ZOUARA (SIWEL) – Agissant face à l’autisme du Congrès National général libyen, fortement dominé par les islamistes, les amazighs de la région de Zuwara, qui occupent le terminal gazier de Millitah depuis plus d’une semaine, ont annoncé hier soir qu’ils « fermaient le gazoduc Green Stream » qui fournit 17 millions de m3 de gaz par jour à l’Italie. Le porte-parole des manifestants, Younes Naniss a déclaré à l’AFP « Nous avons donné l’ordre à l’administration du complexe gazier d’arrêter les livraisons de gaz vers l’Italie ». D’autre part, faisant face simultanément aux amazighs à l’Ouest et au Sud et à la Cyrénaïque fédéraliste à l’Est, le Congrès général national (CGN) a enregistré une baisse de plus de 80 % sur les revenus libyen ; une situation provoquée par une chute libre de la production d’hydrocarbures.

 

Hier 6 novembre, le directeur général de la compagnie italienne Eni, Paolo Scaroni, annonçait à l’agence Reuters que « Des Berbères occupant un terminal gazier dans l’ouest de la Libye exigent un arrêt des exportations de gaz vers l’Italie ». En outre, s’adressant à la station de radio italienne Rai 1, Paolo Scaroni a dit « Le terminal de Mellitah est attaqué par des manifestants qui nous ordonnent d’arrêter complètement les exportations vers l’Italie ». C’est en tenue militaires et armés de kalachnikovs que les amazighs de Zouara sont allés occuper plusieurs parties du complexe gazier. « Les armes sont destinées à notre auto-défense », a expliqué M. Naniss, ajoutant toutefois que « la tension était montée d’un cran depuis mardi soir entre les manifestants et le directeur du complexe qui les a qualifiés de pirates ».

Le site gazier de Mellitah est la copropriété de la compagnie publique libyenne National Oil Corp (NOC) et d’Eni, premier opérateur étranger en Libye dans le secteur des hydrocarbures. Depuis plus d’une semaine, ce terminal est effectivement occupé par les amazighs de Libye qui exigent une réelle représentation au sein de la commission chargée de rédiger la future Constitution du pays et exigent par conséquent la modification de l’article 30 qui ne leur accorde qu’une prévision de 6 siège sur les 60 que doit compter la commission de rédaction de la nouvelle constitution.

Younes Naniss, le porte-parole de cette opération de blocage de l’exportation du gaz vers l’Italie, a précisé que les amazighs de la région avaient opté pour l’escalade après la décision du Congrès général national libyen (CGN) de reporter l’examen d’une mesure visant à faire adopter, par consensus et non par un vote, l’inscription de leurs langues et de leurs droits culturels et identitaires dans la future Constitution. En effet, selon les calculs du Congrès général Libyen dominé par les islamistes, les Amazighs du Nord dont ceux de Zuwara, d’Ineffusen et de Yefren, les amazighs du Sud, les Touaregs, ainsi que les Toubous ne doivent compter que six représentants parmi les 60 membres de cette commission. Autant dire qu’ils n’ont aucune chance d’obtenir un vote en faveurs des droits culturels et identitaires par une majorité islamiste.

Aussi, un bras de fer ouvert est engagé depuis le mois de juillet entre les amazighs et le congrès général libyen d’obédience islamiste. En effet, le 23 juillet 2013, le Haut Conseil des Amazighs de Libye, regroupant toutes les régions amazighes, annonçait que tous les amazighs de Libye allaient entamer une désobéissance civile notamment par la mise en œuvre progressive d’un certain nombre de mesures parmi lesquelles la descente des drapeaux libyens, qui a été appliqué, le retrait de tous les représentants amazighs au sein du Congrès général libyen, qui a été fait, la non reconnaissance de la future constitution si elle ne reconnaissait pas leurs droits légitimes, ainsi que la fermeture des sites gaziers et pétrolier, entamée depuis octobre.

Et, en effet, fin octobre, à l’Ouest, les amazighes de Nalut ont fermé une usine de gaz appartenant à la même firme Mellitah Oil & Gas. Plus au Sud, les Touaregs ont bloqué le champ pétrolier de la société espagnole Repsol à El Shara. La production de pétrole, estimée à 330 000 b/j, est totalement bloquée par les Touaregs depuis le 28 octobre.

Les Touaregs et les amazighs de Nalut ont revendiqué leurs actions et ont indiqué qu’elles visaient à faire inclure leurs droits dans la future constitution libyenne.

Les négociations entre le Congrès général national (CGN) et les amazighs qui occupent et bloquent les sites gazier et pétroliers des régions amazighes ont provoqué une crise qui a fait chuter la production d’hydrocarbures et donc les revenus de l’État à plus de 80 %. Le CGN est dans une très mauvaise passe car il fait face aux amazighs à l’Ouest et au Sud, et à l’Est, il fait face à la revendication fédéraliste de la Cyrénaïque où les gardes des installations pétrolières bloquent depuis fin juillet également les terminaux pétroliers de Zueitina, Ras Lanouf et al-Sedra. Pour rappel, la cyrénaïque revendique un statut fédéral pour la Libye et considère que les autorités centrales de Tripoli sont « hors la loi ».

Lundi dernier le président de la commission de crise mise en place au CGN, Abddelwaheb al-Gaied. a indiqué que « La crise dans les terminaux pétroliers se poursuit et la situation est totalement bloquée ». Intervenant lors d’une séance plénière du CGN retransmise par la télévision libyenne, M. al-Gaied a précisé que « les protestataires campaient sur leurs positions ». Dans un article reprenant une dépêche de l’AFP publié par le Monde, le représentant d’une institution monétaire internationale en Libye a averti que si la crise se prolonge, les autorités libyennes pourraient être obligées de puiser dans les réserves en devises : « Si la crise se prolonge, la croissance pourrait être négative en 2013 et le gouvernement sera contraint de puiser dans ses réserves pour pouvoir payer des salaires et honorer ses engagements », a-t-il confié à l’AFP sous le couvert de l’anonymat. Selon la même source, les réserves de la Libye sont estimées entre 130 et 140 milliards de dollars. Dans son dernier rapport, le Fonds monétaire international (FMI) a prévu une croissance négative à -5,1 % pour 2013, en raison de la crise pétrolière, contre 104,5 % en 2012.

zp,
SIWEL 072136 NOV13

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