HISTOIRE (SIWEL) — « Si j’étais sultan, je gouvernerais les Arabes avec une main de fer, et si la loi ordonnait de faire une saignée derrière le cou de mon propre frère, je l’exécuterais des deux mains. »
Au nom de la Chariaa
En réponse à la question de son père, Abdelkader entendait par loi, la loi islamique, la chariaa. Le Commandeur des croyants peut-il être qualifié de grand humaniste avec de tels propos ? Peut-on même le qualifier de franc-maçon au regard de sa conception islamiste de la loi ? Comment devrions-nous alors qualifier les sages de Kabylie signataires de la délibération dites de 1749 ? Ou encore ceux qui ont opposé des principes laïcs, républicains et démocratiques à l’outrecuidant Abdelkader lors de la rencontre avec les puissantes ligues fédérales de Kabylie à Sidi Ali Ou Moussa (Maatkas). Pourtant haut lieu des « imravden » de Kabylie.
Ces propos d’Abdelkader viennent en réponse à la question de son père Maheyedin. Peu avant sa désignation par trois tribus du trar’a (Ghazaouet et Nedroma aujourd’hui). Mahyedine sort devant l’assistance des trois tribus et proclame : « Voilà le fils de Zohra, voilà le sultan qui vous est annoncé par les prophètes ! ».
L’histoire d’Abdelkader commence donc avec la construction d’une légende. Une légende propagée par son père Maheyedine à son retour de la Mecque. Que raconte cette légende ? A Bagdad, un nègre sort du tombeau du grand marabout Sidi Abdelkader El Djilali. Il offre à Abdelkader et son père harassés par ce long voyage des dattes, du lait et du miel. Le paradis en somme. Mais à peine eurent-ils mangé une seule datte que leur faim fut rassasiée. Allons donc ! Toujours dans la légende, le nègre figurant un ange descendu sur Terre, tel un Bilel messianique du haut de son minaret divin, proclame qu’un Sultan viendra gouverner tout le Gharb. Sans compter, qu’il annonce la fin des turcs. Science politique oblige ! Notez, s’il vous plait que le Gharb n’est rien d’autre que le nord du Maroc et l’Ouest de Tamazgha Centrale. Alors ? Abdelkader sultan des marocains ou des algériens ? Nous laisserons à d’autres le soin d’y répondre. Une chose est certaine, nous ne sommes pas loin de l’annonce de la résurrection du Saint Empire Almoravide ou Maraboutique. Reste à savoir la boutique de qui ?
L’Opium et le bâton
Ironie mise à part, tout ceci pour illustrer l’Opium que les maîtres d’un Islam maraboutique et superstitieux dispensaient déjà au peuple. Dans une ère où le Bâton n’était que peu dissuasif. Surtout avec les kabyles, de l’aveu même de l’Emir Abdelkader. Cet opium maraboutique est une arme de colonisation qui fut généralisée par la France coloniale afin de détruire la fameuse Rahmaniya. Porteuse d’un Islam égalitaire kabyle, excluant l’hérédité de la charge maraboutique, et qui dès le XVIIIe siècle se montre compatible avec la laïcité, la démocratie et la vie républicaine.
En effet, la Rahmaniya consacre la séparation entre Autorité religieuse et Pouvoir politique. Mais surtout sa pensée d’essence kabyle est infiniment subversive et capable de tisser des réseaux très efficaces de résistance à la colonisation d’est en ouest de Tamazgha centrale. Que cette colonisation vise à servir des intérêts arabes, turcs ou français. Mais cette pensée croule de nos jours sous un maraboutisme sunnite et superstitieux, la wahhabisation des esprits. Un Islam d’Etat que l’Algérie reçoit de son fondateur colonial. Un héritage français dont L’Emir Abdelkader n’est pas le seul légataire.
Amirouche Vs Abdlekader, l’ami de la France
En 1832, Abdelkader refuse contre l’avis de tous que l’on accorde « la protection » sollicitée par le Bey de Tunis. Et pourtant ce genre de demande ne se refuse pas. L’ambition politique « démesurée » d’Abdelkader vaudra à Oran d’être occupée par la nouvelle puissance coloniale en un éclair. Plus tard, il signe le traité de la Tafna qui « oblige » à la neutralité. Neutralité qui sert les intérêts militaires des français qui ne tardent pas à prendre Constantine. Tout cela mis à bout à bout, excusez l’anachronisme, aurait obligé un grand guerrier kabyle du XXème siècle à intervenir.
Nous ne parlons ni plus ni moins que du désormais légendaire Amirouche. A intervenir, comme il l’a fait pour remettre de l’ordre dans les Aurès/Nemenchas puis d’autres Wilayas historiques dont les divisions donnaient un net avantage à la puissance coloniale. Nous n’osons imaginer le sort qu’Amirouche aurait réservé à Abdelkader, l’Ami de la France, si l’un avait été le contemporain de l’autre.
La Kabylie, un obstacle de taille
Pour le colonisateur et selon le testament du Dey d’Alger en partance pour Malte, il y a un morceau de taille à abattre, un pays fort de plus de 100 000 soldats armés. Un pays organisé comme nul autre au sein de Tamazgha centrale. Alors que partout ailleurs le débarquement à Sidi Ferruch n’engendre que chaos et anarchie. Ce pays c’est celui des Zouaouas, la fameuse « Grande Kabylie » allant de Bordj Menaïel à Jijel et de Dellys aux limites de M’sila. Et les nouveaux colonisateurs forts de leur puissance industrielle seront forts aussi des appétits du Commandeur des croyants. En effet, celui que l’on surnomme en Kabylie, le « Raïs Abdelkader Ben Turquie » a des vues coloniales sur la Kabylie. Le grand Ami de la France convoite la Kabylie… Ce qui servira encore une fois les intérêts de la nouvelle puissance coloniale. Puisqu’elles apportent à Bugeaud sur un plateau, un casus belli, pour ouvrir les hostilités avec le plus puissant pays de Tamazgha centrale, la Kabylie.
A suivre.
Salem At Seyd
SIWEL 271925 Mar 17