sournoise mais tout aussi redoutable, est le déplacement massif de populations. Ce projet s’inscrit dans la politique « zéro Kabyle » décidée dans les plus hautes instances de l’Etat algérien qui se poursuit à plus grande échelle faisant suite aux feux criminels de 2021 à 2025, le refus de médicaments envoyés par la diaspora kabyle lors de la période de la Covid, la terreur, les emprisonnements arbitraires massifs, l’exil forcé de la jeunesse, le remplacement progressif des populations locales et désormais, leur dispersion. Ces populations seront déracinées, éloignées de leurs terres ancestrales, de leur mémoire collective, de leur culture. Et c’est certainement l’objectif principal du régime.
Comme je l’ai déjà écrit, cette politique semble s’inspirer de la sinistre théorie nazie des trois tiers :
– Un tiers doit périr,
– Un tiers doit être emprisonné ou exilé,
– Un tiers doit être soumis, réduit à l’état de serviteur.
– Une militarisation accrue pour un contrôle total
L’autre ambition réelle de l’Etat algérien est le renforcement de la mainmise sur Vgayet et la Kabylie dans son ensemble, à travers une militarisation accrue, comme si plus d’un tiers des effectifs militaro-sécuritaires déjà déployés ne suffisait pas. Le régime invoquera certainement la sécurisation de la mine et de ses alentours.
Le droit international et peuples autochtones
Il est essentiel de rappeler que la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (UNDRIP), adoptée en 2007, stipule clairement que ces communautés ont le droit à l’autodétermination, incluant le contrôle de leurs terres et ressources. L’article 26 affirme ce droit de manière explicite, tout comme le principe du consentement libre, préalable et éclairé qui oblige les États à consulter les peuples autochtones avant tout projet affectant leurs territoires. Ce principe repose sur la reconnaissance des liens spirituels, culturels et économiques uniques que les peuples autochtones entretiennent avec leurs terres et que ces relations doivent être respectées dans toutes les activités d’extraction des ressources. ».
L’Algérie a pourtant signé la Convention 169 de l’Organisation internationale du travail (OIT), ainsi que la Déclaration américaine sur les droits des peuples autochtones, qui reconnaissent et protègent ces droits fondamentaux. Pourtant, ces engagements restent lettre morte.
Un cri de colère et d’inquiétude
Personnellement, ce projet me terrifie. Il incarne tout ce que la Kabylie rejette : la dépossession, le mépris, la destruction de l’identité. Pire encore, pour moi, est le silence complice, la lâcheté, voire la trahison d’une partie des élites politiques et intellectuelles kabyles. Certains « algérianistes » osent même soutenir ce régime tout en détournant les yeux face à la disparition programmée de leur propre peuple. Lorsque j’entends les « algérianistes » crier leur soutien au régime et regarde sans brancher la destruction de leur être car, un Kabyle sans la Kabylie n’est plus un Kabyle, mais une ombre, un déraciné que l’histoire jugera, la raison me quitte. Il devient difficile de mettre le terme exact pour les nommer.
Exil, le 20 juillet 2025
Raveh Urahmun
SIWEL 201228 JUL 25
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