Les chanteurs qui brandissent le drapeau kabyle sont dans le viseur des autorités coloniales

ENQUÊTE (SIWEL) —  Plusieurs chanteurs kabyles brandissent fièrement le drapeau kabyle, lors des galas notamment. Parmi eux, il y en a qui revendiquent, à travers leurs chansons ou lors de leurs sorties médiatiques, leur engagement pour l’indépendance de la Kabylie. Et tous ont affaire au pouvoir algérien qui cherche à les faire taire.

Il ne s’agit pas ici de parler de tous les chanteurs qui ont dû faire face à l’anti-kabylisme du pouvoir algérien mais de revenir sur des cas édifiants dont nous avons été mis au courant.

Zedek Mouloud :

La dernière fois qu’il a fait un concert dans un cadre officiel algérien remonte à 2012, au stade Oukil-Ramdane. Depuis que le ciseleur de mots kabyle a participé au déjeuner républicain le 03 août 2013, il a été rayé de la liste des artistes à inviter lors des « activités culturelles » de l’état algérien.

Zedek Mouloud, qui est sur le point de boucler une brillante tournée internationale, brandissant à chaque concert le drapeau kabyle (comme ici aux USA ou encore ici à Saint-Denis), a été également exclu de la radio Tizi Ouzou, qu’il a d’ailleurs citée dans une de ses chansons, depuis au moins 2 ans.

Quand l’auteur de la célèbre chanson « Lihala n Tmurt » se produit en Kabylie, c’est grâce à des invitations d’associations culturelles, de villages ou d’organisateurs privés.

Malika Domrane :

Bien que n’ayant pas explicitement exprimé une adhésion au projet de l’indépendance de la Kabylie, la diva kabyle a brandi fièrement le drapeau kabyle lors de la traditionnelle célébration de Yennayer à l’hôtel de ville de Paris, le 12 janvier dernier, alors que tous les regards et toutes les caméras étaient orientés vers elle. Sur place, il y avait Anne Hidalgo, la maire de Paris, mais aussi l’ambassadeur algérien. Quelques jours plus tard, elle a eu des informations qu’elle n’allait plus passer sur les ondes a « chaîne 2 » (kabyle) de la radio algérienne. C’est l’information que nous avions eue à l’époque de la part de son cercle amical mais nous ignorons si « la punition » a été mise à exécution. En tout cas, toujours selon notre source, Malika Domrane ne s’en souciait pas plus que cela.

Mekhlouf :

Connu pour faire des chansons qui traitent de l’amour, de la jeunesse et de la vie, Mekhlouf affiche, néanmoins, sont engagement pour l’indépendance de la Kabylie. Ajouté à cela, il a osé dénoncer les pratiques du KDS Ould Ali Lhadi, ministre algérien de la jeunesse et des sports, dans une vidéo. Le chanteur a également eu affaire à Benchikh, le PDG de l’ONDA (L’Office national des droits d’auteur), qu’il a interpellé sur son refus à une chanteuse kabyle de parler en kabyle lors d’une rencontre que l’agent de l’Etat algérien a effectué avec les artistes de Tizi Ouzou.

Conséquence, Mekhlouf est bloqué à tous les niveaux. Cela fait 5 ans que la direction de la culture de Tizi Ouzou (anciennement tenue par Ould Ali Lhadi) ferme toutes les portes au chanteur. Pour pallier à cela, Mekhlouf a créé une entreprise afin d’organiser ses propres concerts. Tout était prêt pour le Ramadan, où il comptait organiser des soirées à Tizi Rached et ailleurs en Kabylie. Cela a été tout simplement interdit par les autorités algériennes.

Les chanteurs qui ont appelé à la marche du 20 avril :

Dans une vidéo publiée sur internet, ils étaient 11 artistes kabyles à avoir joint leur voix à celle du mouvement souverainiste en appelant le Peuple kabyle à descendre dans la rue le 20 avril en Kabylie et le 16 avril à Paris. Le 12 juin dernier, nous avons appris auprès d’un journaliste de la « chaîne 2 » que les chanteurs ayant pris part à cet appel sont tous interdits d’antenne désormais. D’après le journaliste, il n’y a jamais d’écrit officiel pour ce genre d’interdiction et les ordres sont donnés oralement. Nous n’avons pas pu vérifier cela, mais le chanteur Amirouche, qui a prit part à l’appel des artistes, a eu des informations similaires qu’il a commentées dans une vidéo : « je ne suis pas un chanteur kabyle de l’état algérien » a t-il martelé avant d’enchaîner : « c’est une fierté pour moi d’être exclu par un pouvoir dictatorial ».

Les organisateurs privés convoqués par la police coloniale : 

C’est notamment le cas lors des spectacles qui ont eu lieu à Boudjima durant le mois de Ramadan, organisés par l’entreprise « Hakim Dj Events ». En effet, l’entreprise a été convoquée par la gendarmerie et le chef de daïra de Makouda. Information que nous tenons des proches de Zedek Mouloud.

L’organisateur a programmé plusieurs chanteurs dont Oulahlou et Zedek Mouloud. Il a alors été convoqué pour avoir la garantie qu’aucun drapeau kabyle ne flottera dans le public. Les autorités algériennes ont également exigé qu’il n’y ait pas de titres « trop engagés » tel que « Pouvoir assassin » d’Oulahlou. Les deux spectacles ont pu avoir lieu et en présence de dizaines de drapeaux kabyles dans le public. A signaler que le soir du 16 avril, exceptionnellement l’électricité  a été coupé dans la localité à 22h, heure du début du spectacle de Zedek Mouloud. La coupure a duré une heure. Au même moment, un concert de Kader Japonais a eu lieu à quelques kilomètres de là, sur le port de Tigzirt. Entrée gratuite pour le concert du chanteur de raï.

Au lendemain du concert de Zedek Mouloud, c’est le maire de Boudjima qui a été convoqué par la gendarmerie coloniale

Et du Raï durant tout le Ramadan en Kabylie :

Mohamed Benchenet, Cheb Mounirou, Kader Japonnais, Houari Manar, Amine, Hicham Smati, Cheba Samira, Cheb Mourad, Cheb Mohamed Sghir, Cheb Hbibe, Cheb Bilal Sghir, Cheb Nadir et plein d’autres encore sont autant de chanteurs de Raï qui ont été programmés à plusieurs reprises durant tout le mois de Ramadan dans des hôtels, des salles, à l’exemple de la salle Tamaghra de Tizi Ouzou ou encore à l’hôtel royal de Vgayet. Mais aussi en plein air, comme ce concert gratuit de Kader Japonais sur le port de Tigzirt et d’autres au stade Oukil-Ramdane.

La réaction du Président de l’Anavad :

Le Président de l’Anavad, que nous avons interpellé sur cette question lors d’un entretien le 25 juin dernier, a tenu à rendre hommage à ces chanteurs qui refusent de plier devant le pouvoir algérien qui cherche à les « affamer ». Il a également interpellé les associations culturelles et les organisateurs privés à donner une place de choix aux chanteurs kabyles engagés pour ces chanteurs qui revendiquent leur identité kabyle, notamment en brandissant le drapeau kabyle, et que le pouvoir algérien cherche à museler.

Plusieurs artistes, que nous ne citons pas dans cet article, font face au boycott algérien. Nous y reviendrons.

nbb
SIWEL 011137 Jul 17 UTC

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