[ Pensée à Malek Boudjemaa qui vient de perdre sa mère(1) en étant en prison, pourtant coupable de rien, sinon de sa kabylité.
Ma solidarité inconditionnelle et totale avec tous(tes) nos prisonniers politiques et d’opinion(2)]..
_____ C’est Albert Camus qui disait : « Pauvre et libre, plutôt que riche et asservi. Bien entendu les hommes veulent être riches et libres, et c’est ce qui les conduit quelquefois à être pauvres et esclaves ». Kateb Yacine affirmera plus tard, lors d’une conférence animée dans les années 1980 à Alger : « J’ai vu des hommes résister sous la torture et endurer tant de souffrances, mais je les ai vu aussi succomber devant l’argent. ». Ainsi, l’argent est certes, ce qui aggrave le plus le sinistre phénomène de la génuflexion et de la lâcheté, y compris chez ceux qui ont pu, à un moment donné de leur vie, se positionner contre l’arbitraire, mais l’argent n’explique pas tout, car l’ego démesuré, l’obsession de paraître et d’avoir une aura, le besoin pathologique d’impressionner les petites gens ou d’écraser, quoi qu’il en coûte, un adversaire, la peur ainsi que la nécessité quasi vitale pour un carriériste de voiler sa corruptibilité inductive, sont autant de motivations qui asservissent les politiques et les élites qui, de ce fait, deviennent le meilleur alibi de l’ordre établi dans l’injustice et le non sens qu’il produit, voire dans la haine et le crime qu’il incarne.
_____ En ayant rappelé cela, j’ai sincèrement l’impression d’avoir, une fois de plus, enfoncé une porte ouverte, pourtant, c’est loin d’être établi comme une réalité factuelle qui serait largement admise dans l’opinion publique tant ce sont les soudoyés et les corrompus qui ont souvent la cote et qui narguent ceux qui résistent jusqu’à tout perdre, en se retrouvant, du jour au lendemain, apatrides en terre d’exil ou otages dans des cellules glaciales, car accusés de crimes qu’ils n’ont jamais commis et subissant des tortures physiques et morales qui devraient être inconcevables, en tout cas inadmissibles pour notre époque. Le comble de la lâcheté pour un opposant, un intellectuel, un artiste ou, d’une manière générale, pour un personnage public, c’est quand, au-delà du silence ou d’une solidarité exprimée du bout des lèvres, on participe sciemment à l’entreprise d’occultation d’une injustice et d’une violence qui, de par leur ampleur et le niveau de leur sauvagerie, auront franchi le cap de l’entendement humain ; celles que la Kabylie subit depuis une année, dépassent tout ce qu’elle a connu jusque-là.
_____ Pourtant, médusés et scandalisés, c’est ce à quoi nous assistons en ce début de printemps et à la veille du 42ème anniversaire du printemps de Kabylie et du 21ème anniversaire du printemps noir de 2001. Et pour cause, après l’hécatombe de l’été noir 2021 (crise de l’oxygène de juin/juillet et incendies criminels du mois d’août) dont nous n’avons toujours pas pu établir, avec précision, le nombre de victimes et de blessés, et alors que les plaies de la Kabylie étaient encore béantes et le profond trauma, à la phase de choc et de sidération, les arrestations de masse étaient enclenchées avec des méthodes inédites aux relents colonialistes nauséabonds d’une époque qu’on a crue à jamais révolue.
_____ C’est à ce moment précis où les exilés et les prisonniers politiques kabyles se comptent par centaines, voire par milliers, et où les citoyens kabyles sont systématiquement interrogés et fouillés dans les aéroports algériens, que des chanteurs kabyles se produisent dans des salles festives où aucun mot n’est soufflé et aucune banderole n’est accrochée pour y exprimer une dénonciation ferme et une solidarité franche, mais aussi, pour rappeler à l’opinion publique cette sombre et hideuse réalité, conséquence d’une brutalité politique jusque-là inconnue, qui frappe la Kabylie de plein fouet. Cette indifférence, à la fois abjecte et lâche, est aussi le fait des « opposants » qui, sans jamais avoir eu la moindre fiche de paie, ont quand même acquis des biens immobiliers à Alger et ailleurs et amassé des fortunes que rien ne peut justifier. C’est enfin l’attitude affligeante des journaleux, des écrivains, des éditeurs… qui, hier seulement, se vantaient d’être d’une irréductibilité voltairienne et qui se bousculent aujourd’hui au portillon d’un salon du livre(3) qui traduit, dans des proportions jamais égalées, cette vassalité des élites(4) à une tyrannie qui, désormais, assume au grand jour son racisme consubstantiel, son inhumanité et la médiocrité de ses manigances pour le moins scélérates..Le 23/03/2022.
________Notes :
(1) La mère de Malek Boudjemaa au lendemain de son arrestation : https://www.facebook.com/RoyaumeNatAbbas/videos/1293294347789483/
(2) NOTRE PRIORITÉ : https://www.facebook.com/allas.ditlelli/posts/4836254153099521
(3) Pour bien des raisons, notamment par solidarité avec les prisonniers politiques et leurs familles, par respect à la mémoire des victimes de l’été noir 2021 et parce qu’il se tient sous l’égide de l’État algérien, je tiens à informer l’opinion publique que je viens de rejeter une invitation pour des séances dédicaces au Salon du livre d’Alger (SILA) qui se tiendra du 24 mars au 1er avril 2022. C’est, il me semble, la moindre des choses dans une situation aussi grave.
(4) – AQVAYLI ANEGGARU : https://www.facebook.com/allas.ditlelli/videos/923350861711058..________________
Allas DI TLELLI
SIWEL 23 1930 MAR2022