KABYLIE (SIWEL) — Village et commune légendaires, car berceau de l’un des monuments de la culture kabyle, Slimane Azem, mais aussi de Belaid Abchiche, de Larvi Aouani, d’Akli Bekdache, de Hacène Abbani, de Malyka Yami et de beaucoup d’autres artistes… Agouni Gueghrane est aussi le terreau de militants et d’intellectuels connus et reconnus dans le combat identitaire et démocratique : Amar Zentar, Ramdane Achab, Arab Aknine, Karim Achab, Hocine Azem, Adil Slimane, etc. Cette commune, ma commune, est depuis quelques jours, la cible privilégiée d’attaques de tout genre, sa population profondément attachées à ses racines et à ses valeurs kabyles, subit dans la foulée, un véritable supplice et une humiliation que rien ne justifie. Insultés, stigmatisés, traités soudainement d’islamistes par des gougnafiers de tout acabit, les Ath wagouni-gueghrane sont parfois désignés outrageusement de « traîtres de la Kabylie ». En cause, la récente mascarade électorale qui, au grand dam des Agouni-gueghranais et au grand étonnement de l’opinion publique, a « porté » à la tête de la municipalité un maire islamiste, chose jusque-là inimaginable. Si un tel fait contrenature, voire inquiétant, peut légitimement décontenancer d’aucuns, faut-il pour autant marquer au fer rouge cette commune dans son ensemble qui est la première à en accuser le coup. Et pour cause, coller à toute la population d’Agouni Gueghrane la responsabilité de cette ignominie post-27 novembre, c’est ajouter de l’injure à l’injustice ; l’injure du mépris, de l’infantilisation et de la déresponsabilisation.
COMMENT CE DÉSHONNEUR POLITIQUE A-T-IL PU SE PRODUIRE ?Pour comprendre la genèse de cette dérive historique qui, cela dit en passant, ne doit plus se reproduire à l’avenir, il faut revisiter tous les événements qui ont eu lieu en amont et ce, depuis plusieurs années. Faute d’espace, cela va être fait une autre fois, sur un support plus adéquat. Pour le moment, limitons-nous aux dernières semaines qui sont aussi parlantes à ce propos. En novembre dernier, un appel au rejet massif de ces élections de la honte a été lancé pour plusieurs raisons :1/- Politiquement, c’est la suite logique de la lutte séculaire de la Kabylie et la confirmation définitive du divorce d’avec le régime totalitaire algérien. Au-delà, un boycott massif est une rupture intégrale du contrat social avec cette nation chimérique et l’idéologie arabo-islamiste qui lui sert de socle.2/- Juridiquement et après le zéro vote kabyle aux présidentielles, au referendum de novembre 2020 et aux législatives d’avant « l’été noir », c’est, de fait, l’accomplissement du détachement administratif et institutionnel de la Kabylie, de l’Algérie jacobine qui, en sus, est foncièrement raciste.3/- Humainement, c’est une solidarité somme toute naturelle avec les trop nombreux détenus politiques et d’opinions kabyles qui croupissent dans les geôles algériennes. C’est aussi, en filigrane, un soutien précieux à leurs familles et à celles des victimes des incendies criminels d’août 2021. Enfin, c’est un moindre hommage à ces dernières.
Le recouvrement de notre liberté ne devant pas passer nécessairement par une action de type révolutionnaire, le choix est donc porté depuis longtemps sur la neutralisation de l’action servile. À cet effet, le vote dans une situation aussi périlleuse où la Kabylie subit l’inacceptable, n’est qu’une légitimation offerte à l’ordre établi et, par conséquent, une grave forfaiture contre la longue lutte pour la liberté et la dignité menée par des générations entières, depuis Imache Amar à nos jours. Dans ce sillage, faire revivre notre organisation séculaire « agraw n taddart » (L’assemblée du village), en la dotant d’outils de gestion moderne et des moyens conséquents pour mener à bien sa mission, était l’un des leviers retenus pour appuyer l’alternative que constituait le coup de grâce du quatrième boycott consécutif de la Kabylie.
Malheureusement, sur le chemin vers la liberté, se tient toujours en embuscade, la même espèce des sans vergognes et de parasites qui, aveuglés par l’intérêt personnel, rongés par la haine et pressés de dissimuler leurs désastreux bilans, mettent-ils le genou à terre pour offrir, toute honte bue, leurs vils services au stupre politique et social et ce, quitte à vendre leur âme aux diable et à mettre en jeu le destin et l’honneur de leur propre village. Pour ce faire, cette meute qui se complait dans cette entreprise de démolition et d’abdication de la société, est pourtant connue pour sa médiocrité et son instabilité pathologique et ce, à telle point que certains actes de dépravation d’aujourd’hui nous renvoient aussitôt à ceux d’hier. En effet, qu’en est-il de l’exclusion de son parti, pour « faute grave », du principal concerné qui, pour rappel, avait déjà soutenu, par frustration et indignité, l’unique élu islamiste de l’APC de l’époque ? Une exclusion qui, faute de militants dans la commune, sera levée quelques années plus tard pour permettre au « parti » d’avoir une liste à Agouni Gueghrane et à l’intéressé, désœuvré de son état, d’avoir enfin la tête d’une liste de candidatures à l’insu même de ses propres colistiers dont l’un démissionnera en pleine campagne électorale ! Ce précédent a démontré déjà le niveau de déliquescence morale et politique atteint au sein même de l’appareil partisan en question. Aujourd’hui, c’est le même qui, toute honte bue, revient après un mandat local monstrueux, seul à avoir poussé les citoyens à emmurer plusieurs fois l’entrée de son bureau et, comble de l’opportunisme primaire, tourne le dos au mot d’ordre de boycott de sa propre chapelle partisane, le RCD dont il ne reste plus grand-chose et ce, pour présenter sa candidature dans le cadre d’« Assirem » ; ces listes appartenant aux affidés de Saïd Sadi qui, pour vendre ce nouveau produit nuisible, a dû actionner ses relais versatiles en France et en Amérique du Nord.
QUE DISENT LES CHIFFRES ?De prime abord, il faut rappeler cette évidence que d’aucuns oublient trop souvent : l’élection municipale est très particulière en Kabylie. De par la proximité entre le citoyen et l’APC, l’intérêt porté à cette élection relève beaucoup plus de l’ordre de l’affect que du politique. Parti ou pas parti, même dans la défiance du pouvoir algérien ou le désenchantement le plus absolu, même si les listes sont invariablement investies par l’incompétence et la prédation, il s’en trouve toujours une partie de la population qui, y compris pour de mauvaises raisons, oublient les enjeux politiques et votent quand même. C’est l’expression d’une préférence d’un visage sur un autre, d’une famille par rapport à l’autre, d’une revanche personnelle… c’est aussi le choix intéressé de celui qui est susceptible de « donner » quelque chose, c’est enfin et surtout l’expression des rivalités entre les villages que le FLN, parti unique, avait longtemps instrumentalisées, voire exacerbées, avant de connaitre un déclin à la faveur de l’émergence du MCB durant les années 1980, pour revenir ensuite avec les affrontements puérils entre le RCD et le FFS durant les années 1990. Ce sont ces éléments qui expliquent la participation même relative aux élections locales et pourquoi le régime algérien n’a aucune emprise sur leur résultat en Kabylie où la culture de la surveillance citoyenne est profondément ancrée.
Concernant les résultats du vote du 27 novembre dernier au niveau de la commune d’Agouni Gueghrane dont la population est estimée à plus de 10 000 habitants, ils sont comme suit :
– Liste Assirem : 4 sièges avec 859 voix.
– Hamas : 4 sièges avec 841 voix.
– Liste Kouriet : 4 sièges avec 793 voix.
– FFS : 1 sièges avec 159 voix.
– Total des suffrages exprimés : 2652 voix.
D’ores et déjà, il est évident qu’à la fin du dépouillement et malgré l’effet surprise, un maire islamiste à Agouni Gueghrane, relevait encore de l’inimaginable. Et pour cause, l’opinion locale était persuadée que les trois autres listes (Assirem, Kouriet et le FFS) prétendument démocratiques, voire laïcardes, par le truchement de quelques sages et le recours à l’inévitable levier des alliances, allaient, d’un revers de la main, balayer l’insulte et la menace arabo-intégriste qu’incarne le Hamas. Hélas, c’était compter sans l’aveuglement et l’irresponsabilité des concernés qui, au passage, portent l’entière responsabilité de l’émergence en Kabylie de ce nouveau fléau intégriste qui consacre l’échec cuisant du couple FFS/RCD qui, durant de longues années, avait l’exclusivité des faveurs de la population. S’ensuivent alors trois longues semaines (du 27 novembre au 13 décembre) où la rumeur devient information, ouvrant ainsi le champ au déferlement de réactions accablantes pour toute la commune, mais aussi aux spéculations des uns et aux tractations occultes de ceux qui ont fait entrer le loup dans la bergerie. Ainsi, ayant mis l’intérêt personnel au dessus de l’intérêt général, le maire sortant (liste Assirem) et néanmoins transfuge du RCD, arrivé en première position avec 421 voix seulement, a (au minimum) fait preuve d’une inconscience effarante, confirmant ainsi son insondable indigence politique, intellectuelle et humaine.
Dans la déclaration, en langue arabe, une première dans la commune, diffusée par les candidats islamistes du Hamas, il est écrit :« Par la grâce de Dieu, monsieur A. M. a été intronisé président de l’assemblée communale d’Agouni Gueghrane dans la matinée du 13 décembre 2021 et ce, suite à l’alliance avec les élus de la liste indépendante Assirem ». (Déclaration en arabe ci-dessous) Ainsi donc, l’histoire retiendra que la prostitution politique et l’abjection ont été délibérément choisies au détriment de l’honneur et de la probité et que, à cause de l’égoïsme et de l’inculture d’un maire sortant qui a tout raté, les ouailles de Saïd Sadi ont imposé à la tête de la mairie d’Agouni Gueghrane, un adepte du fanatique anti-kabyle Abderrazak Makri, lui-même disciple de l’obscurantiste Mahfoud Nahnah. Dans ce scandale infamant, il apparaît clairement que la population d’Agouni Gueghrane est victime de l’irresponsabilité des uns et de la lâcheté des autres. Elle en prend acte.Ahcène Azem.
SIWEL 181140 DEC 2021