Depuis le 07/10/2023, Le soutien de la Kabylie pour Israël face au terrorisme du Hamas nous vaut un déchainement de haine sans précédent de la part de certains Algériens. Les passions criminelles sont attisées dans les médias officiels et des appels au meurtre contre ma personne se font écho aux quatre coins des réseaux sociaux, sous les encouragements appuyés des autorités algériennes.
Cette haine, j’y fais face depuis des décennies au point d’en être complètement immunisé. Cette fois encore, je sais que de tension lasse, la poussée de fièvre actuelle finira tôt ou tard par passer.
Que nous reprochez-vous en vérité ?
Vous me reprochez à moi et aux militants du MAK, d’oser revendiquer le droit du peuple kabyle à se libérer de l’Algérie par des voies pacifiques et à mettre un terme au colonialisme algérien qui dure depuis 1857. Les graves événements du Hamas ne sont qu’un prétexte conjoncturel pour, non pas nous condamner pour notre soutien aux civils israéliens mais pour notre défense constante du droit de la Kabylie à son indépendance. Toutefois, revenons à l’expression de votre colère, feinte ou réelle.
D’après vos réactions sur les réseaux sociaux, vous nous reprochez de nous indigner du massacre de femmes, d’enfants et de civils désarmés, perpétré par des terroristes du Hamas que l’opinion algérienne prend à tort pour des résistants palestiniens. C’est l’un des points que je vais aborder après quelques précisions supplémentaires préalables.
Si les amalgames, les coups de bluff et les mensonges qui construisent la manipulation de masse sont inopérants sur le vaillant peuple kabyle qui en connaît les ficelles et qui nous soutient dans notre démarche en faveur du droit à l’autodétermination de la Kabylie, je relève que certains Algériens politiquement vulnérables, sont psychologiquement perméables au discours de haine contre les Kabyles. Le régime les énerve et les dresse facilement contre nous. Cela permet d’oublier sa malvie, les pénuries de lait, d’huile, de semoule et de légumes secs…
Je m’adresse donc particulièrement à vous, Algériens qui êtes en colère, et le mot colère est faible, contre moi et contre tous ceux qui, comme moi, ont le sens du devoir vis-à-vis d’eux-mêmes et vis-à-vis des autres peuples.
Regardez-moi droit dans les yeux, sans crainte, car je ne suis pas le diable pour lequel on vous demande de me prendre et essayez d’entendre mon propos. Je suis un homme de paix, un homme de culture que le déni de droit opposé au peuple kabyle a transformé en homme politique. Je ne suis ni le voleur qui pille vos richesses, ni le dictateur qui vous écrase et vous prive de vos droits et libertés les plus élémentaires. Je ne suis pas ce général, ce gendarme ou ce policier qui vous humilie, vous violente et vous menace. Je n’ai jamais de ma vie commis un acte terroriste, je me l’interdis, quelles qu’en soient les raisons. J’ai pour obligation morale d’honorer la Kabylie et non de piétiner ses valeurs qui, pour moi, sont sacrées.
Le pouvoir algérien qui est la cause de tous vos malheurs collectifs a toujours besoin de détourner votre regard de ses propres crimes pour le canaliser sur ses adversaires politiques qu’il vous demande de prendre pour vos ennemis. N’en soyez plus dupes.
Partout dans le monde, le projet que nous portons trouve son équivalent. Ses partisans et ses adversaires en débattent le plus normalement du monde dans leurs assemblées les plus hautes. Notre conception de la politique est celle qui valorise la démocratie, la confrontation des idées et non celle des hommes. La solution militaire n’est pas la nôtre.
En tant qu’artiste et en tant que poète, je suis très sensible à la détresse humaine. En tant qu’intellectuel, j’ai pour devoir de ne pas mâcher mes mots, ni de me cacher derrière mon petit doigt. J’ai tant de fois sacrifié mes intérêts et mes amitiés sur l’autel de mes valeurs et de mes principes. J’exprime ma peine devant la douleur des autres et je m’autorise le courage d’assumer devant Dieu et les hommes mes positions et mes convictions.
Les présentations étant faites, revenons à ce que vous me reprochez pour voir qui, de vous ou de moi, serait dans l’erreur.
Les milices du Hamas ont massacré des centaines de femmes, enfants et vieillards, tous abattus de sang-froid, le 07/10/2023. Ces miliciens s’en glorifient en se filmant eux-mêmes en train de commettre ces horreurs comme s’il s’agissait de hauts faits d’armes. Pourtant, tuer des femmes et des enfants n’a rien de glorieux. Jamais ! Tuer des civils désarmés relève de la lâcheté. Le comble de l’ignominie est de tuer quelqu’un pour sa nationalité, sa religion, son genre ou ses origines humaines. Être Juif ou Israélien, Arabe ou Kabyle ne devrait en aucun cas faire de nous un homme à abattre mais un être humain avec lequel on pourrait construire un monde d’amour, de paix, de justice et de liberté. Que j’exprime dans le cas de ce crime contre l’humanité ma solidarité avec les victimes est chose normale, logique et naturelle. Qui plus est, relève de mon devoir.
Imaginez-vous à la place des victimes Que vous soyez vous, vous ou vos proches, massacrés à la place des Israéliens. Trouveriez-vous juste qu’un gouvernement lointain s’en félicite, comme vient de le faire l’Algérie ? Bien sûr que non ! D’ailleurs il y a des précédents en Algérie. Le GIA et le GSPC qui terrorisaient l’Algérois dans les années 90, massacraient des localités entières, souvent, après y avoir violé les femmes. C’était à Ben Talha, Sidi Youcef… Y avait-il un pays ou un peuple qui refusait de se solidariser avec les victimes du terrorisme ? Soyez logiques. Vous ne pouvez pas dénoncer et combattre le terrorisme chez vous tout en l’encourageant ailleurs. Le Hamas d’aujourd’hui, c’était le GIA, le GSPC, l’AIS et l’AQMI d’hier en Algérie. Il n’est pas cohérent de saluer le Hamas, de présenter ses actes comme étant héroïques et de dénoncer comme crimes terroristes ceux perpétrés par les éléments armés de l’ex FIS. Dans les deux cas, il me semble que tous ceux qui prennent des assassins pour des héros devraient interroger leur conscience.
Le Hamas, de mon point de vue, est une organisation nihiliste qui n’active pas pour l’indépendance de la Palestine. La preuve ? Dès sa création, il a eu pour acte fondateur l’assassinat de tous les militants du Fatah, dans la bande de Gaza qu’il s’est accaparée. Son modus-vivendi s’apparente davantage à celui d’Al Qaeda et de Daech. Il sert des intérêts étrangers dont il tire ses ressources.
Pour bien préciser notre position sur le point du droit à un foyer national pour chaque peuple, je suis le premier à le revendiquer à cor et à cri. Chaque peuple se choisit la démarche qui correspond à ses convictions, sa stratégie et sa tactique. Pour ce qui concerne la Kabylie, nous avons adopté la voie de la paix, de la négociation et de la référence au droit international. Nous œuvrons à obtenir notre indépendance dans le cadre du droit et sous l’égide des instances internationales.
Il n’est pas logique d’un côté de soutenir le droit des Palestiniens à leur État et de combattre ce même droit réclamé par les Kabyles.
J’invite tous ceux qui sont contre l’aspiration légitime du peuple kabyle à son indépendance, tout en soutenant de toutes leurs forces, celle des Palestiniens, à s’interroger sur leur contradiction. A commencer par le pouvoir algérien qui maintient la Kabylie sous le joug colonial alors qu’il s’érige en défenseur du droit à l’autodétermination dès lors qu’il s’agit des Palestiniens. Ce qui est un droit pour un peuple l’est aussi pour tous les autres ! Ne laissez pas le désespoir faire de la Kabylie une Palestine algérienne.
Le MAK et l’Anavad sont pétris de nobles sentiments et de grandes valeurs humaines. Ce ne sont ni des criminels, ni des barbares. Au contraire, ils sont les dernières colombes de la Kabylie.
A bon entendeur !
Exil, 12/10/2023
Ferhat MEHENNI
SIWEL 122203 OCT 23
LIEN DE L’ALLOCUTION DU PRESIDENT FERHAT MEHENNI DU 12/10/2023 :
https://www.facebook.com/Siwel.news/videos/1470995803749862