Le grand Muhya, l’immense Muhya qu’il est inutile de présenter nous a quitté il y a 17 ans, le 7 décembre 2004, laissant derrière lui un vide sidéral. Il avait une hauteur d’esprit, d’analyse et de critique, une vision intellectuelle douée d’un pragmatisme étonnant, d’une pédagogie et d’une sagesse exprimées en toute simplicité.
Comme le premier, Muhya restera au cœur de la pensée kabyle. La disparition physique de cet ami de Lycée me bouleverse à chaque fois que je me remémore sa vie. Je me souviens d’un temps où les gens citaient ses dires à l’instar de Muhend U Mhend ou de Cix Muhend : « akken i s-yenna Muhya ».
Oui, il était un génie à tel point que, personnellement, je ne le comprenais pas toujours. Il était un visionnaire qui nous décrivait le futur de la Kabylie avec ses craintes et ses espérances. Il m’arrivait d’être étonné en écoutant certaines de ses propositions qui me paraissaient inabordables tant elles étaient hors de portée à cette époque, voir incongrues mais auxquelles j’adhère entièrement aujourd’hui, auxquelles s’accroche aujourd’hui la grande majorité de la Kabylie.
Je me souviens aussi des larmes de crocodile versées devant son cercueil par certains qui ne ratent jamais l’occasion de montrer patte blanche et de saisir cet instant pour revigorer l’image de leur visage hypocrite.
Muhya manque à la Kabylie d’aujourd’hui comme tant d’autres étoiles, une Kabylie qui, hélas, est à la traine, mais il reste vivant dans les grands cœurs et les grands esprits, dans la mémoire de l’éternelle Kabylie. Ses écrits, ses dires, ses positions ses critiques subtilement acerbes sont tellement d’actualité et tellement vraie sur la situation présente de la Kabyle, d’une partie de son élite devenue lâche et compromise par intérêt (pouvoir ou matériel) ou par son silence complice. Il avait tant averti son peuple quant à ce que « les brobros » sont devenus, stagnant dans les années 80 et faisant d’une date leur ritournelle à jamais. Ils vivent d’un prestige qui n’est plus d’actualité dont ils usent et abusent pour épargner une position d’élite devenue obsolète. Ils continuent, hélas, à drainer une partie du peuple kabyle dans leurs sillages, lui faisant admettre une soumission rampante à une idéologie meurtrière.
Muhend U Yehya leur répliquerait : Ah ya ddin n qessam !
Raveh Urahmun,
Montréal, le 07 décembre 2021
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