(SIWEL) — Nous reproduisons ici l’interview accordée à kabylecom par Mas Ahmed Hadag, le Ministre kabyle des Institutions et de la sécurité au sein du Gouvernement Provisoire Kabyle, Anavad.
Monsieur le Ministre, un nouveau mouvement est né en Kabylie, il proclame une large autonomie pour la Kabylie. Nous voulons savoir votre réaction et celle du MAK-Anavad?
Ahmed Haddag : Ma réaction comme celle du MAK-Anavad, comme l’a si bien dit le premier ministre du GPK, mass Lhacène Ziani, c’est que, dans l’absolu, on ne peut que saluer la naissance d’un mouvement politique qui prône un changement pour la Kabylie.
La démocratie ayant ses règles et au MAK-Anavad, nous y sommes résolument attachés.
La formule d’usage démocratique ainsi passée et si je dois commenter l’objectif d’un statut de large autonomie réclamé par le nouveau venu pour le peuple kabyle, dois-je vous rappeler que nous sommes déjà passés par là ?
Le MAK l’a prôné et défendu pacifiquement sur le terrain en Kabylie et dans la diaspora, face à la violence coutumière de l’état colonial Algérien, de 2001 à 2012, avant d’en tourner définitivement la page pour passer à l’option d’autodétermination du peuple Kabyle pour son indépendance.
Faut-il rappeler aussi que le pouvoir algérien, dont l’autisme n’est plus à démontrer, s’est toujours refusé de saisir l’opportunité de cette offre politique, qui aurait pu éviter toutes les souffrances et sacrifices consentis par nos militants et le peuple Kabyle, après ce que je qualifierai de génocide du printemps noir de 2001 ?
Y revenir aujourd’hui, comme si de rien n’était, serait un retour en arrière qui ne peut qu’être préjudiciable à la Kabylie. Une Kabylie déjà affaiblie et meurtrie par tous les fléaux que ne cesse d’alimenter contre elle le pouvoir colonial et mafieux algérien (Violences en tous genres, insécurité matérialisée par des kidnappings et assassinats, drogue, une salafisation effrénée jusque dans les villages Kabyles les plus reculés, absence totale du moindre projet de développement etc…..)
Il serait plutôt à mon sens, urgent de mobiliser le peuple Kabyle pour sa libération et non de lui proposer un retour en arrière, qui peut discréditer le sens-même de l’action politique de ce nouveau parti dans lequel notre peuple ne saurait se reconnaître. UR ILAQ ARA AN TEZZI N TENNED AD N TTUGHAL ANISI I D NEKKA.
Plusieurs membres fondateurs de ce mouvement, sans citer leurs noms, ont été des anciens militants ou même des membres fondateurs du MAK. Est ce qu’on peut comprendre leur attitude comme un signe d’une divergence politique vis à vis de votre ligne politique actuelle ou d’un conflit d’intérêt qui a déjà existé au sein de votre mouvement et en corollaire les a poussés à créer ce mouvement?
La divergence fondamentale, ou du moins celle qui apparaît aujourd’hui, est annoncée en proposition phare dans les objectifs du nouveau venu :
Le MAK-Anavad, fort de son expérience sur le terrain et celle d’autres peuples qui vivent cette large autonomie, à l’image du peuple Catalan, pour ne citer que lui, veut sortir la Kabylie d’un nouveau colonialisme, arabo-musulman algérien. Celui-ci menace les fondements même de notre existence en tant que peuple kabyle. Nous avons pour devoir d’arracher l’indépendance de la Kabylie.
Seul un état Kabyle, libre et indépendant, démocratique et laïc peut constituer une solution viable et pérenne pour répondre aux aspirations légitimes du peuple Kabyle.
Le nouveau-venu quant à lui et il en fait la raison principale de sa création, veut au contraire la maintenir sous tutelle coloniale. Ce que nous refusons et rejetons dans la forme et dans le fond.
Convaincu qu’aucun statut d’autonomie, aussi large soit-il, ne peut être viable sous une dictature et à fortiori celle d’une Algérie, constitutionnellement « Terre arabe et musulmane » le MAK-Anavad et au risque de me répéter, considère le mythe d’une Kabylie algérienne, définitivement révolu.
Pensez-vous que l’existence de plusieurs mouvements en Kabylie est un signe de fertilité du terrain politique kabyle, de prise de conscience ou au contraire, un signe de division?
Dans l’absolu, le principe même de la démocratie aurait été de considérer l’existence de plusieurs mouvements politiques sur le terrain, y compris en Kabylie, comme un signe de fertilité.
Malheureusement, face à la dure réalité politique et existentielle Kabyle, face aux expériences anciennes et récentes vécues, face au machiavélisme d’un pouvoir colonial et illégitime, qui ne doit son maintien qu’à la devise de « diviser pour régner », je vais avoir l’honnêteté de vous dire que je vois ça et le peuple Kabyle probablement aussi, plutôt comme un signe de division.
J’ai comme l’impression que plus le peuple Kabyle appelle à l’union (TADUKLI) plus les acteurs politiques liés au régime algérien, agissent dans le sens de la division. Je le regrette profondément.
Je me pose aussi la question du timing. Pourquoi ce sigle n’apparaît qu’au moment où le MAK-Anavad se prépare à déposer un Mémorandum pour l’indépendance de la Kabylie ?
Ceci étant, il y a face à nous un fait et une réalité que l’on ne peut ignorer. J’appelle donc tous les acteurs à faire preuve de responsabilité et de fraternité, pour que nos actions, quelles que soient nos divergences, soient guidées par le seul souci de la « Kabylie avant tout ». Pour ma part, je m’y engage.
Nous leur proposons aussi de nous retrouver dans la mise sur pied d’un parlement kabyle sur lequel le Premier Ministre Lhacene Ziani travaille depuis trois ans déjà.
Mass aneghlaf (le ministre), merci d’avoir accepté cette interview, un dernier mot pour nos chers lecteurs.
En tous les cas, le peuple kabyle a déjà tranché. Ses nombreuses marches en faveur de l’indépendance, son constant boycott des élections coloniales en sont autant de preuves et de scrutins référendaires. J’appelle toute la Kabylie à descendre dans la rue le 16/04/2017 à Paris et le 20 avril prochain dans nos trois capitales pour soutenir le Mémorandum d’autodétermination et le MAK-Anavad dans sa démarche pacifique en faveur de l’indépendance. Mes chaleureuses et fraternelles salutations aux lectrices et lecteurs de Kabyle.com.
Entretien réalisé par Amar BENHAMOUCHE
SIWEL 062149 Mar 17