(A)- KIDNAPPING DE KAMIRA NAIT CID, PRÉSIDENTE DU CMA :
Kamira Nait Cid a disparu depuis deux jours. L’information est rendue publique par ses proches. Elle n’a pas été convoquée et arrêtée et elle n’a pas été appréhendée dans le cadre de la loi, à la lumière du jour. Elle n’a pas commis non plus le moindre propos ou acte de violence pour mériter une arrestation, encore moins un acte de vengeance à travers un kidnapping qui est en soi du terrorisme. Pour ceux qui pensent, à tort, qu’il suffit de faire l’aveugle pour éviter la tempête, ils doivent, désormais, se rendre à l’évidence qu’à travers cet acte qui a ciblé Kamira Naït Cid, c’est le curseur de la haine qui est porté à un niveau supérieur où personne n’est à l’abri des pires manœuvres et des sévices les plus inhumains que nous avons longtemps cru révolus. Slimane Bouhafs vient de subir le même acte en Tunisie. C’est vous dire…
Un jour avant son rapt, j’ai pu échanger avec Kamira qui m’avait transmis un fichier audio d’une émission diffusée sur la chaine 3 de la radio algérienne(*) où, un certain Hacène Kacimi, présenté comme un « expert des questions géostratégiques », expliquait dans un tissu de mensonges invraisemblables, impossible à étayer et sans l’ombre d’une preuve, comment les Kabyles, à travers le CMA que préside justement Kamira Naït Cid, soi-disant sous impulsions d’Israël, auraient lancé la préparation d’un plan visant à disloquer toute l’Afrique du Nord ! Rien que ça.
À travers les propos tenus dans cette émission radiophonique, Kamira s’était naturellement sentie visée et, dans un moment aussi trouble, l’inquiétude est plus que justifiée. De là à ce qu’on puisse venir l’enlever chez elle juste après la diffusion de la dite émission et ce, sans fournir à sa famille le moindre renseignement sur le lieu où elle pourrait se trouver, nous voilà entrés de plain-pied dans l’univers lugubre qui, dans l’histoire, a souvent précédé le pire à une échelle qui, sans verser dans le catastrophisme, devrait inquiéter tout un chacun, car, à ce stade-là, plus personne n’est à l’abri de rien.
À cette heure précise, il reste à espérer que Slimane Bouhafs et Kamira Naït Cid, cette femme de paix, soient bien traités et que leurs ravisseurs communiquent très vite à leurs proches, les lieux où ils sont retenus en violation de la loi et des droits humains. Leur libération est une exigence de tout un peuple, c’est le moindre respect qui est dû à la Justice elle-même.
Que Kamira et Slimane, ainsi que leurs familles trouvent ici l’expression de toute ma solidarité et de mon soutien fraternel le plus inconditionnel.
(B)- PUBLICATION SCANDALEUSE DE LA BERBÈRE TÉLÉVISION :
La publication (voire la capture d’écran) date d’aujourd’hui 26 août 2021. Sans étirer plus longtemps le commentaire, il serait peut-être plus facile à comprendre en procédant autrement et succinctement. En voici donc, en quelques tirets, l’essentiel à en retenir :
_ La Berbère Télévision a publié l’information deux fois de suite, à la même heure (15:10) et sans recueillir au préalable la réaction du premier concerné. Or, la redondance est une vieille technique de la propagande. . _ Dans la première phrase, le « va lancer » signifie que l’information, pas encore effective, n’est pas officielle. Dès lors, pourquoi Berbère Télévision la diffuse-t-elle ?
_ L’information n’est pas mise entre guillemets, ce n’est donc pas un extrait d’une déclaration officielle. Cela veut dire que c’est la Berbère Télévision qui parle. Est-elle devenue elle-même, la voix de l’État algérien ? . _ L’usage du vocable « soupçonné » ne précise pas par qui. Or, sans préciser qui soupçonne, la Berbère Télévision suspecte elle-même Ferhat. Autrement dit, cette chaîne, par cette publication, vient de jeter en pâture Ferhat Mehenni et à travers lui, tous les Kabyles qui, plus ou moins, se sont rapprochés de ses idées ou de lui.
Autant d’éléments à charge dans deux simples phrases. Rien que pour cela et sans que personne ne l’accuse, la Berbère Télévision a montré elle-même qu’elle a choisi de camper le rôle de segment au service de la propagande maléfique du régime algérien, qui bat son plein en ce moment. Agir de la sorte en ces moments particulièrement périlleux où la chasse aux paisibles militants kabyles qui sont traqués, kidnappés, accusés de terrorisme qu’ils subissent eux-mêmes de plein fouet, c’est faire le choix de soutenir les dérives gravissimes qui sont en train d’être commises en Kabylie et ce, sans que personne ne puisse prédire où cette escalade pourrait mener. Soutenir, d’une manière ou d’une autre, une telle aventure, c’est se constituer partie prenante des tragédies qui s’annoncent forcément quand toutes les limites sont franchies.
Ce qui vient d’être écrit, n’est pas une attaque, c’est une interpellation. Si c’est une erreur d’inattention, il est grand temps d’y remédier et, par la même occasion, de soigner un tant soit peu une communication qui, depuis quelques années, s’est tristement éloignée des normes professionnelles.
(C)- LE FIN MOT, PAS LE MOT DE LA FIN :
Depuis la nuit des temps et partout dans le monde, il doit y avoir d’abord un certains nombres d’actes de violence et des attentats terroristes revendiqués en partie par ceux qui les ont perpétrés, viendra ensuite la classification de ces derniers comme terroristes. En Algérie de 2021, on a d’abord procédé à cette classification, on est passé ensuite à la fabrication des actes de violence, censés prouver la justesse de cette décision à première vue grotesque, mais lourde de sens et aux conséquences imprévisibles.
Les arrestations hasardeuses en cours et les derniers kidnappings opérés sur fond d’une propagande sans précédent qui carbure à plein régime, révèlent une volonté manifeste de préparer l’opinion en vue de frapper les esprits avec quelque chose d’inattendu. Cela dit, a-t-on, à ce point, perdu pied avec la réalité pour aller jusqu’au bout d’une telle folie ? Seul le temps nous le dira.
Aussi, il n’est plus possible de renverser l’échelle des valeurs en fonction des circonstances. Jamais autant d’innocents n’ont été jetés dans les geôles, avec une telle désinvolture, et jamais autant de gueules ne se sont fermées et/ou ne se sont précipitées pour prendre part, bruyamment ou d’une manière détournée, au maccarthysme en cours.
En effet, personne ne mérite d’être kidnappé de chez lui ou d’ailleurs, car c’est cela le terrorisme. Personne ne mérite d’être arrêté, montré à la télévision et jeté en prison pour servir la propagande au détriment de la justice, car c’est aussi cela le terrorisme. En dehors du moindre acte de violence commis ou revendiqué, personne ne mérite d’être haï pour ses idées et accusé de terrorisme pour ces mêmes idées, car c’est encore cela le terrorisme.
La spirale du mensonge a cela de consubstantiel et de systématique : Une fois la machine enclenchée pour imposer un mensonge, l’engrenage est tel qu’il faut toujours un autre mensonge pour soutenir le précédent tant et si bien que l’aboutissement pourrait détruire tout le monde, le menteur y compris. C’est ce que s’entêtent à ne pas comprendre les tyrans de tous les pays et de toutes les époques.
À cet instant précis et à défaut de pouvoir appeler le pouvoir algérien à la raison et à amorcer une logique de désescalade et d’apaisement, et ses supplétifs au minimum de dignité, que chacune et chacun se ressaisisse pour adopter des attitudes plus loyales et surtout, plus responsables, notamment quand la haine est à ce point attisée.
En attendant et sans être dupe, je me permets d’espérer que la politique, dans ce qu’elle a de noble, (ré)investisse le terrain et les esprits, que le dialogue responsable et serein, prenne dans les médias, dans l’arène politique et dans la société, la place que squatte présentement la haine, l’invective et la violence qui ne peuvent aboutir qu’à la défaite de tous et à la victoire de personne, et, enfin, que la sagesse et l’humanisme soient au cœur de chaque propos, du moindre fait et de tous les gestes, car, l’unique certitude qui soit perpétuelle, c’est que l’histoire retiendra comme toujours et indélébilement, l’infinitésimal détail, le moindre fait, le moindre propos, le moindre geste.
Allas DI TLELLI
SIWEL 271312 AOU 21
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PS : Je n’oublie pas les villages sinistrés et les familles endeuillées, je n’oublie pas les centaines de morts de cet été noir, victimes du manque d’hôpitaux, de la rareté de l’oxygène et des incendies criminels, je n’oublie pas les très nombreux blessés dont certains ne sont pas encore sûrs de s’en sortir. Je n’oublie pas tous les prisonniers politiques et tous nos exilés et apatrides… Ne les oublions pas.
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(*) Pour écouter l’émission en question, diffusée sur les ondes de la chaîne 3 de la radio algérien : https://podcast.radioalgerie.dz/sources/Chaine3/mp3/bab672a9-40ef-45b9-aa7c-993b0d0b1e6a.mp3?fbclid=IwAR3QEOaJCnBOTK_S7zTLESUruoVjnOMsbRUyJLdNjK62i_ePg_gxOD1tGyA