,

Yasmina Khadra ou l’opération zéro Kabyle ? Par Olivier Graïne

Droit de réponse d’un kabyle à un algérien

Par Olivier Graïne, sculpteur kabylo-kabyle, ccah ihway-i !!!

Un jour, Yasmina Khadra, ex-officier algérien (véritable identité : Mohammed Moulessehoul, grade : commandant) reconverti en écrivaillon, a expliqué (cf. extrait vidéo ci-dessous) qu’il ne signerait jamais un livre à quelqu’un qui se présenterait comme kabyle, kabyle-français ou berbéro-français. Pour lui, on est algérien. Uniquement algérien. Le reste, ça n’existe pas.

Cette phrase, il ne l’a pas dite sous la colère. Il l’a servie avec méthode tel un principe, une règle, un tri identitaire parfaitement assumé. Et quand le journaliste Khaled Derarni récemment lui a demandé s’il regrettait cette déclaration, il a toujours répondu avec son vocabulaire de quasi analphabète habituel, droit dans ses bottes de gradé comme s‘il s’adressait à ses subalternes.

« Non, je maintiens… »

Voilà. Le type confirme, il signe et persiste.

Eh bien moi, je suis kabyle. Je le dis, je l’affirme, et je n’ai pas besoin qu’on me le valide

Ta signature ? Je ne la veux surtout pas. Pas seulement parce que tu me la refuses mais parce qu’elle ne vaut rien.
Tout comme tes livres.

Je ne veux pas ta dédicace, de toute façon je ne lis pas le coran. C’est dit.
Tes romans, je les laisse à ceux qui ont envie de s’ennuyer en silence. Ce n’est pas de la littérature, c’est de la matière tiède.
On lit ça comme on lirait un mode d’emploi pour brancher une perceuse. Même niveau d’émotion, même profondeur.
On tourne les pages comme on avale un biscuit sec dans un avion : mécaniquement, parce qu’on n’a rien d’autre.

Pas un souffle, pas une idée, pas une phrase qui vous reste. Ce n’est pas que tu  écris mal. C’est que tu n’écris rien. Tu alignes des mots comme l’on aligne des soldats de plomb et ton éditeur rattrape tout ça pour en faire un roman de gare digeste.

Et pendant que certains pensent, toi tu exécutes.
Pendant que Faulkner construisait un Sud tragique et labyrinthique, toi tu décris des situations comme des rapports de mission.
Pendant que Proust explore les infimes variations du temps et de la mémoire, toi tu racontes l’actualité comme on rembobine un fait divers.
Pendant que Stendhal met la passion au service de la lucidité, toi tu mets des majuscules à des mots creux.
Pendant que Kateb Yacine, Mammeri, Dib, Feraoun, Boudjedra bousculaient les formes, brisaient les carcans, cherchaient la voix des sans-voix, Khadra reste sur la ligne, bien sagement.

Et pendant que Camus interrogeait la justice, la vérité, le doute, dans la complexité même de sa position d’homme né en Algérie, toi Khadra tu appliques la doctrine militaire dans un salon du livre.

Alors que Georges Amado écrivait des romans populaires habités par le soleil, la sueur, la sensualité, la complexité humaine, toi Khadra tu ponds des livres vides d’intérêt comme des bulletins administratifs.
Amado célébrait la vie, même dans la misère.
Toi Khadra tu documentes la douleur, en sirotant ton thé à la menthe affalé dans ton confortable fauteuil d’apparatchik.

On peut m’objecter que tes livres se vendent. C’est vrai. Mais vendre n’a jamais été une preuve de littérature. Sinon il faudrait dire que le ketchup est une œuvre d’art parce qu’il se consomme à grande échelle.
Tes livres sont calibrés, traduits, exportés mais jamais habités.

Pendant qu’il nie notre identité, pendant qu’il affirme que nous n’existons pas, il s’affiche fièrement aux côtés d’un chanteur kabyle célèbre : Aït Menguellet, pour ne pas le nommer.
Mais que l‘on soit clair.
Aït Menguellet est un homme libre, un poète, un lecteur, un sage. Il écoute, il parle. Il incarne l’élégance de ceux qui n’ont rien à prouver. Un kabyle en somme.
Mais il ne représente que lui-même.

Je pose clairement la question de fond, j’insiste sur ce que ferait un véritable écrivain face à une affirmation identitaire aussi forte, et je dénonce sans détour l’héritage idéologique dictatorial de Khadra, tout en recadrant sa posture opportuniste vis-à-vis d’Aït Menguellet (avec sobriété et respect pour ce dernier).

Si cet homme était un homme de lettres, un vrai, que devrait-il faire quand un lecteur lui dit : “je suis Kabyle” ?
Il devrait chercher à comprendre. Se taire d’abord, puis écouter.
Il devrait se demander pourquoi quelqu’un éprouve le besoin de le dire, de l’affirmer, de le répéter, encore et encore.
Pourquoi cette insistance ? Pourquoi cette tension ? Pourquoi cette fidélité ?

Quand tout un peuple, génération après génération, affirme une identité, ce n’est pas par caprice. Ce n’est pas pour provoquer.
C’est parce que cette identité a été mise en danger, niée, humiliée, effacée.
Dire “je suis Kabyle”, c’est refuser de disparaître. Plus encore, un projet de société !

Mais Khadra n’est pas un homme de lettres, pas un intello, c’est un soldat qui publie tel un porte-voix du commandement.
Il ne cherche rien, il ne questionne rien, il condamne.

Il vient de là : de cette institution, de ce régime qui, depuis l’indépendance, a voulu éradiquer la Kabylie.
Avec des bombes, avec des slogans, des censures, des lois, des humiliations, des incendies, des assassinats, des emprisonnement massifs, des bannissements, …

Le régime algérien porté par les supérieurs sanguinaires de Khadra, n’a jamais digéré la Kabylie. Elle la tolère comme un caillou dans sa botte.
Elle a rêvé de l’absorber ou de l’user. Elle a même eu son projet  : « opération zéro Kabyle ».
Et Yasmina Khadra, dans son costume d’auteur au garde-à-vous, poursuit ce travail d’effacement à sa manière aujourd’hui et on l‘imagine même maltraiter les soldats kabyles sous sa botte quand il était commandant.

Khadra, ne crois pas que tu tiens la Kabylie parce que tu poses sur une photo avec un Kabyle.
Tu nies notre existence, tu refuses notre nom, et tu crois pouvoir nous séduire, t‘es fou ou quoi ?

Alors non. Ni ta signature, ni ton livre. Rien de toi. Garde tout ça bien au chaud, avec tes certitudes, ton thé à la menthe et ta morale figée.
Reste dans ton monde sans Kabyles, sans nuance, sans art.
Et laisse nous exister là où tu ne veux même pas nous voir.

Et moi, je lis. Je lis les grands. Je lis ceux qui dérangent ; ceux qui laissent un vide après leur dernière page, ceux qui ouvrent un espace qu’on n’attendait pas.
Je lis Proust.
Et je tombe parfois par accident fâcheux sur Khadra.
Et là, je comprends : il y a Proust, et il y a Prout. Yasmina Prout.

« Alors écoute, petit homme… »
Tu sais quoi ?
Tu viens de rendre un immense service à la Kabylie.
En t’attaquant à elle,
tu viens de la réveiller.
Tu viens de chatouiller un volcan qui dort d‘un seul œil
Et quand il va éclater,
il va te souffler ta casquette,
tes galons,
et toute ta smala.

Comme aurait dit René Descartes :
Tu nies, donc nous sommes !

Olivier Graïne

SIWEL 241856 JUI 25
KAB68622 1 G 1271 20250724 18:56 UTC+1 FRA/SIWEL-RC2631

Brisez la censure : Partagez cette information

En Algérie, tous les sites d’information kabyles, y compris Siwel, sont actuellement bloqués

Pour contourner cette censure, nous invitons tous ceux qui lisent cette note à partager l’information avec les Kabyles vivant en Kabylie ou en Algérie. Encouragez-les à installer un VPN ou à utiliser un navigateur sécurisé comme TOR. Ces outils, faciles à installer en quelques minutes, leur permettront de retrouver l’accès à des dizaines de sites bloqués et de rester informés.

Votre contribution à diffuser cette information peut faire toute la différence. Merci pour votre soutien !