ALGER (SIWEL) — Nouria Benghabrit, la nouvelle ministre de l’Education nationale algérienne avait récemment déclaré à des journalistes d’El Watan, que «pour se positionner», «l’enseignement de la langue amazighe doit être obligatoire». Mal lui en prit car quelques jours plus tard, dans un cafouillage absurde qui reflète la schizophrénie de l’Etat algérien, la ministre algérienne de l’éducation a affirmé que l’enseignement de la langue berbère traverse des problèmes « liées à sa normalisation puisque la langue amazigh a un aspect facultatif» (sic) ! … Mais oui madame la ministre, justement ! Du coup, une autre question se pose : si le caractère « obligatoire» n’est pas la solution au caractère «facultatif», le «dispositif de normalisation» lié à la «triple graphie» ne trouverait-il pas, par le plus pur des hasards, sa solution dans la graphie arabe ?
Comme il n’est pas possible de divulguer les raisons éminemment politiques, et raciste, qui motivent sa volte-face, Mme la ministre a eu quelques difficultés à justifier sa reculade et n’a rien trouvé de mieux à dire que : « l’enseignement de la langue berbère traverse des problèmes liées à sa normalisation puisque la langue amazigh a un aspect facultatif »… Autrement dit Tamazight a des problèmes de normalisation parce qu’elle a un statut facultatif mais ce n’est pas en la rendant obligatoire qu’on règlera le problème. Mme Benghabrit propose donc de « mettre en place un dispositif de normalisation » de Tamazight.
Or, le problème de la « normalisation », du point de vue de l’Etat algérien, butte sur un problème majeur, éminemment politique et idéologique, qui est celui du choix de la graphie. Et, autre problème majeur pour l’Etat arabo-islamique d’Alger, il se trouve que pour ce qui concerne la Kabylie, bastion incontestable de la lutte culturelle, linguistique et identitaire, l’étude et l’enseignement de Tamazight dispose d’un capital scientifique qui date de près d’un siècle et demi en graphie latine. De 1887 à 2014, de Bensedira à Si Amar Boulifa, de Mouloud Mammeri à Salem Chaker, toutes les générations de berbérisants, les élites scientifiques et intellectuelles, les écrivains, les poètes, les militants, les jeunes, les vieux, les hommes, les femmes, tous ont laborieusement contribué à enrichir et à capitaliser ce siècle et demi de travaux et de recherche scientifique.
Après avoir placé, d’emblée, l’enseignement de tamazight dans une logique parfaitement intentionnelle de « triple choix » entre les graphies arabe, latine et Tifinagh, en plus de son caractère facultatif et résolument dissuasif, il voudrait aujourd’hui « normaliser » l’enseignement de Tamazight !
Alors maintenant que l’on sait que le caractère « obligatoire» n’est pas la solution au caractère «facultatif», on saura sous peu que le «dispositif de normalisation» lié à la «triple graphie» ne peut trouver de solution que dans la «graphie arabe» qui sera, dans la réalité, la solution qui permettra à l’Etat algérien de mettre à la poubelle un siècle et demi de capital scientifique en matière de recherche et d’enseignement berbérisants, histoire de repartir à zéro sur des bases faussées d’avance et qui ramèneront l’enseignement du berbère dans le giron arabe…autrement dit: retour à la case départ !
mel,
SIWEL 051753 JUIN 14