Le projet souverainiste kabyle est en rupture avec les revendications culturalistes sans issues

(SIWEL) — Les derniers débats sur l’autonomie, suscités par des culturalistes en mal d’existence, nous ont poussé à appréhender l’identité sur le temps long. Il en ressort que la question identitaire est avant tout un piège pour les kabyles. Et cela les nationalistes l’ont bien compris. Le projet souverainiste kabyle étant un projet politique en rupture avec des revendications culturalistes historiquement sans issues. De manière générale, se revendiquer d’une identité idéologique (islamiste, arabiste voire berbériste) ne permet pas d’être en paix avec soi. En revanche, il en va autrement avec les identités de références issues de processus historiques naturels. Qu’est-ce qu’il est bon et reposant pour l’âme et pour le cœur que d’être simplement kabyle. Reste à savoir pourquoi ?

Le piège de la revendication identitaire

Le piège de la revendication identitaire consiste à poser le problème kabyle en tant que « fracturation » d’un ensemble d’appartenance plus grand. Cela renvoie plus généralement au terme de « communauté » au sein d’un espace public qui serait plus large. Donc des ensembles qui n’existent pas, qui n’ont aucune réalité. Ce qui revient dans le discours officiel à donner une image « artificielle » « imaginée » d’une appartenance kabyle et/ou berbère. Convenez-en, c’est un comble que de taxer la kabylité de communautarisme ou essentialisme dans son milieu géographique et politique naturel.

Par ailleurs au sein de Tamazgha (Afrique du Nord) ce sont bien les appartenances à une nationalité arabe et à une communauté islamique mondiale fantasmée qui sont des appartenances artificiellement construites. Dans Tamazgha l’appartenance à la «berbérité » est une réalité anthropologique y compris dans ses abstractions culturelles, métaphysiques, juridique et politique. Quelque soit la langue native de l’individu. Mais ce qu’on lit un peu partout avec la propagande d’Etat, c’est le contraire. Sans compter que le jacobinisme et une « pratique ottomane » du pouvoir ne font que brouiller davantage les cartes. Encore une fois, « c’est bon d’être kabyle, c’est bon d’être soi-même ».  Pour pousser plus loin la réflexion à ce propos, voir la schismogénèse symétrique de Bateson.

Le mythe Algérie (française puis arabo-islamique)

Nous savons que l’habillage arabo-islamique des arabo-nationalistes est artificiel. Il n’y a qu’à se rappeler la  manipulation d’un Messali Hadj sous influence levantine (Chakib Arslan). Ceci n’a été possible que parce que la France coloniale a fait exister pendant 123 ans un ensemble artificiel et fantasmé : l’Algérie française. Dans l’histoire de Tamazgha Centrale un tel ensemble (Algérie) n’a jamais existé sous la forme que lui a donné la France. Même sous l’État amazigh de Massinissa. Puisque l’unité politique des peuples massyles-massaessyles n’a même pas tenu 3 générations. Une construction qui s’est vite désagrégée sous la pression de l’histoire. Seuls les ensembles naturels ont survécu aux différents âges de notre histoire. L’Ouest (Oujda), le Centre, le Jurjura et Aurès/Nemenchas… Des ensembles qui correspondent plus ou moins à ce que la démocratie horizontale berbère* , les réalités géographiques, historiques et anthropologiques de Tamazgha ont produit.

Etre indépendantiste ou pas, telle est la question

Au départ, les kabyles voulaient juste se débarrasser d’un colonialisme français honni de tous. Donc être en toute simplicité indépendant. Il faut savoir que Messali et Ferhat Abbas bien que leaders n’étaient pas indépendantistes. En revanche,  Amar Imache n’était pas en situation de leadership mais était le fer de lance idéologique de l’indépendance. Au départ, ce n’est pas non plus l’algérianité en soi qui posait problème aux kabyles. Elle apparaissait comme une « supranationalité » qui confère des avantages tout en restant kabyle.

Mais ce projet a été mis à mal par l’option arabo-algérianiste et islamo-algérianiste. La Kabylité est avant tout une appartenance territoriale, nationale et spirituelle… Ce qui fait qu’historiquement la Kabylie n’a d’autre choix que de se soustraire au berbérisme, arabisme et islamisme par la recherche inévitable de son indépendance. Elle pourra ensuite si elle le consent appartenir à une supra-nationalité (Amazigho-centrale ?) capable d’englober les berbérophones, derjaphones et leurs Etats. Mais capable aussi de conférer un avantage civilisationnel que l’Orient n’offre plus depuis longtemps.

L’amazighité permettrait à l’ensemble des peuples d’être en lien « pacifiquement » avec les autres appartenances culturelles et territoriales de Tamazgha centrale et de Tamazgha tout court… En ce sens la recherche de l’autonomie est en contradiction majeure avec l’Histoire de la Kabylie. Un pays qui n’a eu de cesse de préserver son indépendance même du temps de Massinissa. Que se soit pendant l’antiquité, la période moderne (1510-1833) et la période contemporaine (1833 à nos jours) seule l’indépendance compte.

En réalité, l’option indépendantiste en pacifiant les identités est la seule option en capacité de pacifier les relations durablement au sein de Tamazgha centrale.

Salem AT SEYD

* A ne pas confondre avec l’État kabyle qui est un modèle de gouvernance berbère semi-vertical avec ses lieux de centralité. L’Etat kabyle étant le plus abouti du  modèle de démocratie fondamentale berbère ou méditerranéenne. Rappelons que la gouvernance complexe que permet le modèle d’État kabyle (XVIIIème) a pour finalité première de tenir en échec les divisons. Ainsi que de limiter l’imposition des contribuables kabyles.  A bon entendeur…

SIWEL 021231 Mar 17

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